Hongrie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Les premiers monuments de la langue magyare sont l'Oraison funèbre, libre traduction d'une oraison latine datant de 1150 environ, et la Complainte de Marie (vers 1300). Le courant humaniste, issu de la Renaissance et inauguré par l'évêque Janus Pannonius (qui, bien qu'ayant écrit en latin, reste la première grande figure de la littérature hongroise), et l'influence exercée par la Réforme aboutissent à l'extension de l'usage du hongrois comme langue littéraire. Dès lors émergent les noms du fabuliste Gáspár Heltai (1520-1574), du poète S. Tinódi (1510-1556), de l'humaniste Péter Bornemisza (1535-1584) et, surtout, du poète Bálint Balassa (1554-1594). Le xviie siècle voit l'éclosion de la littérature baroque avec Miklós Zrínyi (1620-1664) et István Gyöngyösi (1629-1704). Le cardinal Péter Pázmány (1570-1637) se distingue par ses écrits religieux et polémiques. Au xviiie siècle, la poésie est représentée par László Amade (1703-1764) et le jésuite Ferenc Faludi (1704-1779), la littérature épistolaire, par Kelemen Mikes (1690-1761), compagnon d'exil de Rákóczi dont les partisans (les kuruc) conservent dans leurs chansons un lyrisme populaire. La véritable renaissance débute à l'époque de Marie-Thérèse et coïncide avec une réforme profonde de la langue hongroise. György Bessenyei (1747-1811), membre de la garde de l'impératrice, et József Kármán (1769-1795), qui séjourna longtemps à Vienne, tout en demeurant attachés aux formes classiques, se tournent vers les sujets nationaux. Des édits promulgués entre 1790 et 1792 introduisent l'usage du hongrois dans l'administration et la justice, ainsi que son enseignement obligatoire dans toutes les écoles secondaires et supérieures du pays. La littérature profitera de cette réforme, dont Ferenc Kazinczy (1759-1831) est l'un des principaux artisans. Devançant la prose, la poésie s'illustre de plusieurs talents de marque, comme János Bacsányi (1763-1845), Mihály Csokonai (1773-1805) ou Dániel Berzsenyi (1776-1836), qui établissent les bases de la poétique hongroise. Dans la première partie du xixe siècle, l'esprit novateur et national s'affirme toujours davantage avec Károly Kisfaludy (1788-1830), chef de file du romantisme hongrois, dont l'apogée, au théâtre, est marqué par le Bánk bán (1815) de József Katona (1791-1830), tragédie anti-allemande. D'autres poètes, comme Ferenc Kölcsey (1790-1838) et Mihály Vörösmarty (1800-1855), contribuent également au développement du sentiment national, porté à son paroxysme avec l'œuvre de Sándor Petöfi (1823-1849), tandis que János Arany (1817-1882) puise les sujets de ses poèmes épiques dans l'histoire de la nation. L'écrasement de la révolution de 1848 est douloureusement ressenti par les poètes (Mihály Tompa, 1817-1868), les romanciers (Mór Jókai, 1825-1904) et les auteurs dramatiques comme Imre Madách (1823-1864). Le compromis avec l'Autriche (1867) ouvre une période de réalisme. Si les poètes lyriques de cette période évoluent vers l'impressionnisme, puis vers le symbolisme – ainsi János Vajda (1827-1897), Gyula Reviczky (1855-1889) –, la prose, réaliste, se développe, à l'imitation de Kálmán Mikszáth (1847-1910), autour d'anecdotes à fond philosophique : ainsi de Sándor Bródy (1863-1924), Géza Gárdonyi (1863-1922), célèbre également pour ses romans historiques, István Tömörkény (1866-1917), Zoltán Ambrus (1861-1932), Ferenc Herczeg (1863-1954). Une nouvelle période de la littérature hongroise commence avec la fondation (1908) de la revue Nyugat (« Occident »), qui combat le conservatisme à tendance populiste hérité du xixe siècle. Les plus grandes figures de Nyugat sont le poète Endre Ady (1877-1919), le romancier Zsigmond Móricz (1879-1942), les poètes Mihály Babits (1883-1941), Dezsö Kosztolányi (1885-1936), Gyula Juhász (1883-1937), Árpád Tóth (1886-1928), Milán Füst (1888-1967), les dramaturges Ferenc Molnár (1878-1952) et Menyhért Lengyel (1880-1975). Après la Première Guerre mondiale et les révolutions du 31 octobre 1918 et du 21 mars 1919, les tendances modernistes et révolutionnaires se groupent autour des revues Tett (« Action ») et Ma (« Aujourd'hui »), fondées par Lajos Kassák (1887-1967). La période de l'entre-deux-guerres voit l'épanouissement de la poésie, avec Attila József (1905-1937), qui inaugure un lyrisme unissant inspirations socialiste et surréaliste (la Danse de l'ours, 1934), Lörinc Szabó (1900-1957) et Miklós Radnóti (1909-1944), et la naissance de l'œuvre du romancier Gyula Krudy (1878-1933). L'instauration d'un régime démocratique (1945) est suivie d'une grande effervescence littéraire : de nouvelles revues voient le jour, avec la collaboration de poètes comme Sándor Weöres (1913-1989), de prosateurs et d'essayistes comme László Németh (1901-1975), de romanciers comme Tibor Déry (1894-1977). Cependant, le jdanovisme représenté par József Révai (1898-1959) freine cet élan ; on assiste même à une éclipse du grand théoricien marxiste Georges Lukács (1885-1971). Les écrivains réagissent vivement en rejoignant les mouvements contestataires avant-coureurs du soulèvement du 23 octobre 1956. Après la répression qui suivit son échec, les lettres hongroises se libéralisent peu à peu, les thèmes se diversifient : d'une part, le poète Gyula Illyés (1902-1983) reprend son activité, des écrivains accusés de « formalisme bourgeois » sont réhabilités, tels István Kormos (1923-1977), Miklós Szentkuthy (1908-1988) ou János Pilinszky (1921-1981) ; d'autre part, les écrivains de langue hongroise vivant dans les pays occidentaux – tels Gyula Háy (1900-1975) ou Gyözö Határ (né en 1914) – sont reconnus comme faisant partie intégrante de la littérature hongroise. La période post-communiste est marquée par le renouvellement de la prose (Miklós Mészöly, 1921-2001 ; György Konrád, né en 1933 ; Péter Nádas, né en 1942) et par l'apparition de la post-modernité (Péter Esterházy, né en 1950).