Hongrie : histoire
1. Des origines à Béla III
1.1. Premiers peuplements
Vers 500 avant J.-C., des Illyriens et des Thraces s'installent dans le territoire qui constituera la Hongrie ; ils sont suivis par des Scythes et des Celtes, en attendant les Romains, qui, au ier siècle après J.-C., occupent la Transdanubie et en font la province de Pannonie.
Un siècle plus tard, Trajan fait de la Transylvanie le centre de la Dacie ; mais, dès 271, Rome doit l'abandonner aux Ostrogoths ; en 409, ceux-ci quittent la Pannonie ; derrière eux s'engouffrent Gépides, Huns, puis Avars.
1.2. Les Hongrois ou Magyars
Au ixe siècle arrive des steppes de l'Est une population nomade, originellement établie dans le nord de l'Oural et dont la langue sera classée dans la famille finno-ougrienne, les Hongrois, ou Magyars. Contraints par les Petchenègues à franchir les Carpates, ils s'installent dans le bassin danubien et, de là, entreprennent des raids, auxquels mettront fin la défaite du Lechfeld (955) devant l'empereur germanique Otton Ier, tandis que les Byzantins mettent un terme quelques années plus tard à leurs incursions dans l'Est.
1.3. Árpád (?-907) et Étienne Ier (997-1038)
Un de leurs chefs, Árpád, fonde la dynastie nationale. Un descendant d'Árpád, le duc Géza (972-997), impose sa domination à toutes les tribus et se fait baptiser avec toute sa famille. Son fils, Étienne Ier (997-1038), écrase les révoltes, occupe la Transylvanie. Après avoir fait évangéliser le pays par des missionnaires italiens, il obtient de Rome une organisation ecclésiastique indépendante de la Germanie et reçoit du pape Sylvestre II la couronne royale, qui assure l'indépendance de la Hongrie (1000). Il disloque les tribus en divisant le domaine royal en comitats ; à sa mort, en 1038, l'État hongrois est né, mais cette mort ouvre une ère anarchique caractérisée par les guerres de succession et la suzeraineté de l'Empire.
1.4. Expansion vers les Balkans
Cependant le règne d'André Ier (1047-1060) marque un retour à l'indépendance. L'un des successeurs de ce roi, Ladislas Ier (1077-1095), conquiert même la Slavonie, la Croatie et les villes dalmates ; son fils, Kálmán (1095-1116), poursuit la politique hongroise d'expansion dans les Balkans. Mais Géza II (1141-1162) doit subir la pression de Byzance.
1.5. Béla III (1172-1196) et la première apogée du royaume hongrois
Bien que porté au trône par son oncle le basileus Manuel Ier, Béla III (1172-1196) secoue sa tutelle et, appuyé par le pape, reprend la Dalmatie aux Byzantins. Son règne marque la première apogée du royaume hongrois, qui atteint 2 millions d'habitants. Tandis que l'administration se modernise et que l'artisanat prend son essor, les Cisterciens multiplient les défrichements.
2. Les derniers Árpád
André II (1205-1235), affronté à la féodalité montante, doit concéder la Bulle d'or (1222), qui exonère d'impôts la petite noblesse et admet la restriction des privilèges royaux. Béla IV (1235-1270) s'efforce bien de rétablir le pouvoir royal, mais celui-ci est encore affaibli par une invasion mongole (1241-1242) qui dépeuple et ravage le pays. Au lendemain de cette épreuve, le royaume se couvre de châteaux forts. Face aux puissants féodaux, le roi s'appuie sur la petite noblesse, tandis que les villes se peuplent d'une bourgeoisie active. En 1301, la mort du dernier Árpád, André III, précipite le morcellement féodal.
3. La dynastie d'Anjou-Luxembourg (1205-1437)
Contre d'autres prétendants, c'est finalement Charles Ier Robert, des Anjou de Naples (1308-1342), qui reçoit en 1308 la couronne de Hongrie avec l'appui du pape Boniface VIII. Charles Ier Robert raffermit le pouvoir royal ; la découverte de mines d'or enrichit la bourgeoisie, tandis qu'une association diplomatique tchéco-polono-hongroise (1335), en stoppant l'expansion des Habsbourg, permet à la Hongrie de s'accroître de la Bosnie.
