excentriques

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Si le terme n'a jamais servi à désigner une école ou un courant constitué, il revient à Nodier d'avoir le premier lancé l'idée de « livre excentrique » ou « livre qui est fait hors de toutes les règles communes de la composition et du style, et dont il est impossible ou très difficile de deviner le but, quand il est arrivé par hasard que l'auteur eût un but en l'écrivant » (« Bibliographie des fous. De quelques livres excentriques », 1835). Quelques ancêtres : Rabelais, Béroalde de Verville (le Moyen de parvenir, 1610), Swift et Sterne, dont le Tristram Shandy (1767) ou le Voyage sentimental (1769) constituent des manifestes de l'excentricité – Diderot s'en inspire librement dans Jacques le fataliste (1796) –, Xavier de Maistre dans son Voyage autour de ma chambre (1795), avant nombre de folies dont se détachent l'Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux de Nodier (1830) et les Faux Saulniers de Nerval (1850). Parodie continue, refus des conventions romanesques, mise à mal de la logique narrative, multiplication des intrusions d'auteur, remise en cause des contraintes formelles (typographie, organisation en chapitres), affirmation de la fantaisie comme principe d'enchaînement sont les caractéristiques principales de ces antiromans qui semblent avoir longtemps attendu les héritiers évidents que sont Queneau, Perec, Ducharme ou Chevillard, mais ont de fait exercé une influence déterminante sur la littérature dite sérieuse : les dénouements abrupts de nombreux textes de Balzac ou Stendhal, certaines inventions hugoliennes, les dispositifs paradoxaux de Lautréamont, les collages flaubertiens ne seraient sans doute pas ce qu'ils sont sans l'antimodèle excentrique.