Edmond Jabès

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète français (Le Caire 1912 – Paris 1991).

Né en Égypte de famille juive, il suit des études en français, correspond avec Max Jacob, crée en 1943 le Groupement des amitiés françaises et collabore à la revue de Georges Henein, la Part du sable. Plusieurs recueils jalonnent cette première période : Illusions sentimentales (1930), l'Obscurité potable (1936), la Voix d'encre (1949), la Clef de voûte (1950), Les mots tracent (1951). Contraint de quitter l'Égypte en 1957, il s'installe à Paris, où il publie Je bâtis ma demeure (1959), recueil où sont déjà présentes les deux lignes de force de son œuvre : l'enracinement dans un passé et une culture (« Le judaïsme et l'écriture ne sont qu'une même attente, un même espoir, une même usure ») ; l'effort pour passer de la poésie traditionnelle à une écriture « qui n'appartiendrait à aucun genre, mais qui les contiendrait tous ». Sur l'entreprise pèse l'image du livre-origine, la Bible – le livre que les hommes n'ont pas choisi, mais « qui a élu les hommes pour les identifier », le livre qui est la véritable terre du Juif. Le seul trajet possible pour l'homme, comme pour l'écrivain, va Du désert au livre (1981) : « Le livre est à l'exilé ce que l'univers est à Dieu. Dieu a donc pour lieu tout livre d'exil » (Elya, 1969), tandis que les mots forcent le poète à l'errance : écrire est une quête. Le Livre des questions (1963-1973), titre sous lequel Edmond Jabès a rassemblé sept recueils (le Livre des questions, 1963 ; le Livre de Yukel, 1964 ; le Retour au livre, 1965 ; Yaël, 1967 ; Elya, 1969 ; Aely, 1972 ; El ou le Dernier Livre, 1973) mêle sentences, aphorismes, et gloses et, tout en jouant sur les sonorités, sert à une double interrogation : comment faire tenir le monde dans le livre ; comment faire un livre alors que l'écriture ne cesse de sécréter son propre espace et de se projeter dans un vide infini ? La réflexion se poursuit dans le tryptique du Livre des ressemblances (1976-1980). Son œuvre est marquée par la conjonction d'une foi hassidique et d'une angoisse mallarméenne – l'absence comme appel, le vide comme réceptacle, et le verbe pulvérisé qui ne cesse d'engendrer le verbe (le Petit Livre de la subversion hors du soupçon, 1982 ; le Livre du dialogue, 1984 ; le Parcours, 1985 ; le Livre du partage, 1987 ; Un étranger, avec sous le bras, un livre de petit format, 1989 ; le Livre de l'hospitalité, 1991). Un an avant sa mort, Jabès rassemble ses poésies complètes, le Seuil le Sable (1990).