Le fils de Charles Robert, Louis Ier le Grand (1342-1382), porte de nouveau le royaume hongrois à l'apogée, réalisant l'union de la Hongrie, de la Croatie, de la Dalmatie et devenant (1370) roi de Pologne. Mieux, son gendre, Sigismond de Luxembourg (1387-1437), bien que défait par les Turcs (Nicopolis, 1396), obtient la couronne impériale (1410) et celle de Bohême (1419), mais il perd la Dalmatie. À l'intérieur de la Hongrie, il ne peut rien contre l'oligarchie, à laquelle il essaie d'opposer les villes par lui privilégiées. De 1437 à 1440, une guerre de succession ravage le pays ; finalement, les Jagellons triomphent.
4. Jagellons et Hunyadi (1440-1526)
Ladislas III Jagellon, roi de Hongrie (1440-1444) sous le nom d'Ulászló Ier, doit confirmer les droits politiques de la noblesse. Aidé par le Valaque Jean Hunyadi, il s'avance jusqu'à Sofia, mais il périt à Varna, face aux Turcs, vainqueurs.
Jean Hunyadi (→ Hunyadi), régent (1446-1456), stoppe les Turcs devant Belgrade (1456), mais meurt peu après, laissant un pays bien peuplé (4 millions d'habitants), prospère, encore que son commerce international soit contrôlé par les Allemands.
Après lui, son fils Mathias Hunyadi, dit Corvin (1458-1490), s'efforce de renforcer la centralisation et privilégie lui aussi les villes face à l'aristocratie. Il conquiert la Bohême, la Moravie, la Silésie et s'installe même à Vienne (1485), tout en maintenant à Buda une cour brillante, foyer européen d'humanisme. Mais son autorité a été telle qu'à sa mort les magnats écartent son fils pour choisir le prince le plus faible de l'Europe centrale, Ulászló II Jagellon (1490-1516), déjà roi de Bohême (sous le nom de Vladislav II), qui perd tout le terrain gagné par Mathias Corvin : l'oligarchie redevient maîtresse du pays, la paysannerie se révolte.
Le fils de Vladislav II, Louis II (1516-1526), non seulement ne peut freiner cette décadence, mais il est battu par Soliman le Magnifique à Mohács (→ bataille de Mohács, 1526). Il meurt sans descendance, laissant le pays en proie aux divisions.
5. L'emprise des Habsbourg et la fin de l'indépendance (1526-1711)
En 1526, Ferdinand de Habsbourg – frère de Charles Quint – est élu roi de Hongrie par la diète de Presbourg et devient le maître des parties nord et ouest du royaume (Hongrie royale), tandis que le parti national de Jean Zápolya conserve le Centre et l'Est.
À la mort de Zápolya (1540), le Sultan occupe Buda et la plaine danubienne, ne laissant à Jean Sigismond (le fils nouveau-né de Jean Zápolya, roi de 1540 à 1571) que la Transylvanie, qui, en 1556, devient une principauté indépendante, encore que payant tribut au Sultan. Cependant les Habsbourg accentuent leur pression : de 1591 à 1606 sévit la guerre de Quinze Ans, caractérisée par la terreur organisée par l'armée impériale. Finalement, le soulèvement dirigé par Étienne Bocskai oblige les Habsbourg à reconnaître les privilèges de la Hongrie royale et de la Transylvanie, où une grande partie de la population a adhéré à la Réforme.
Georges Ier Rákóczi, prince de Transylvanie (1630-1648), confirme les libertés constitutionnelles et religieuses du pays, où la Contre-Réforme, menée par les Habsbourg, assure le triomphe du catholicisme.
