Irlande

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

L'Irlande possède deux littératures, l'une gaélique, l'autre dans la langue du conquérant. Le Táin Bó Cuailnge (la Razzia du bétail de Cooley) est une épopée gaélique du cycle d'Ulster qui réunit dans les manuscrits du xiie s. des histoires recueillies entre le viiie et le xie s. et qui se déroulent au ier s. av. J.-C. Liée au sort de la petite noblesse, la tradition gaélique disparut avec elle. Reste une culture en porte à faux, décidée à séduire et, s'il le faut, à choquer, dont l'influence, d'abord sur la culture de la métropole, est considérable : elle tente constamment de concilier le culte des racines et les prétentions à l'universel. Swift et Berkeley préludent à l'invasion de la scène anglaise par les Irlandais (Congreve, Farqhar, Goldsmith, Sheridan), phénomène qui se reproduira autour de Yeats, de O. Wilde et de B. Shaw, puis avec B. Behan et S. Beckett. Gaieté, bonté, dérision (Sterne) sont des armes pour un peuple qui doit émouvoir pour s'imposer et dont les héros, qu'il s'agisse de politique, de sexe, ou de violence, seront toujours partagés entre l'ardeur du défi et le poids de la honte. C'est le romantisme anglais qui suscite la poésie irlandaise : affaire d'érudits, le celtisme passe au peuple et à ses écrivains, tout d'abord à travers la chanson (Thomas Moore). Certains parient sur une esthétique populaire (G. Darley, M. Tighe, T. O. Davis, lady Wilde et lady Gregory), tandis que d'autres exploitent la veine fantastique (tels Mangan, De Vere, Allingham, Maturin, Le Fanu). Ce n'est qu'après la naissance du syndicalisme irlandais – qui deviendra le syndicalisme tout court – que le réalisme rural teinté de complaisance et le lyrisme poétique opèrent leur jonction. Le premier président sera un écrivain (D. Hyde), et si une tradition locale se développe (Bowen, Heany, Johnstone, S. O. Faolain, Flann O'Brien, B. Behan), les exilés ne peuvent parler de l'Irlande et de son hémiplégie spirituelle, où le cléricalisme a la plus lourde part, qu'après l'avoir fuie (Joyce, Beckett). La nouvelle guerre d'indépendance, au nord, n'a pas produit d'écrivains notables. À l'heure actuelle, quelques-uns des plus grands poètes de langue anglaise sont irlandais (Derek Mahon ou, surtout, Seamus Heaney, titulaire du prix Nobel de littérature 1995). Le théâtre a connu en Irlande un net renouveau dans les années 1980, avec Stewart Parker ou Brian Friel (fondateur de la compagnie « Field Day »). Le roman irlandais est aujourd'hui défendu par quelques grandes figures, comme John MacGahern ou Roddy Doyle, titulaire du Booker Prize en 1993, bien connu à l'étranger grâce aux adaptations cinématographiques dont plusieurs de ses romans ont fait l'objet.