Joseph Hayyim Brenner

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain d'expression hébraïque (Novi Mlini, Ukraine, 1881 – Abu Kabir, près de Jaffa, 1921).

D'éducation strictement religieuse, il se détacha de la religion et adhéra au Bund, mouvement socialiste juif. Déçu, il se tourna alors vers le sionisme. En 1900 parut sa première nouvelle, Un morceau de pain, suivie de D'une vallée maudite. Mobilisé dans l'armée tsariste en 1901, il déserta et s'exila à Londres. En 1909, Brenner immigra en Palestine, où il vécut jusqu'à son assassinat au cours des émeutes arabes en mai 1921. Ses deux premiers romans, En hiver (1903) et Autour d'un point (1904), contiennent de nombreux éléments autobiographiques, comme Au-delà des frontières (1908), œuvre scénique dont l'action se situe dans le quartier juif de Londres, ou Un an (1908), inspiré par ses années passées dans l'armée. La dernière période de sa vie, marquée par sa double activité de militant et d'écrivain, revit dans Entre les eaux (1910), De-ci de-là (1911) et dans son roman majeur Deuil et Échec (1920). Ici comme ailleurs règne un pessimisme profond. Les protagonistes, antihéros, déracinés du judaïsme traditionnel, tentent de survivre dans un monde sans Dieu. Conscients de leurs échecs, incapables de s'assumer, s'interrogeant inlassablement sur eux-mêmes, ces êtres malheureux et sans illusions ne trouvent souvent d'autre issue que dans la folie et le suicide. Brenner fait preuve d'un réalisme sans fard et souvent cruel, aussi bien quand il dépeint l'existence juive dans la diaspora que lorsqu'il décrit celle de Palestine, vie de parasite dans l'humiliation. Seul le travail physique peut à ses yeux libérer les Juifs de l'héritage du ghetto et donner naissance à une société de justice. L'authenticité de Brenner et son désir de capter la réalité se révèlent dans son style. Dans la langue parlée qu'il forge lui-même pour les nombreux dialogues et monologues intérieurs, l'angoisse et l'émotion sourdent de phrases souvent hachées, fragmentaires, où ponctuation et interjections ont un rôle primordial. Cette écriture, souvent considérée à l'époque comme négligée et inachevée, est tenue aujourd'hui pour particulièrement adaptée au contenu de l'œuvre, et on reconnaît qu'elle ouvrit la voie à un style nouveau. Brenner publia également de nombreux essais sur la littérature hébraïque et yiddish et traduisit en hébreu Crime et Châtiment de Dostoïevski, dont il subit incontestablement l'influence, et plusieurs ouvrages de Tolstoï et Gerhart Hauptmann.