conte de fées

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Que les fées soient considérées comme une transposition des Moires grecques, des Parques romaines, de prêtresses druidiques ou de sorcières injustement condamnées, ou qu'elles incarnent, entre Mélusine et Morgane, tout un réseau de symboles poétiques où les eaux et la terre se fécondent, les contes qui se placent sous leur invocation, et qui appartiennent au substrat le plus profond de la culture populaire, connurent une faveur littéraire étonnante dans les toutes dernières années du xviie s. À l'imitation des Nuits de l'Italien Straparola, Mme d'Aulnoy avait inséré un conte de fées dans son Histoire d'Hypolite comte de Douglas en 1690, puis le Mercure galant publia, en 1693, les Souhaits ridicules de Perrault. En quelques années, on vit paraître des dizaines de volumes de contes de fées, de Mme d'Aulnoy, de Mme de Murat, de Mlle Bernard, de Préchac. Dès 1702, la mode qui avait envahi la cour, et dont se gaussait Boileau, était oubliée. Mais, pour les critiques (Michel Butor, la Balance des fées, 1968) et les théoriciens modernes (B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, 1976), le conte de fées reste le moyen par excellence pour atteindre les couches obscures de l'inconscient et par là « changer la vie ». Cette faculté résiderait dans un certain nombre de caractéristiques : le schématisme des situations ; le petit nombre des personnages facilement répartis en « bons » et en « méchants » ; la présentation d'une éthique en actes qui, combinée avec l'expression symbolique de rites d'initiation, rassure l'enfant dans ses possibilités d'accession à l'âge adulte ; l'absence de sentiment de culpabilité à l'égard de ce type de récit, à la différence des rêves que produit l'imagination personnelle ; la représentation de l'ordre, qui permet d'assurer la maîtrise des pulsions et de dominer les craintes nées de l'éveil de la sexualité. Le conte de fées relèverait ainsi non de la « possibilité » mais de la « désirabilité » : le « grand plaisir de l'angoisse affrontée avec succès et maîtrisée ». Pour M.-L. von Frantz (l'Interprétation des contes de fées, 1978), les contes permettraient à l'enfant d'atteindre son « individuation » (l'« évolution intérieure de l'être humain tendant à la pleine réalisation de toutes ses virtualités », selon C. G. Jung) à travers le spectacle de héros qui incarnent d'une manière concise et efficace les « archétypes » fondamentaux, les « dynamismes structurants » de l'« inconscient collectif ». Le conte de fées faciliterait ainsi chez l'enfant à la fois son autonomie par rapport aux parents et son intégration dans la société.