rhinocéros

Rhinocéros
Rhinocéros

Combat ou parade ? Deux rhinocéros, tels des escrimeurs, croisent leurs cornes pour tester leur force et leurs réflexes. Derniers survivants d'une lignée prestigieuse, ils ont été impitoyablement exterminés pour leur corne et disparaissent peu à peu des grands espaces africains et des forêts asiatiques.

1. La vie du rhinocéros noir

1.1. Un animal solitaire qui cherche à éviter les conflits

Le rhinocéros noir est un habitué des zones de transition entre la forêt et la savane, là où abondent les buissons épineux. Dans ces larges espaces, il n'a pas souvent l'occasion de rencontrer un congénère ; 'c'est de toute façon un animal solitaire. Le domaine vital occupé par un individu varie entre 3 et 90 km2, selon la densité en points d'eau et en buissons épineux.

Des clans bien défendus

Le rhinocéros noir est un animal au mode de vie plutôt solitaire, surtout les mâles adultes. Les femelles et les jeunes sont plus sociables. Dans certaines régions toutefois, les rhinocéros noirs sont organisés en clans. Ceux-ci regroupent quelques dizaines d'individus, mâles et femelles, qui exploitent le même point d'eau. Les résidents se connaissent et se respectent tant que les conditions restent stables. Cependant, l'agressivité peut surgir en cas de surpopulation, de diminution des ressources en eau et en nourriture ou pour toute autre cause impliquant une redistribution des domaines. Ce domaine commun à tout le clan couvre une surface moyenne de 80 km2, ce qui représente un cercle d'un rayon de 5 km environ, centré sur un point d'eau, et que tous les rhinocéros du clan marquent. Ils déposent leurs urines et leurs excréments dans des lieux de défécation collectifs et éparpillent leur crottin de leurs pattes postérieures, puis, les pattes imprégnées, ils continuent leur promenade, transportant ainsi les odeurs de tous les individus d'un bout à l'autre du domaine commun, et marquant au passage le sol et la végétation.

Pacifiques entre eux, les animaux du clan deviennent agressifs dès qu'un mâle inconnu traverse le domaine commun. Les femelles étrangères sont un peu mieux tolérées. Les animaux les plus agressifs semblent être les femelles suivies de leur petit, qui chassent tous les autres rhinocéros qui approchent.

Une cour peu romantique

Même en période de rut, la femelle rhinocéros ne se laisse pas facilement aborder. En général, les premières tentatives du mâle sont repoussées violemment. Une fois formé, non sans difficulté, le couple se maintient quelques jours, voire quelques semaines, mais jamais plus longtemps. Les deux animaux se déplacent et se nourrissent alors ensemble. Parfois même, ils se reposent l'un contre l'autre.

La cour du rhinocéros noir ne paraît pas très « romantique » : grognements, charges, coups de tête et de corne, grattages du sol, défécations et éparpillement des crottins, jets d'urine constituent l'essentiel des jeux amoureux. Ceux-ci peuvent durer des heures avant d'aboutir à l'accouplement.

On observe peu de conflits entre mâles pendant les 2 à 8 semaines que durent les chaleurs de la femelle. Chacun semble connaître son rang, les plus jeunes et les plus faibles laissant spontanément la place aux plus expérimentés. Et les rares regroupements de mâles autour d'une femelle en rut ne durent jamais très longtemps.

Après la courte période de reproduction, les rhinocéros retournent à leur vie solitaire.

La corne de rhinocéros est-elle un aphrodisiaque ?

La corne de rhinocéros est-elle un aphrodisiaque ?



L'accouplement des rhinocéros peut durer une heure et se répéter plusieurs fois par jour. Une telle vitalité, jointe à la forme suggestive de la corne, est peut-être à l'origine de la réputation de puissant aphrodisiaque attribuée à cette dernière, cause principale du massacre, au cours du XXe siècle, de toutes les espèces de rhinocéros. Pourtant, aucune des analyses effectuées sur différents prélèvements de cornes n'a pu mettre en évidence autre chose que de la kératine, la même protéine qui constitue nos ongles et de nos cheveux.

1.2. Des combats rituels... parfois préludes à l'accouplement

Cette corne, que l'on imagine redoutable, capable d'infliger les pires blessures lors des affrontements, est avant tout un moyen de faire connaître son rang.

