Ismail Kadaré
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain albanais (Gjirokastër 1936).
Formé à Moscou à l'Institut Gorki (il évoquera, en 1975, ce milieu de stricte orthodoxie littéraire dans le Crépuscule des dieux de la steppe), il débuta par le journalisme et la poésie (Inspirations juvéniles, 1954 ; Rêveries, 1957 ; Mon siècle ; À quoi pensent ces montagnes, 1965 ; le Temps, 1976). Mais il est essentiellement un maître de la nouvelle (l'Emblème de jadis, 1977 ; Invitation à un concert officiel et autres récits, 1985) et du roman (le Général de l'armée morte, 1963 ; Chronique de la ville de pierre, 1970 ; les Tambours de pluie, 1970 ; le Grand Hiver, 1973 ; le Concert, 1988 ; le Palais des rêves, 1990), entrelaçant le passé historique de son pays à son aventure personnelle, notamment à l'évocation de son enfance. Cette « autopsie » d'un peuple et cette quête de l'identité à travers les légendes anciennes lui ont valu de sévères critiques de la part de la Ligue des écrivains albanais, choquée par son « traitement subjectiviste des éléments historiques » (la Niche de la honte, 1978 ; le Pont aux trois arches, 1979 ; Avril brisé, 1980 ; Qui a ramené Doruntine, 1986 ; Eschyle ou le grand perdant, 1988 ; le Dossier H., 1989). En 1990, il a demandé l'asile politique en France. Actuellement, il vit entre l'Albanie et la France.
Après la chute du communisme en Albanie, il a publié : la Pyramide, 1992 ; l'Ombre, 1994 ; Spiritus, 1995 ; Froid de fleurs d'avril, 2000 ; l'Envol du migrateur, 2001. Dans les œuvres d'Ismail Kadaré on se familiarise, durant la lecture, avec les façons de penser, de sentir, de parler, d'agir, de vivre et de chanter, des Albanais d'il y a trois mille ans et de ceux de nos jours. Le mérite de Kadaré est d'avoir ressuscité aussi l'historicité du « miracle » albanais, de cette culture devenue presque intemporelle. Les Albanais redeviennent une peuplade préhistorique, non privilégiée, par rapport aux autres, apparentée aux autres : ses princes redeviennent des rois, ses nations redeviennent des clans et des tribus, ses devins redeviennent des sorciers et des monstres, ses dieux redeviennent des fétiches ; ses cérémonies redeviennent des pratiques. Le peuple albanais entier rentre dans l'histoire et dans l'ethnographie. L'œuvre d'Ismail Kadaré est traduite en plus de trente langues du monde. Il est nommé docteur honoris causa de plusieurs universités.