Yehuda Amichaï

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète et écrivain israélien d'expression hébraïque (Würzburg, Allemagne 1924 – Jérusalem 2000).

Il passa son enfance dans un milieu familial imprégné de traditions juives qui allaient se refléter plus tard dans son œuvre. Le nazisme qui anéantit la communauté juive de sa ville natale, et qu'il fit revivre dans son roman Ni de maintenant ni d'ici (1963), l'obligea à quitter l'Allemagne. Il immigra en Palestine en 1936 et s'installa à Jérusalem. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'engagea dans la brigade juive de l'armée britannique, puis participa à la guerre d'Indépendance. Dès la parution de son premier recueil de poèmes (Aujourd'hui et Autrefois, 1955), il s'affirma comme le chef de file d'une nouvelle lignée littéraire qui substituait au « nous » et à l'identification aux valeurs collectives de la génération précédente le « je » de l'homme moderne en proie au doute et à l'angoisse. Dans les recueils qui suivirent (À deux espoirs de distance, 1958 ; Au jardin public, 1959 ; Maintenant dans le tumulte, 1968 ; Derrière tout cela se cache un grand bonheur, 1974 ; Grande Quiétude : questions et réponses, 1980 ; Homme tu fus et homme tu redeviendras, 1985 ; Achziv, Caesarea et amour, 1996 ; Ouvert, fermé, ouvert, 1998), il confirme sa révolte contre les grands thèmes nationaux pour mettre en valeur la petite vie de l'individu, et choisit pour maîtres Auden, Eliot et Rilke. Adoptant l'hébreu parlé, il brise la métrique conventionnelle et emprunte au vocabulaire scientifique et militaire pour créer des images et des métaphores particulièrement originales. Les termes, les locutions, les versets bibliques qu'il utilise sont extraits de leur contexte habituel et réemployés dans de nouvelles combinaisons déconcertantes où souvent sacré et profane s'affrontent de manière inattendue. Ayant désacralisé la tradition, démythifié le passé, Amichaï fait apparaître la condition à la fois tragique et ironique de l'homme moderne, antihéros par essence, combattant malgré lui, à la recherche désespérée de l'amour et de la paix. Tout comme sa poésie, ses nouvelles (Dans ce vent terrible, 1961) et son théâtre (Voyage à Ninive, 1962 ; Cloches et Trains, 1968) sont marquées par l'abandon des relations logiques entre le temps et l'espace au profit d'un monde subjectif dominé par la nostalgie et l'absurde.