Lorsque deux rhinocéros se rencontrent, ils se contentent de croiser leurs cornes à la manière d'escrimeurs croisant le fer, cherchant surtout à tester la force et les réflexes de l'adversaire. Avant l'échange proprement dit, les animaux émettent parfois des grognements d'intimidation. Puis, ils se portent mutuellement des coups de cornes latéraux. L'affrontement s'accompagne également de cris divers. Le plus souvent, l'un des rhinocéros finit par s'imposer et le combat s'arrête de lui-même.

Les rhinocéros noirs se querellent très rarement entre voisins d'un même clan. Comme chez de nombreux animaux, ce n'est que lors de l'établissement des territoires que les conflits peuvent apparaître. Ensuite, les résidents se connaissent et respectent les limites des autres domaines. Des combats entre mâles ont aussi lieu pour la possession des femelles.

De façon générale, l'ensemble de ces combats est sans conséquence. Il arrive cependant que certains dégénèrent en assauts violents, pouvant aboutir à la mort d'un des deux protagonistes, les cornes devenant de redoutables armes capables de transpercer la peau, pourtant très épaisse, de ces animaux.

Modérément agressif envers ses congénères, le rhinocéros noir peut l'être beaucoup plus à l'égard d'un autre animal ou de l'homme. Il lui arrive de charger, corne en avant, de façon totalement imprévisible, attaquant même des véhicules.

1.3. Les épines ne lui font pas peur pour trouver sa nourriture favorite

Le rhinocéros noir a un don très particulier : il est capable de saisir les feuilles et les rameaux des buissons épineux au moyen de sa lèvre supérieure, « pointue » et préhensile. Cette faculté lui permet d'exploiter notamment la brousse à acacias, son cuir épais le protégeant de la piqûre des épines. Il sait également utiliser ses deux cornes pour casser ou mettre à portée de sa bouche les feuilles des branches un peu hautes. Strictement végétarien, son régime alimentaire est composé de quelque 200 plantes différentes réparties en 50 familles. Si ses préférences vont aux plantes du genre Acacia, il consomme aussi les espèces des genres Commiphora, Grewia, Cordia, Lannea et Adenia, et semble particulièrement apprécier l'euphorbe candélabre (Euphorbia candelabrum) au suc amer, acide et gluant, la sansevière et l'aloès. Il mange aussi, à l'occasion, des melons d'eau. Il cueille également les petits rejets d'arbres, entretenant de la sorte les prairies de graminées. Il ne dédaigne pas les fruits, cueillis ou ramassés, et broute parfois l'herbe de la savane.

Une lèvre préhensile

Une lèvre préhensile



La lèvre supérieure du rhinocéros noir, pointue, épaisse mais très mobile, lui permet de saisir avec la même dextérité les branches épineuses des buissons d'acacia et les trèfles sauvages poussant sur le sol. Grâce à ce remarquable outil, les enchevêtrements de végétation ne lui font pas peur. Il peut ingurgiter à chaque bouchée une bonne quantité de feuilles coriaces et de rameaux dont les épines ne semblent pas le blesser. Elles sont broyées, comme le reste, par deux rangées de larges molaires agissant comme des meules. Le rhinocéros noir est une des rares espèces capables d'exploiter une telle végétation, délaissée par la plupart des autres animaux.

Dans le Ngorongoro, un comportement alimentaire original a été remarqué : des rhinocéros consommaient du crottin de gnous. On pense qu'il s'agirait d'un moyen de rééquilibrer leur alimentation grâce aux oligo-éléments et aux sels minéraux que ce dernier contient. Il se peut aussi que le crottin, qui contient encore quelques éléments nutritifs, serve de complément quantitatif en cas de pénurie alimentaire.

Toujours à proximité d'un point d'eau

Le rhinocéros est un animal qui transpire. Or, les buissons épineux sont peu riches en eau. Pour compenser les pertes en eau dues à la transpiration, l'animal doit boire chaque jour, et même parfois plusieurs fois par jour.

Toutefois, dans les régions quasi désertiques, en Namibie par exemple, les animaux peuvent rester jusqu'à trois ou quatre jours sans s'abreuver. Mais lorsqu'ils trouvent un point d'eau, ils ne s'en éloignent guère et limitent leur aire d'activité pour rester à proximité. Pendant la saison humide, en revanche, quand les points d'eau sont plus fréquents et que la nature abonde en plantes riches en eau, les rhinocéros parcourent de plus vastes étendues à la recherche de nourriture.