Mais Georges II Rákóczi (1648-1660) provoque le mécontentement du Sultan en intervenant en Pologne ; aussi la Transylvanie perd-elle son indépendance. Privée de son appui, la Hongrie royale tombe sous le joug des Habsbourg.
Sous Léopold Ier (empereur de 1658 à 1705), le pays est ravagé par une véritable guerre civile opposant nobles et paysans au pouvoir central. L'insurrection s'arrête lors de l'offensive victorieuse de l'armée impériale, qui permet aux Habsbourg de se débarrasser définitivement des Turcs (→ paix de Karlowitz, 1699).
Mais, en 1703, une formidable insurrection conduite par François II Rákóczi soulève le pays, qui, en un an, est libéré des Habsbourg. Rákóczi est proclamé prince souverain (1704), tandis que la Transylvanie, elle aussi, est libérée. En 1707, le Parlement proclame la déchéance des Habsbourg et l'indépendance de la Hongrie.
En 1711 cependant, en l'absence de Rákóczi, le chef de l'aristocratie, Sándor Károlyi, conclut avec les Habsbourg une paix de compromis qui assure l'amnistie et l'autonomie : en fait, celle-ci consistera surtout dans le maintien des privilèges d'une noblesse (magnats) dont l'empereur Charles VI (couronné roi de Hongrie sous le nom de Charles III) a besoin pour faire reconnaître son autorité.
Pour en savoir plus, voir l'article Habsbourg.
6. Les Habsbourg maîtres du pays (1711-1848)
De 1711 à 1740 règne Charles III, qui proclame (1715) l'indivisibilité de la Hongrie et des provinces héréditaires des Habsbourg ; le gouvernement du pays dépend en fait de la chancellerie de Vienne. Les Habsbourg implantent des colonies venues de tous les points de l'Empire. Marie-Thérèse (1740-1780), qui s'appuie elle aussi sur les magnats, enferme la Hongrie dans un système douanier très favorable à l'Autriche. Joseph II (1780-1790) tente de moderniser le pays, mais sa politique centralisatrice et germanophile se heurte à l'opposition grandissante des Hongrois. Si bien que Léopold II (1790-1792) reconnaît à la Hongrie la spécificité de ses lois et coutumes.
Cependant, la peur de la Révolution française rassemble la noblesse hongroise autour de l'empereur François II (François Ier de Hongrie) [1792-1835]. Tandis que les idées libérales et nationales se répandent dans les milieux intellectuels, grâce à l'abbé Ignać Martinovics, le livre du comte I. Széchenyi (1830) – le Crédit – met en accusation tout le système féodal.
Sous Ferdinand Ier (1835-1848), le courant réformiste et national se renforce avec Ferenc Kölcsey, Ferenc Deák et surtout Lajos Kossuth, qui exige l'égalité devant la loi et devant l'impôt ainsi que la suppression des privilèges.
Pour en savoir plus, voir l'article révolutions européennes de 1848.
7. Les grands mouvements nationaux (1848-1867)
En mars 1848, l'Autriche, cédant sous la pression de la révolution, nomme Lajos Batthyány Premier ministre et unit la Transylvanie à une Hongrie royale devenue autonome (16 mars). Mais, en Croatie, Jelačić, encouragé par Vienne, organise une armée, qui envahit la Hongrie. Cette dernière se dote d'un Comité national de défense, dirigé par Lajos Kossuth, qui bat les troupes de Jelačić (29 septembre).
Cependant, les Autrichiens, qui ont mis fin à la révolution à Vienne, envahissent la Hongrie en décembre 1848 et occupent Pest en janvier 1849. Au printemps, les troupes autrichiennes sont refoulées, et, le 14 avril, le Parlement hongrois décide la déchéance des Habsbourg et élit Lajos Kossuth président-gouverneur (14 avril) sans que la république ne soit proclamée. François-Joseph appelle alors à l'aide le tsar Nicolas Ier, dont les troupes battent les Hongrois à Világos (13 août). Une dure répression s'instaure ; le pays, découpé, est dirigé de Vienne, qui impose l'allemand comme langue officielle.
