anarchisme

Gustave Courbet, Pierre Joseph Proudhon et ses enfants
Gustave Courbet, Pierre Joseph Proudhon et ses enfants

Conception politique et sociale qui se fonde sur le rejet de toute tutelle gouvernementale, administrative, religieuse et qui privilégie la liberté et l'initiative individuelles. (Synonyme : anarchie.)

Les penseurs de l'anarchisme

L'anarchie est un mouvement idéologique né au xixe s. d'un refus et d'une exigence. Refus de l'autorité : « Plus d'autorité ni dans l'Église, ni dans l'État, ni dans la terre, ni dans l'argent », déclare en 1851 Proudhon (l'Idée générale de la révolution au xixe s.) ; exigence de la liberté, qui, selon Proudhon, résulte de l'action de minorités montrant aux masses la voie pour organiser la production et la consommation au sein d'unités soudées par un système fédéral : les « communes ». Proudhon écrit en 1848 : « L'organisation du travail ne doit pas partir du pouvoir ; elle doit être spontanée. »

La pensée anarchiste a entrenu des rapports contradictoires avec le socialisme scientifique de Marx. Bakounine, qui, avec le fondateur de l'anarchie en Espagne, Giuseppe Fanelli, adhéra à la Ire Internationale, affirmait : « L'égalité doit s'établir dans le monde par l'organisation spontanée du travail et de la propriété collective des associations de productions, librement organisées et fédéralisées dans les communes. »

Ainsi, dès les débuts de l'Internationale, les travailleurs se divisèrent en deux tendances, qui s'affrontèrent : l'une marxiste et l'autre proudhonienne, notamment au congrès de Genève (1866) et à Lausanne (1867). Mais les anarchistes furent battus aux congrès suivants de la Ire Internationale. Selon ses promoteurs, la propagande anarchiste était à repenser. C'est ainsi qu'en 1877 les anarchistes italiens préconisèrent le coup de force. « Le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par les actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace, et le seul qui, sans tromper et corrompre les masses, puisse pénétrer jusque dans les couches sociales les plus profondes et attirer les forces vives de l'humanité dans la lutte que soutient l'Internationale » (lettre de Cafiero à Malatesta en 1876). Ils tentèrent alors, à Bénévent, d'incendier des archives provinciales et de redistribuer de l'argent aux plus démunis. La répression qui s'ensuivit n'empêcha pas les idées anarchistes de se développer, notamment en Espagne et en Russie.

En même temps, Bakounine et Kropotkine complétèrent les idées proudhoniennes en élaborant un système d'éducation qui se voulait complet et universel. Sous leur influence émergea aussi une idéologie nihiliste qui prônait la violence, et en particulier l'assassinat politique. Les attentats dont furent victimes l'impératrice Élisabeth d'Autriche, en 1898, et le président des États-Unis William McKinley, en 1901, en furent des conséquences.

Les ramifications de l'anarchisme

En France, les anarchistes comme Élisée Reclus, Jean Grave fondèrent les bases d'une société sans contrainte. D'autres privilégièrent le syndicalisme, et participèrent à la fondation de la CGT (Émile Pouget, Pierre Monatte). Malatesta leur rappela au congrès d'Amsterdam, en 1907, que la grève, l'insurrection armée, le sabotage n'étaient pas pour le syndicalisme une fin en soi et que « le seul but qui vaille un effort, [c'était] l'anarchie ».

Le mouvement anarchiste se répandit en Italie. Il s'accompagna d'expériences de vie communautaire, comme la colonie Cecilia, au Brésil, où s'installèrent des Italiens (1890). L'affaire Sacco et Vanzetti, dans les années 1920, en fut un prolongement aux États-Unis. L'anarchie se diffusa aussi en Ukraine avec Makhno, de 1918 à 1921.

Suivant l'exemple de la CGT française, les Catalans créèrent la Solidaridad Obrera, qui devint en 1910 la Confederación Nacional del Trabajo (CNT) ; cette organisation comptait, en 1919, près de 700 000 membres, parmi lesquels les éléments les plus durs fondèrent la Federación Anarquista Ibérica (FAI) et prirent le pouvoir au sein de la CNT, qui devint CNT-FAI. En Espagne, les anarchistes de Catalogne, bastion de la FAI, prirent en 1936 la tête de la résistance à la révolution nationaliste et entraînèrent les syndicats dans la lutte. Ce furent les premières heures de l'anarcho-syndicalisme. Appuyés par le POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste), organisation communiste d'opposition, hostiles aux communistes de la IIIe Internationale, ils réalisèrent en Catalogne et en Aragon la première tentative très poussée de collectivisme libéral : ils imposèrent l'égalité des rémunérations, mirent en place la réforme agraire, réorganisèrent de nombreuses communes sur un plan collectiviste et firent prendre en main les usines par des conseils ouvriers. La révolution anarchiste fut écrasée plus par les communistes que par les franquistes.

Malgré l'échec de toute tentative de réunification au Congrès international des Fédérations anarchistes (Carrare, 1968), l'anarchisme a encore eu ses adeptes lors des mouvements de contestation en Europe en 1968, sous la forme, notamment, de l'anarcho-syndicalisme, hostile aux partis politiques.