Kazimierz Brandys

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain polonais (Lódz 1916 – Nanterre 2000).

Né dans une famille de la bourgeoisie juive polonaise, il évoque la situation des intellectuels pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Cheval de bois (1946). À 30 ans, il reçoit deux prix d'État qui consacrent son adhésion au réalisme socialiste : il est considéré par le parti communiste comme l'un des meilleurs écrivains marxistes. Pendant une dizaine d'années, il tente de rester fidèle au principe qui veut que les moyens utilisés par les communistes en Pologne sont parfois mauvais, mais que la cause qu'ils défendent n'en est pas moins sacrée (la Défense de Grenade, 1956 ; la Mère des rois, 1957). À partir de 1960, date de parution d'une nouvelle d'excellente facture, le Romantisme, le thème de la solitude de l'artiste devient dominant dans son écriture. Dès lors, la littérature est révolte, droit de parler au nom du « moi ». Écrire est plus une passion qu'un style chez Brandys, qui rejette les modèles traditionnels de la fiction, parodie volontiers le roman épistolaire (Lettres à Madame Z, 1962), prête à ses récits la forme d'entretiens (En Pologne, c'est à dire nulle part, 1976), de scénarios. Il exprime la complexité des phénomènes humains dans des essais (Souvenirs du présent, 1958-1968) et des récits d'inspiration autobiographique (Façon d'être, 1964 ; le Joker, 1966) ou historique (Variations postales, 1977). En 1977, il participe à la naissance du « samizdat » polonais avec le premier numéro de Zapis qui publie les textes rejetés par la censure communiste. Il se retrouve sur la liste des trente écrivains mis à l'index : la censure interdit jusqu'à la citation de leurs noms dans les publications. Surpris par l'état de guerre à New York, Kazimierz Brandys s'installe à Paris (1982). Dans ses Carnets (Carnets de Varsovie, 1981-1982 ; Carnets de Paris-New York, 1982-1984 ; Carnets de Paris, 1985-1987 ; Hôtel d'Alsace et Autres adresses, 1991), il commente l'histoire contemporaine, la naissance de Solidarność, l'état de guerre, les prises de position des écrivains polonais, l'antisémitisme. Il y relate également ses voyages, s'arrête à la situation de l'écrivain qui vit en exil, s'inquiète d'une Europe qui, selon lui, perd son instinct de conservation. Les Lettres à Madame Z. ont assuré à Brandys une audience internationale. En Pologne, c'est-à-dire nulle part attira plus particulièrement l'attention sur ce qui se passait à l'Est du mur de Berlin : l'individu a le sentiment d'être manipulé par le pouvoir en place, par l'histoire, par les événements. Il sait qu'il ne décide jamais de son devenir, qu'il n'est pas « un citoyen agissant ». L'absence de liberté, de vérité, l'écart entre la réalité et ce qui en est dit officiellement s'ajoutent à une propagande quotidienne qui finit par rendre les êtres inoffensifs devant l'assujettissement dont ils sont les victimes. Dans les romans de Brandys, des situations n'ayant pas plus d'assise dans la réalité qu'une rumeur, s'avèrent correspondre à la réalité (Rondo, 1989). Le vécu d'un vieil hospitalisé, incapable de se protéger des outrages de la maladie et des humiliations entraînées par les soins qui lui sont prodigués, est l'histoire racontée par son dernier roman, les Aventures de Robinson (1999). L'humour se double volontiers d'ironie pour éclairer la réflexion de ce témoin du xxe siècle.