1.4. Inséparables pendant deux ans : la mère et son petit

Quelque quinze mois après sa conception (460 jours en moyenne), le petit rhinocéros vient au monde, dépourvu de corne. En milieu naturel, les naissances ont lieu tout au long de l'année, mais le plus souvent entre la saison des pluies et le milieu de la période de sécheresse. Cette période de plus fortes naissances correspond à des accouplements plus fréquents en saison humide.

À la naissance, le petit rhinocéros ne pèse que 40 kg, soit environ 4 % du poids de sa mère ; quelques minutes après, il se tient déjà debout et, très vite, apprend à se déplacer de façon autonome.

La femelle reste quelques jours cachée dans les buissons avec son petit, avant de l'emmener avec elle dans ses déplacements. Très irritable durant les premières semaines de la vie de son jeune, elle réagit à la moindre alerte, prête à le défendre contre les ennemis éventuels.

Plusieurs fois, des bandes de hyènes tachetées ont été observées harcelant une femelle et son petit jusqu'à ce que celui-ci s'éloigne suffisamment de sa mère. Hors d'atteinte des redoutables coups de corne de l'adulte, les prédateurs se ruent alors sur la jeune victime, incapable de se défendre. Pour ne pas tomber dans le piège, la femelle cherche à s'interposer le plus efficacement possible entre les agresseurs et son petit. Plus tard, celui-ci apprendra à reculer contre elle pour faire front, de chaque côté, à l'ennemi. On a quelquefois également observé cette attitude chez des adultes en présence d'un danger mal localisé.

Une mère vigilante

Lors de la progression dans les buissons épineux, le petit, à la peau encore fragile, marche derrière sa mère, mais celle-ci reste vigilante. À la moindre alerte, il vient se placer à ses côtés. Le jeune rhinocéros est plus agile qu'il n'en a l'air. Il joue parfois avec la végétation, chargeant et poursuivant des ennemis imaginaires. Les jeunes de plusieurs femelles peuvent jouer ensemble.

Le petit tète sa mère pendant environ deux ans. À cet âge, il est devenu tellement grand qu'il doit se coucher pour atteindre les deux mamelles situées entre les pattes postérieures. Les cornes ne commencent à pousser vraiment qu'après le sevrage.

Durant les deux premières années de la vie des jeunes rhinocéros noirs, la mortalité pour causes naturelles (accidents, prédation, maladies, malnutrition) atteindrait 16 % des naissances par an. Ce taux descend à 9 % entre 5 et 25 ans.

Le jeune rhinocéros quitte sa mère dès qu'elle donne naissance à un nouveau petit. Le plus souvent, il se rapproche d'autres jeunes pour former de petits groupes temporaires. La maturité sexuelle est atteinte vers 4 ans pour la femelle, 6 ou 7 ans pour le mâle. La croissance se poursuit jusque vers l'âge de 7 ans. Dans la nature, la femelle donne naissance à son premier petit entre l'âge de 5 et 7 ans. Le mâle ne peut quant à lui s'accoupler avant l'âge de 10 ans, le temps d'avoir acquis un rang social suffisamment élevé. Jusque-là, les mâles plus âgés, dominants, l'écartent toujours des femelles en chaleur.

1.5. Milieu naturel et écologie

La réduction de l'aire de répartition du rhinocéros noir est, en Afrique, une des plus catastrophiques que l'on connaisse. À de rares exceptions près, on ne le rencontre plus que dans des réserves surveillées, voire entièrement fermées.

Initialement, le rhinocéros noir devait habiter une vaste superficie en Afrique, depuis la Guinée à l'ouest jusqu'à la Somalie à l'est et, de là, jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Vers le nord, la frange sahélienne devait limiter sa progression en raison de la rareté des arbres et arbustes. À la fin des années 1960, on en dénombrait quelque 65 000 individus. Un peu plus de 20 ans plus tard, au début des années 1990, ses populations avaient chuté de plus de 95 % en raison des massacres perpétrés pour sa corne (2 300 individus survivants). Depuis, l'espèce est protégée, et des programmes anti-braconnage ont été mis en place. Elle connaît depuis une lente récupération (environ 4 220 individus en 2008).

