Cyprian Norwid

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète polonais (Radzymin 1821 – Paris 1883).

Né non loin de Varsovie dans une famille noble très appauvrie, orphelin dès son plus jeune âge, Cyprian Norwid ne fait que quelques années d'études secondaires, mais acquiert par lui-même une grande érudition. Il parcourt la Pologne à pied, recueille les textes des chants populaires, croque les hommes et les paysages au fusain, publie ses premiers poèmes dans des revues (1840). Il obtient une bourse pour l'Allemagne et l'Italie afin d'y étudier la sculpture (1842), vit à Florence, à Rome où il fréquente Gogol. À Paris, il se lie d'amitié avec Chopin, mais la misère le poursuit et il travaille comme ouvrier. Il émigre en Amérique (1851), où la solitude lui pèse et où le milieu intellectuel européen lui manque, aussi revient-il à Londres, puis à Paris (1854). Atteint de tuberculose, sans revenus, Norwid meurt dans le dénuement et la solitude chez les sœurs de la Charité à Paris. Pratiquement inconnue au xixe s., l'œuvre de Cyprian Kamil Norwid a eu une influence croissante à partir de 1900. La philosophie et la technique littéraire du « taciturne poète » allaient bien au-delà du courant romantique. La critique déplora l'obscurité insondable de son style et ses discordances de syntaxe. On refusa de le publier. Ses images étaient à l'opposé des courants en vogue, toutes en couleurs estompées et en clairs-obscurs. Vingt ans après sa mort seulement, le traducteur polonais de Rimbaud, Zenon Przesmycki, rassemble les manuscrits de Norwid pour les publier. Norwid est le plus intellectuel des poètes polonais. On ne peut séparer chez lui la méditation et la poésie. Chaque vers concourt à rapprocher le lecteur du but philosophique du poème. Les réflexions semblent naître de façon organique avec les images poétiques, même si le poids du contenu intellectuel est parfois si grand qu'il menace de briser la structure artistique. Cyprian Norwid, en nouveau venu originaire d'une société pré-industrielle, était étranger à la trépidation affairiste de l'Europe occidentale. Les images de Londres et de Paris qui apparaissent dans certains poèmes sont sinistres. Pourtant, il ne rejette pas l'ère industrielle en bloc, mais se concentre sur la question de l'Homme et de l'Histoire. « Poète des ruines », il va aux sources de la civilisation européenne dans la région méditerranéenne, il cherche la continuité d'un processus qui cache le dessein de Dieu pour l'humanité. Le présent est le lieu où s'engendre l'avenir. « Le but de l'histoire consiste à rendre le martyre superflu sur terre », y parvenir représente, selon Norwid, le seul critère du progrès. Ses œuvres majeures sont : deux recueils de poésie, Rapsodie funèbre à la mémoire de Bem (1851) et Vade-Mecum (1866) ; un long poème philosophique, Qu'as-tu fait à Athènes, Socrates ? ; des essais sous forme de mémoires, Fleurs noires-Fleurs blanches (1856-1857) ; un recueil de nouvelles, la Trilogie italienne (1864).