Vicenzo Cornaros

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète crétois (Sitia, Crète, fin xvie s. – id. v. 1677).

En l'absence d'éléments biographiques certains, on s'accorde à voir en Cornaros un Crétois originaire d'une famille, peut-être noble, de l'est de l'île ; on lui attribue le Sacrifice d'Abraham écrit vers 1635 et publié en 1696-1697. Ce drame religieux, librement adapté de l'Isaac de L. Groto, s'enracine dans la tradition crétoise, en utilisant de nombreux éléments populaires. Mais le chef-d'œuvre de Cornaros est l'Erotocritos, roman sentimental écrit peut-être pendant le siège de Candie (1645-1669) et publié à Venise en 1713. Ce long poème (plus de 10 000 vers politiques jumelés) décrit les amours longtemps contrariées d'Arétousa, fille du roi d'Athènes Héraclès, et d'Érotocritos, « le tourmenté d'amour », fils de Pézostratos, Premier ministre du roi. Héraclès se refusant à donner sa fille en mariage à un prétendant considéré comme socialement inférieur, Érotocritos, banni du royaume, s'efforce, par sa bravoure, de franchir cet obstacle. Il y parvient après avoir sauvé son pays de l'attaque des Valaques, dont il tue le roi en combat singulier. Cornaros s'est inspiré d'un roman français médiéval, Paris et Vienne (1432), à travers une traduction italienne en vers, mais il a hellénisé l'original et en a fait un roman classique. Il excelle à décrire toutes les étapes de l'amour naissant puis vainqueur. Il s'agit bien, en effet, d'un roman d'amour, où les éléments chevaleresques sont ajoutés à des fins soit narratives, soit même patriotiques. C'est ainsi qu'Érotocritos incarne la bravoure crétoise, le cadre athénien étant de pure convention. Ce chef-d'œuvre de la Renaissance crétoise, longtemps méprisé des Phanariotes lettrés, a connu un succès considérable auprès du peuple grec qui le savait par cœur, l'apprenant à partir d'éditions publiées à Venise et qui circulaient encore au début du xxe s. Cornaros, la plus forte personnalité littéraire de la Renaissance crétoise, est une figure majeure des lettres grecques.