Cependant, sa défaite militaire en Italie (1859) oblige François-Joseph à réviser sa politique en Hongrie. Le « Diplôme d'octobre » (1860) réorganise l'Empire dans un esprit fédéral. Mais la « patente » de février 1861 marque un retour à la centralisation, et le Parlement hongrois est dissous. La défaite autrichienne devant la Prusse (→ bataille de Sadowa, 1866) amène l'empereur-roi à nommer un gouvernement hongrois dirigé par Gyula Andrássy. Le « Compromis » de 1867 crée une double monarchie austro-hongroise.
8. Le dualisme austro-hongrois (1868-1918)
L'Empire est partagé, de part et d'autre de la Leitha, entre l'Autriche, ou Cisleithanie, et la Hongrie, ou Transleithanie qui comprend de nombreuses populations non magyares en Transylvanie (Roumains) et en Croatie-Slavonie notamment.
En Hongrie, l'absolutisme est tempéré par la règle du contreseing ; le pouvoir législatif est confié à deux chambres : la Chambre des magnats et la Chambre des représentants (dominée par la noblesse). L'Autriche et la Hongrie restent liées par la dynastie, par les affaires communes. Il y a en effet un ministère d'Empire (Affaires étrangères, Finances, Guerre), dont les ministres sont contrôlés par deux Délégations de soixante membres chacune, délibérant séparément, sauf exception, et alternativement à Vienne et à Pest.
Comme le droit de vote n'appartient qu'aux propriétaires et aux fonctionnaires, presque tous magyars (1 200 000 sur 20 millions en 1914), il n'y a en Hongrie guère d'évolution vers la démocratie.
Kálmán Tisza, au pouvoir de 1875 à 1890, pratique une politique de magyarisation qui finira par provoquer des troubles, surtout chez les Slaves du Sud. En 1868, un compromis avait établi l'union personnelle entre la couronne de Hongrie et la couronne de Croatie-Slavonie, ce dernier pays jouissant d'une certaine autonomie ; mais l'accord n'est pas respecté et les Croates sont opprimés. Les politiciens hongrois, faisant assaut de nationalisme, réclament que le magyar soit employé comme langue de commandement dans l'armée de la double monarchie, ce qui provoque une détérioration des relations avec Vienne, jusqu'au jour où François-Joseph menace les magnats du suffrage universel.
Ce n'est pas sans hésitation que la Hongrie se range aux côtés de l'Autriche dans la Première Guerre mondiale. Les défaites amènent la fin du dualisme austro-hongrois. Le 23 octobre 1918 se constitue un Conseil national, composé des partis de l'Indépendance, social-démocrate et radical. Après des émeutes à Budapest (28 octobre), l'archiduc Joseph, représentant du roi Charles (1916-1918), refusant de confier le pouvoir au chef de l'opposition, le comte Mihaly Károlyi, le Conseil national prend le pouvoir dans la nuit du 30 au 31 octobre. La république est proclamée le 16 novembre 1918.
9. La Hongrie après la Première Guerre mondiale
9.1. La brève République des Conseils
La première République hongroise, dirigée par Károlyi, est affrontée à une situation catastrophique, qui provoque un mécontentement dont bénéficie le parti communiste hongrois, formé le 24 novembre. Le 20 février 1919, à la suite d'une manifestation ouvrière qui se transforme en bataille sanglante, le parti communiste est dissous. Le gouvernement Károlyi, ne voulant pas entériner les frontières telles que les Alliés les ont fixées, démissionne le 20 mars.
Se constitue alors une République des Conseils (21 mars), dirigée par les communistes et qui nationalise l'industrie et les grandes propriétés terriennes. La nouvelle Constitution (2 avril) attribue le pouvoir législatif à l'Assemblée nationale des Conseils ouvriers, paysans et militaires, et le pouvoir exécutif au Conseil exécutif révolutionnaire des commissaires du peuple, présidé par Béla Kun. Mais l'armée rouge hongroise échoue dans son offensive contre les Roumains, qui ont envahi le pays. Le Conseil révolutionnaire doit démissionner (1er août) : la République des Conseils aura duré 133 jours.
