Exil et Exode

Les Assyriens puis les Mèdes déportaient habituellement une partie des populations vaincues afin de disperser les énergies de tel ou tel royaume défait et de les employer à leur propre service.

Mais le terme Exil désigne la seule déportation des Juifs à Babylone, entreprise par Nabuchodonosor à l'issue de ses campagnes contre le royaume de Juda, qui s'achevèrent, en 587 avant J.-C., par la prise de Jérusalem. Le sort des déportés ne fut pas nécessairement pénible et il alla en s'adoucissant au fur et à mesure que les exilés séjournaient en Mésopotamie, où ils formèrent la communauté la plus importante de la « Diaspora ».

L'exil des Juifs

Si l'espoir du retour fut très vif, surtout dans les débuts, il fallut attendre la chute de Babylone et l'avènement d'un nouveau maître, un Perse, Cyrus II le Grand, pour que les Juifs puissent retourner sur leur terre. Tous ne profitèrent pas de l'édit (538) qui les y autorisait, pour la simple raison qu'ils avaient trouvé dans cette nouvelle contrée un réel enracinement.

La condamnation d'Israël

Quoi qu'il en soit, cette expérience historique affecta de façon considérable la vie et la mémoire même d'Israël, qui ne recouvra plus, en dépit de quelques tentatives éphémères, une totale indépendance, et fut désormais le vassal des puissances impérialistes de l'heure (notamment les Séleucides et les Romains). Aussi les Juifs durent-ils considérer sous un nouveau jour l'histoire de l'Alliance entre Dieu et Israël. Si Israël était l'élu et le protégé de Yahvé, comment avait-il pu laisser asservir son peuple ?

La sanction divine

L'Exil fut d'abord compris comme la sanction de l'infidélité d'Israël envers son Dieu. Le châtiment extrême qui, semblait-il, brisait le dessein de l'Alliance et les promesses qu'elle portait, révéla, en fait, au peuple son péché. La persistance de la catastrophe, concrétisée par la durée de l'Exil, était une épreuve capable de briser la résistance de ce « peuple à la nuque raide » et elle confirmait les multiples prophéties de Jérémie, notamment, qu'on tenait jusqu'alors pour mensongères. Cette défaite et cet exil sanctionnaient, enfin, la faute des dirigeants, la cupidité asservissante des Grands, la démission des prêtres, qui avaient abandonné leur rôle de pasteurs et, plus généralement, la complicité du peuple, qui s'était adonné à l'idolâtrie, n'entendait plus les prophètes et s'en faisait le persécuteur.

L'Exode à l'origine du peuple élu

Souvent comparé par les prophètes à une « vigne » entourée du plus grand soin ou à une « épouse », objet de la plus grande affection de la part de Yahvé, Israël rebelle et indocile ressemble alors à une vigne dévastée ou à une épouse adultère, finalement exploitée et délaissée par ses amants. Yahvé réapparaît au terme de l'épreuve comme celui qui pardonne dans sa sainteté intransigeante et sa bouleversante fidélité.

L'épreuve divine

Cette expérience de l'Exil est également interprétée comme une période salutaire pour Israël, appelé à la conversion. Le changement de son statut politique le conduit à retrouver sa fidélité envers Yahvé. Mais celle-ci ne passe pas tant par l'observance d'un rituel imposé à tous les Israélites que par la transformation de leur « cur de pierre en cœur de chair ». En dernière instance, cette épreuve a été relue dans la tradition ancestrale de l'Exode : l'Exil est le Nouvel Exode, dans lequel Yahvé apparaît de nouveau comme celui qui délivre son peuple de la captivité et le conduit vers Jérusalem.

L'acte de la fondation d'Israël

Ce thème de l'Exode habite continuellement la Bible ; tous les grands livres prophétiques, sapientiaux ou historiques, l'ont sans cesse repris. La raison en est qu'Israël a toujours reconnu dans cet épisode l'acte de sa propre fondation, l'origine de la formation du peuple élu. La sortie d'Égypte, la longue pérégrination dans le désert du Sinaï, suivie de l'entrée dans la « Terre promise », constituent le type et le gage de toutes les délivrances effectuées dans la suite par Dieu en faveur de son peuple. Toute l'histoire d'Israël pourrait donc être relue (à la suite des commentaires prophétiques) à partir de l'Exode, dans lequel s'est actualisée l'initiative de Yahvé qui établit entre lui et ce faible peuple une Alliance inébranlable.

« L'année prochaine à Jérusalem »

Les deux millénaires qui ont succédé à la chute de Jérusalem (70 apr. J.–C.) ont été vécus par les Juifs à partir de cette promesse de l'Exode initial, et ils ont été marqués par l'espérance du retour dans la ville sainte, espérance qu'exprime la parole fameuse : « L'année prochaine à Jérusalem. » D'ailleurs, l'immigration des Juifs de la Diaspora dans le nouvel État hébreu est placée sous la loi dite du « retour ». Les auteurs du Nouveau Testament ont eux-mêmes largement fait référence à l'Exode. S'ils ne voient plus dans celui-ci l'événement central du salut, ils ont pensé le mystère chrétien en ayant l'Exode en mémoire. Saint Jean, en particulier, identifie Jésus au chemin qui conduit à la Vérité et les chrétiens qui s'y engagent aux pèlerins que furent les Hébreux dans le désert. Les images de la manne et du serpent d'airain s'appliquent directement à l'événement pascal. En outre, son Apocalypse caractérise le temps de l'Église comme un temps d'Exode qui ne s'achèvera qu'avec la parousie.