Léon-Paul Fargue

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète français (Paris 1876 – id. 1947).

Fils d'une couturière et d'un ingénieur qui ne le reconnut légalement qu'à l'âge de 16 ans – frustration dont il souffrit toute sa vie –, lecteur insatiable doué d'une grande mémoire, élève de Mallarmé (dont il fréquentera plus tard les « mardis ») au Lycée Condorcet, puis condisciple de Jarry et de Thibaudet au lycée Henri-IV (1892), il mène très tôt une vie de dilettante noctambule et bohème. Dans l'effervescence de la Belle Époque, il fréquente les milieux artistiques et littéraires (il rencontre Claudel, Valéry, H. de Régnier, M. Schwob) et fait le bonheur des salons pour sa drôlerie caustique et son sens de l'observation. Son parcours va toutefois « d'une euphorie prometteuse au sentiment de naufrage » (Pierre Loubier). Il débute avec un roman poétique, Tancrède (écrit vers 1895, paru en 1911), marqué par le symbolisme régnant. Dès 1894, il donne plusieurs poèmes à l'Art littéraire et à la revue Pan. Son premier recueil, Poèmes (1905), autant qu'une reconnaissance de dette (Baudelaire, Laforgue, Mallarmé), est un exercice virtuose où musicalité, typographie – ces fameux points de suspension qui n'en comptent que deux – et alexandrins blancs concourent à la beauté d'un chant qui n'échappe ni à Alexis Léger ni à Valéry. La gravité (la mort de son père l'a considérablement affecté) n'en est pas absente. Suivra Pour la musique (1912). Réformé, il ne participe pas à la Grande Guerre. Curieux à l'égard du surréalisme (Breton le dit « surréaliste dans l'atmosphère ») sans rejoindre le groupe, il connaît succès et consécration (académie Mallarmé) et devient littérairement influent (directeur avec V. Larbaud et P. Valéry de la revue Commerce à partir de 1924). Après Banalité, Vulturne, Épaisseurs (1928), Espaces (1929) relève d'une inspiration plus ample et plus inquiète, qui se satisfait de moins en moins des vertus supposées de l'intelligence, à laquelle il oppose – ce sont les maîtres mots – la sensation et l'instinct, une fantaisie verbale toute en jubilation et invention, le ton de la fable ou les allures de comptines. Les publications se succèdent : Sous la lampe, les Ludions (1930), D'après Paris (1932), le Piéton de Paris (recueil de chroniques, 1939), Haute Solitude (1941). Marié au peintre Chériane en 1935, il est frappé d'hémiplégie en 1943, mais garde jusqu'à sa mort une activité littéraire intense (Refuge, 1942 ; la Lanterne magique, 1944 ; Méandres, 1946 ; Portraits de famille, 1947). Observateur minutieux d'un quotidien éclaté en mille facettes, il évoque les lieux de Paris, les objets, les personnes des milieux les plus divers dans un registre parfois proche du fantastique angoissant, le plus souvent nostalgique.