9.2. Contre-révolution et fascisme
En janvier 1920, est élu un parlement dominé par les conservateurs de l’Union nationale chrétienne et les agrariens du parti des Petits Propriétaires. La monarchie est rétablie et le contre-amiral Miklós Horthy devient régent de ce « royaume sans roi ». Une violente répression s’abat sur les communistes et les socialistes, une législation d’exception étant adoptée à l’égard des juifs. Le 1er mars, la Hongrie rompt officiellement ses liens avec l’Autriche.
La paix de Trianon (4 juin) entérine la perte de la Slovaquie, de la Ruthénie, de la Transylvanie, de la Croatie, de Fiume et du Banat, ferment de l'irrédentisme et du nationalisme hongrois. En réponse à deux tentatives de restauration de Charles IV (Charles Ier d'Autriche) – mars et octobre –, les Habsbourg sont définitivement écartés du trône (novembre). En 1927, le gouvernement hongrois dirigé par le conservateur István Bethlen depuis 1921, signe un traité d'amitié avec l'Italie dans l'espoir d'obtenir la révision du traité de Trianon.
Après 1932, la nomination au poste de Premier ministre de G. Gömbös, un officier ultranationaliste affichant sa sympathie pour les orientations de Mussolini et de Hitler auxquels il rend visite, entraîne un rapprochement avec l’Italie fasciste puis avec l’Allemagne nazie. Après la mort de Gömbös en 1936, cette politique est globalement poursuivie par son successeur Kálmán Darányi. On assiste alors à une poussée de l'extrême droit représentée par Ferenc Szálasi, fondateur en octobre 1937 du parti pronazi des Croix-Fléchées.
Le 8 mai 1938, Darányi doit céder la place à Béla Imrédy, qui, lors du démembrement de la Tchécoslovaquie, obtient la restitution d'une partie de la Slovaquie (2 novembre). Imrédy, en février 1939, signe une loi antisémite et adhère au pacte anti-Komintern. Mais il est remplacé par le conservateur antinazi Pál Teleki, qui fait occuper la Ruthénie (19 mars). Le 30 août 1940, la Hongrie obtient la restitution du nord de la Transylvanie par la Roumanie mais doit rejoindre (20 novembre) avec cette dernière et la Slovaquie le pacte tripartite (Allemagne, Italie, Japon).
L'armée allemande ayant traversé la Hongrie sans son accord pour attaquer la Yougoslavie, Teleki se suicide. Son successeur, László Bárdossy, déclare la guerre à l'URSS (27 juin 1941). Mais, dès mars 1942, le gouvernement de Miklós Kállay, qui veut se retirer de la guerre, prépare une paix séparée. Aussi l'Allemagne occupe-t-elle la Hongrie (19 mars 1944) et impose-t-elle Döme Sztójay, qui applique une législation antisémite et est bientôt révoqué par Horthy (24 août), qui nomme Géza Lakatós, chargé de préparer l'armistice. Les Allemands obligent Horthy à démissionner et imposent les Croix-Fléchées de Szálasi, qui instaurent un régime de terreur.
En décembre 1944, l'Armée rouge encercle Budapest, et le gouvernement de Szálasi s'enfuit en Allemagne. Le 22 décembre, les partis et organisations ayant constitué le Front national hongrois forment un gouvernement provisoire, qui signe le 20 janvier 1945 le nouvel armistice.
10. La Hongrie socialiste
10.1. L'instauration du régime communiste
Favorisé par la présence de l'Armée rouge, le parti communiste, dont les effectifs avaient toujours été très réduits et qui avait été victime d'une terrible persécution sous la Régence, se reconstitue. Le 15 mars 1945, la loi de réforme agraire distribue à 660 000 paysans environ 1 800 000 hectares. En novembre 1945, un accord économique soviéto-hongrois prolonge les réquisitions du temps de guerre par la mainmise sur l'économie hongroise. Les Magyars doivent se contenter des frontières de 1920, mais ils expulsent les 500 000 Allemands de leur pays.
