la Légende de Gösta Berling

Gösta Berling saga

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame de Mauritz Stiller, avec Lars Hanson (Gösta Berling), Greta Garbo (Elisabeth Dohna), Gerda Lundqvist (la commandante d'Ekeby), Mona Mårtenson (Ebba Dohna), Jenny Hasselquist (Marianne Sinclaire).

  • Scénario : Mauritz Stiller, Ragnar Hyltén-Cavallius, d'après le roman de Selma Lagerlöf
  • Photographie : Julius Jaenzon
  • Décor : Wilhelm Bryde, I. Günther
  • Montage : M. Stiller
  • Production : Svenskfilmindustri
  • Pays : Suède
  • Date de sortie : 1924
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 4 534 m (environ 2 h 48)

Résumé

Pasteur défroqué, Gösta Berling est un des douze « chevaliers », roués et ivrognes, que la commandante d'Ekeby tolère dans son château. Trois femmes s'attachent à lui. La naïve Ebba est poussée dans ses bras par sa marâtre, la comtesse Dohna, qui veut lui faire épouser un roturier pour la déshériter au profit de son fils Hendrik. Après la mort d'Ebba, une liaison passionnée et tragique unit Gösta Berling à Marianne Sinclaire, mais la jeune femme est reniée par son père, et sa beauté défigurée par la variole. En définitive, c'est la douce Elisabeth, la jeune épouse qu'Hendrik Dohna a ramenée d'Italie, qui permettra la rédemption de Gösta Berling. Dans l'intervalle, la commandante aura elle aussi expié son infidélité conjugale et le mauvais traitement qu'elle avait infligé à sa mère.

Commentaire

Déchéance et rédemption

Comme il en avait coutume, Mauritz Stiller a bouleversé l'agencement du roman, lui-même assez touffu, de Selma Lagerlöf, multipliant par exemple les flash-back, parfois même à l'intérieur d'un flash-back… Le film fut mutilé et réduit à quelques morceaux d'anthologie, d'ailleurs superbes (notamment la poursuite du traîneau par les loups sur le lac gelé et l'incendie d'Ekeby), mais seule la version intégrale, en deux époques, aujourd'hui restaurée par la Cinémathèque suédoise, permet d'apprécier l'épaisseur romanesque de cette « saga » dont les nombreux acteurs servent d'abord à éclairer toutes les facettes du protagoniste. C'est ainsi que, face à Gösta Berling en toréador, Marianne Sinclaire (interprétée par Jenny Hasselqvist, la Sumurun de Lubitsch) campe une Carmen pleine de fougue et de sensualité tragique.

Lars Hanson exprime magistralement la complexité d'un héros byronien, à la beauté et aux fulgurances diaboliques, mais dont la déchéance vient d'une soif d'absolu, et qui, tel Liszt auquel il ressemble, a aussi la capacité du diable de se faire réellement ermite. Pasteur indigne et ivrogne, il dénonce le pharisaïsme de ses paroissiens, dans des accents éloquents et passionnés que n'aurait pas reniés le Hawthorne de la Lettre écarlate. Ce séducteur mélancolique, à la noire bouche reptilienne, est racheté par l'angélique Elisabeth Dohna, avec sa pureté, mais aussi sa spontanéité d'adolescente, son inexpérience, sa chevelure ébouriffée, l'air d'Italie et la senteur des orangers qu'elle apporte dans l'hypocritement austère Värmland : il faut dire que c'est là le premier vrai rôle de Greta Garbo, dont les élans amoureux évoquent moins le Verrou que le Vœu de Fragonard.