Taha Husayn

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain égyptien (Maghâgha 1889 – Le Caire 1973).

Aveugle à 3 ans, il fit néanmoins de brillantes études au Caire et à la Sorbonne (il obtint, en 1917, un doctorat sur Ibn Khaldûn). Professeur (1925) puis doyen (1935) de la faculté des lettres du Caire, ministre de l'Éducation (1950-1952), directeur du département culturel de la Ligue arabe (1955), président de l'Institut d'Égypte (1963), président de l'Académie du Caire (1963), surnommé « 'Amîd al-adab al-'arab (Doyen des Lettres arabes), il est l'un des écrivains arabes les plus renommés. Sa critique des idées reçues lui valut d'être souvent controversé : Fî l-chi'r al-jâhilî, « la Poésie antéislamique » (1926), qui mettait en cause l'authenticité de cette poésie, provoqua des remous au Sénat et chez les ulémas et le fit radier un temps de l'Université. S'attachant aux poètes originaires du sud de l'Arabie, Imru' al-Qays entre autres, que la tradition rattache à Kinda, il y relève que son parler, pas plus que celui des autres poètes, n'offre de différence significative avec celui du Coran, où la tradition retrouve l'idiome des Quraych. Ignorant l'hypothèse d'une koïnè, ou parler commun spécialisé dans telle ou telle fonction, en l'espèce dans la fonction poétique, il considère le gros des poèmes djahilites comme interpolés. Dans le cas d'Imru' al-Qays, le « roi errant », il ramène son histoire légendaire à des événements de l'époque omeyyade, dont Ibn al-Ach'ath, personnage historique, fut alors le héros. Ce transport à la poésie arabe la plus ancienne de l'hypercritique qui domina un certain temps en Europe la « question homérique » vaut surtout par son ingéniosité. La principale contribution de Tâhâ Husayn réside dans son évocation d'un premier essor culturel de l'Arabie du Nord-Est, un siècle avant le Coran. Son attaque contre les valeurs reçues souleva la réaction du conservatisme religieux, politique et culturel. Il eut beau adoucir sa thèse dans une réédition au titre modifié (Fî l-adab al-jâhilî [De la littérature préislamique]), il n'évita pas une polémique à laquelle participèrent notamment Khidr Husayn, Mustafâ Sâdiq al-Rafi'î et Lutfî Jum'a. Le Parlement lui-même s'en émut et l'auteur en aurait gravement pâti dans sa carrière sans la protection des libéraux-constitutionnels et de leur président 'Adli Yeken.

Tâhâ Husayn est l'auteur d'une remarquable autobiographie en trois volumes (le Livre des jours, 1929-1967), de romans (l'Appel du courlis, 1934 ; Adîb, 1935) et de nouvelles marqués par ses préoccupations sociales (les Persécutés de la terre, 1949), d'essais (Causeries du mercredi, 1926 ; Hafiz et Chawqi, 1933), de relations de voyages (En été, 1933 ; Voyage de printemps, 1948) et d'ouvrages renouvelant la pensée islamique.