Les élections de novembre 1945 assurent la victoire des agrariens (56 % des suffrages). Le parti communiste, qui n'a obtenu que 17 % des voix, continue à participer au ministère, gardant l'Intérieur, dont le contrôle permet de préparer l'arrivée au pouvoir. La république est proclamée (février 1946) ; Zoltán Tildy (agrarien) devient président de la République, et Ferenc Nagy (agrarien) président du Conseil.
Les communistes provoquent la formation d'un bloc de la gauche au sein du Front national (mars 1946) ; de gré, puis de force, ils obtiennent l'épuration du parti agrarien ; Ferenc Nagy doit démissionner (août 1947). Les élections d'août 1947 donnent 22 % des voix au parti communiste, mais 60 % à la coalition qu'il dirige. En juin 1948, le parti communiste fusionne avec les socialistes de gauche pour former le parti des Travailleurs hongrois. Les entreprises occupant plus de 100 personnes sont nationalisées. La lutte contre le clergé catholique s'accentue. Dès 1946, le cardinal Mindszenty, primat de Hongrie, a protesté contre la proclamation de la république. Peu après, le gouvernement a décidé la séparation de l'Église et de l'État, a laïcisé l'état civil et le mariage. En 1948, il sécularise les écoles et nationalise les biens du clergé, qui reçoit désormais un traitement. En février 1949, le primat est condamné à la prison perpétuelle pour complot et espionnage.
Le ministre de l'Intérieur, Rajk, organise les élections de mai 1949 avec liste unique, et les partis bourgeois achèvent bientôt de disparaître. Le secrétaire général du parti communiste, Rákosi, proclame la République populaire hongroise le 20 août 1949 et présente le premier plan quinquennal (1950-1954). Le procès et l'exécution de Rajk (septembre-octobre 1949) marquent le début d'une grande épuration dirigée contre les « titistes ». En août 1952, Rákosi ajoute à ses pouvoirs de secrétaire général ceux de chef du gouvernement.
10.2. L'insurrection de Budapest et l'intervention soviétique
Mais la déstalinisation se fait sentir en Hongrie : le 4 juillet 1953, Rákosi est remplacé au gouvernement par Imre Nagy, qui annonce « un nouveau cours » et proclame une amnistie. Le libéralisme mitigé de Nagy rencontre l'hostilité d'une partie de l'appareil du parti, toujours dirigé par Rákosi, et, le 18 avril 1955, Nagy est relevé de ses fonctions. L'opinion ne l'admet pas, et les envoyés du Kremlin (Mikoïan et Souslov) ainsi que les dirigeants les plus conservateurs du parti communiste doivent lâcher du lest : en mars 1956, alors que les crimes de Staline viennent d'être condamnés par Khrouchtchev (février), Rajk est réhabilité. L'union des écrivains et le cercle Petőfi entretiennent l'hostilité contre Rákosi, qui démissionne le 18 juillet 1956 et est remplacé par l'un de ses proches, Ernő Gerő.
L'« Octobre polonais » (retour au pouvoir en Pologne du réformateur Gomułka) encourage les contestataires. Le 23 octobre, une manifestation gigantesque de solidarité avec les Polonais a lieu devant le Parlement et des émeutes éclatent devant la Radio. Pour contrer l’insurrection naissante, les troupes soviétiques sont appelées en renfort des forces de la Sûreté de l’État (AVH) alors qu'Imre Nagy est renommé au poste de Premier ministre (24 octobre 1956). Le lendemain, Ernő Gerő est remplacé par János Kádár à la tête du parti communiste.
Plus favorable à la répression, János Kádár s’oppose finalement au gouvernement de coalition d’Imre Nagy. Ce dernier annonce des réformes démocratiques mais reste soumis à la pression, d’une part, des conseils ouvriers qui prennent la tête de mouvements de grève, alliés aux comités révolutionnaires qui se sont multipliés y compris dans l’État, d’autre part, des Soviétiques dont il cherche à obtenir l’évacuation avant d’annoncer le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie (1er novembre).