Autrefois répandu depuis le niveau de la mer jusqu'à 3 000 m d'altitude, le rhinocéros noir pouvait côtoyer de nombreuses espèces. Les herbivores bénéficiaient de sa présence à plus d'un titre. Ils profitaient des passages creusés au travers des buissons pour se rendre vers les zones de graminées inaccessibles autrement. De plus, le rhinocéros consomme régulièrement les pousses d'arbres en lisière des bois et maintient ainsi un équilibre entre les zones herbacées et les surfaces boisées.

Relations réciproques

Le rhinocéros est presque toujours vu en compagnie de groupes d'oiseaux appartenant à deux genres : le héron garde-bœuf (Bubulcus) et les pique-bœufs (Buphagus).

Le premier (Bubulcus ibis) est un petit héron largement répandu à la surface de la planète et présent jusqu'en France. Il se reconnaît à son plumage presque blanc et à son bec jaune. Il se nourrit de sauterelles et de criquets, de la même couleur que l'herbe, immobiles et pratiquement invisibles dans les herbes de la prairie que les grands herbivores, en se déplaçant, font bouger. Le passage des rhinocéros les lui rend plus faciles à capturer. Les garde-bœufs accompagnent les bovins en Camargue, les zébus à Madagascar, ainsi que les rhinocéros africains.

Les pique-bœufs (Buphagus africanus, le pique-bœuf à bec jaune, et Buphagus erythrorhynchus, le pique-bœuf à bec rouge) se perchent sur les rhinocéros et les grands ongulés et se nourrissent de leurs parasites externes. Ils sont très fréquents sur les rhinocéros où, apparemment, la nourriture est abondante. De plus, ils nettoient les blessures de leur peau en consommant les tissus morts autour des plaies. Le rhinocéros se prête avec complaisance à ces opérations chirurgicales. Tous ces oiseaux ont une autre fonction : en cas de danger, ils s'envolent bruyamment, alertant ainsi leur hôte.

Une autre catégorie d'animaux vit en association étroite avec le rhinocéros : il s'agit des bousiers, insectes coléoptères se nourrissant des crottins d'herbivores. Leur rôle est fondamental car ils font disparaître les excréments et recyclent les éléments qu'ils contiennent. Sans cet éparpillement, l'herbe ne repousserait pas si facilement sous les amas de crottins, et le renouvellement de la végétation serait plus lent. Les différentes espèces de bousiers sont spécialisées dans l'utilisation des crottins de tel ou tel herbivore. Seuls les plus grands peuvent s'occuper des déchets des rhinocéros ou des éléphants, façonnant une boule de la taille d'une balle de tennis dans laquelle la femelle pond ses œufs.

Le rhinocéros tisse donc des relations avec de nombreux animaux de la savane. Il entretient les pâturages pour les herbivores, aménage des sentiers dans les massifs épineux, participe à l'alimentation des pique-bœufs, des hérons garde-bœufs et des bousiers. Qu'il disparaisse, et c'est tout un réseau d'interactions qui s'effondre.

2. Zoom sur... le rhinocéros noir

2.1. Le rhinocéros noir (Diceros bicornis)

Malgré son allure massive, le rhinocéros noir fait preuve d'une certaine agilité quand il court. Ses charges à quelque 50 km/h contre des intrus sont spectaculaires. Mais, comme il ne distingue pas grand-chose à plus de 30 m et qu'il ne se dirige qu'à l'odeur, le moyen le plus sûr pour l'éviter consiste à effectuer un bond de côté au dernier moment.

C'est un strict végétarien, capable d'ingurgiter quotidiennement une grande quantité de nourriture, environ 2 % de son poids en végétaux secs. Sa lèvre supérieure, préhensile, saisit sans difficulté les feuilles et les rameaux ligneux. Il les broie avec ses molaires larges et plates qu'il frotte les unes contre les autres. Même les épines de 10 cm sont écrasées et avalées.

Les fermentations bactériennes de l'intestin accélèrent la digestion des fibres végétales, mais le rhinocéros, comme le cheval, ne rumine pas.