Entre le 29 et 31 octobre, le maréchal Youkov est chargé de renverser le cours des événements dans le pays et le 4 novembre, les troupes soviétiques investissent Budapest. Après une semaine de résistance, l’insurrection est écrasée. La répression fait de nombreuses victimes et entraîne l’exil de quelque 200 000 Hongrois. Parmi les condamnés à mort, Imre Nagy et ses plus proches partisans, jugés secrètement, sont exécutés le 16 juin 1958.
Pour en savoir plus, voir l'article insurrection de Budapest.
10.3. L'évolution après la normalisation : le « kadarisme »
Secrétaire général du parti communiste (parti des Tavailleurs reconstitué en 1956 sous le nom de parti socialiste ouvrier hongrois) et chef du gouvernement depuis novembre 1956, János Kádár est remplacé à ce dernier poste, en 1958, par Ferenc Münnich. En 1961, il cumule de nouveau les charges de secrétaire général du parti et de président du Conseil ; en 1965, un « kadariste » éprouvé, Gyula Kállai, vice-président depuis 1960, lui succède à la tête du gouvernement. Quant au chef de l'État (président du Conseil présidentiel), István Dobi (de 1952 à 1967), il exerce sa charge honorifique dans l'ombre de Kádár.
Dans le même temps, la Hongrie s'engage sur la voie de la déstalinisation. Associé à la répression qui suit l’insurrection de Budapest, le « kadarisme » évolue à partir des années 1960 vers une ouverture pragmatique mais partielle du régime, ponctuée de phases de durcissement.
Ainsi, en 1962, le VIIIe Congrès du parti socialiste ouvrier hongrois écarte les dirigeants les plus staliniens et conservateurs, et une large amnistie est décrétée en 1963. Au début de 1967, Kádár instaure un nouveau système électoral : à la place de la division du corps électoral en 20 circonscriptions à plusieurs sièges, où l'électeur ne pouvait que voter en bloc pour la liste proposée, le pays est divisé en 349 circonscriptions d'un siège, l'électeur pouvant choisir parmi plusieurs candidats tous issus toutefois du « Front patriotique populaire » dominé par le parti.
Les élections de 1967 sont suivies, le 14 avril, d'un remaniement gouvernemental. Tandis que Pál Losonczi remplace István Dobi comme chef de l'État, Gyula Kállai quitte la présidence du Conseil pour celle de l'Assemblée nationale. Mais les réformes touchent pour l’essentiel le système économique dont les règles sont modifiées à partir de 1968 avec une révision de la planification centralisée et une autonomie accrue des entreprises. Cette tâche est confiée à Jenő Fock, chef du gouvernement de 1967 à 1975. Outre l'amélioration du niveau de vie, la plus grande coopération économique avec l'Occident, l'accord avec le Vatican rétablissant la hiérarchie catholique le 23 janvier 1969 – ainsi que le départ du cardinal Mindszenty (réfugié à l'ambassade des États-Unis depuis l'intervention soviétique de 1956) pour Rome le 28 septembre 1971 puis pour l'Autriche – favorisent la libéralisation. En mars 1969, les conseils locaux sont transformés en « organes autonomes socialistes », disposant aussi d'une certaine autonomie financière. L'influence des syndicats se développe, et leur secrétaire général participe au Conseil des ministres.
En 1975, Jenő Fock est remplacé, à la tête du gouvernement, par György Lázár, János Kádár restant à la tête du parti et Pál Losonczi chef de l'État. Après la crise économique internationale de 1973, l’échec des mesures de recentralisation conduit finalement le gouvernement à accentuer sa politique d'ouverture vers l'Occident et les réformes structurelles dont la légalisation des petites entreprises privées en 1982.
Pour en savoir plus, voir l'article Hongrie : vie politique depuis 1989.