Ainsi que de nombreux herbivores de la savane, le rhinocéros noir prend des bains de boue ou de poussière, autant pour se rafraîchir que pour se débarrasser de ses parasites cutanés. Sa peau, très épaisse, comporte en effet dans sa partie externe un épiderme sensible qui attire les insectes piqueurs comme le moustique, ainsi que divers autres parasites externes. La gangue de boue n'est pas seulement un écran contre les piqûres, elle écrase les tiques en séchant. Le rhinocéros élimine le tout en traversant des buissons d'épines. Il aime aussi se rouler dans les cendres des feux de bivouac. On a observé des rhinocéros éparpillant des braises avec leurs cornes.

Le rhinocéros est le seul animal capable de traverser un massif végétal hérissé de piquants sans aucune gêne apparente. Sous son épiderme, il possède un derme très épais à l'épreuve des pointes les plus acérées.

Mais le rhinocéros noir a tendance à emprunter toujours les mêmes itinéraires dans ses déplacements, lorsqu'il se rend quotidiennement à son point d'eau, par exemple. À force de repasser systématiquement aux mêmes endroits, il creuse de véritables sentiers dans les massifs de buissons épineux. Ces sillons sont une aubaine pour d'autres animaux qui craignent les épines.

Même si quelques mâles se regroupent parfois autour d'une femelle en rut, les rhinocéros noirs vivent le plus souvent isolés. Le couple mère-petit est le seul lien étroit et durable que l'on ait constaté entre deux rhinocéros.

La mère donne naissance à un seul petit à la fois. L'intervalle entre deux naissances varie de 2 à 4 ans. Le petit est nourri par un lait très pauvre en calories, deux fois moins riche que le lait de vache, et un des moins énergétiques parmi les laits de mammifères.

Lorsqu'il naît, le petit n'a pas encore de cornes. Elles pousseront en deux ou trois ans, bien avant de servir pour les affrontements entre individus.

Parfois très agressifs à l'égard d'un autre animal, les rhinocéros noirs ne se battent presque jamais entre eux, et les affrontements rituels avec frottements de cornes et cris divers sont peu fréquents.

Si l'animal marque son domaine, c'est plutôt au moyen de ses excréments et de son urine, déposés dans des lieux de défécation communs à plusieurs animaux d'un même clan.

Éparpillant les crottins avec ses pattes postérieures, il transporte les marques olfactives d'un bout à l'autre du domaine, imprégnant au passage le sol et la végétation. C'est également grâce à son urine que la femelle en chaleur pourra attirer les mâles.

L'odorat est le sens le plus développé chez le rhinocéros ; c'est l'un des plus perfectionnés du règne animal. Pour approcher un rhinocéros, il est indispensable de se placer à contrevent.

L'ouïe est très fine, grâce à ses oreilles en forme de tube qui s'orientent dans tous les sens. Elles lui servent à repérer un danger, mais aussi à capter les sons émis par des congénères. Que ce soient des appels entre la mère et son petit ou bien des grognements et des cris divers lors d'affrontements, les signaux sonores ont une importance certaine, quoique encore mal connue, dans la communication entre animaux.

La vue est fort basse ; les yeux, placés latéralement, obligent l'animal à tourner la tête pour regarder vraiment de face.

          

RHINOCÉROS NOIR

Nom (genre, espèce) :

Diceros bicornis

Famille :

Rhinocérotidés

Ordre :

Périssodactyles

Classe :

Mammifères

Identification :

2 cornes nasales, 3 doigts à chaque pied, lèvre supérieure pointue et préhensile

Taille :

De 3 à 3,75 m (tête et corps), plus la queue : 0,70 m ; hauteur au garrot : de 1,40 à 1,50 m (mâle et femelle) ; corne antérieure : 55 cm (moyenne)

Poids :

De 1 à 1,8 t (mâle et femelle comparables)

Répartition :

Afrique, au sud du Sahara. Près de 98 % de la population actuelle dans quatre pays : Afrique du Sud, Namibie, Zimbabwe et Kenya. Petites populations en Tanzanie, au Botswana, ainsi que dans le nord du Cameroun

Habitat :

Savanes herbacées, savanes boisées, régions désertiques

Régime alimentaire :

Végétarien strict, mangeur de rameaux dont l'acacia

Structure sociale :

Apparemment non territorial et peu social

Maturité sexuelle :

Environ 5 ans

Saison de reproduction :

Peu marquée. Femelles fécondables plutôt pendant le début de la saison des pluies

Durée de gestation :

Environ 460 jours

Nombre de petits par portée :

1 (on ne connaît pas de cas de jumeaux)

Poids à la naissance :

40 kg environ

Longévité :

De 40 à 50 ans

Effectifs, tendances :

Environ 3 700. Lente remontée des effectifs depuis 1995

Statut, protection :

Classé en Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) : commerce international interdit. Mesures et lois nationales

Remarques :

Protection et sécurité importantes mises en place autour des populations. Fait toujours l'objet d'un braconnage pour sa corne, vendue en Asie (Yémen et Asie du Sud-Est)

Record : corne antérieure de 1,40 m au Kenya

 

2.2. Signes particuliers

Cornes

Au nombre de deux, les cornes sont formées de kératine, comme nos ongles et nos cheveux, et n'ont ni support osseux, ni attache anatomique. Elles sont, en moyenne, longues de 55 cm. Si elles se brisent, elles repoussent en deux à trois ans.

Doigts

Le rhinocéros est un périssodactyle, un animal à nombre impair de doigts dont l'axe de symétrie de la patte passe par le troisième doigt. Ce doigt médian est le plus fort et permet à l'animal de trotter avec une certaine agilité.

Peau

Bien que très ferme et épaisse, la peau du rhinocéros est vulnérable aux piqûres d'insectes et des parasites externes comme les tiques. En effet, au-dessus du derme épais à l'épreuve des épines de la brousse, l'épiderme, richement vascularisé, est apprécié de nombreux insectes et autres arthropodes piqueurs. Les pique-bœufs, oiseaux insectivores, aident le rhinocéros à se débarrasser de ces suceurs de sang.

3. Les autres espèces de rhinocéros

En plus du rhinocéros noir africain, il existe quatre autres espèces de rhinocéros au monde : une espèce vivant aussi en Afrique, le rhinocéros blanc, et trois espèces asiatiques, dont les effectifs sont extrêmement réduits. Le rhinocéros blanc et le rhinocéros de Sumatra ont deux cornes, comme le rhinocéros noir. Le rhinocéros de Java et le rhinocéros de l'Inde n'ont qu'une corne.

La population totale pour ces quatre espèces est de moins de 20 400 individus. Le rhinocéros blanc d'Afrique est le plus commun, ses effectifs représentant un peu moins des trois-quarts de la population totale des cinq espèces de rhinocéros (en tout environ 24 500 individus). Le rhinocéros de Java et celui de Sumatra font partie des mammifères les plus menacés au monde (respectivement moins de 60 et environ 200 individus).

3.1. Rhinocéros unicorne de l'Inde (Rhinoceros unicornis)

Il est un peu plus grand que le rhinocéros noir : 2 m au garrot, et il pèse entre 1,5 t et 2 t.

Identification : une corne unique, plus petite que celles de ses cousins africains. Il se reconnaît facilement à l'impressionnante cuirasse qui lui sert de peau. De véritables plaques délimitées par des plis de peau bien marqués lui font comme une sorte d'armure.

Répartition : localisé dans quelques réserves du nord de l'Inde et du sud du Népal. Le parc national de Kaziranga (Inde) héberge à lui seul 85 % de l'effectif total.

Habitat : près de l'eau, voire dans l'eau ; dans les vallées humides et inondables.

Alimentation : essentiellement l'herbe des prairies des bords des fleuves. Il apprécie aussi le riz, au grand dam des paysans locaux. Il saisit sa nourriture grâce à sa lèvre supérieure préhensile qu'il peut aussi retrousser pour brouter l'herbe.

Comme chez le rhinocéros noir, les animaux se partagent un domaine, chacun des résidents disposant d'environ 6 km2. Une hiérarchie s'établit entre les mâles du clan, à l'avantage d'un dominant qui seul s'accouple avec les femelles en chaleur. Les parades nuptiales sont, chez cette espèce aussi, bruyantes et énergiques. De même que chez son cousin africain, on retrouve les lieux de défécation communs et très peu de conflits entre membres du clan.

L'agression envers un étranger au domaine se traduit par des blessures infligées par les incisives pointées vers l'avant.

Effectifs : entre 2 700 et 2 850 individus (estimation 2008).

Après être tombés en-dessous de 200 individus au cours de la seconde moitié du xxe siècle, les effectifs du rhinocéros unicorne de l'Inde remontent doucement. L'espèce reste toutefois très menacée. Outre le braconnage, qui persiste à un niveau élevé, les inondations consécutives à la mousson sont une des causes de mortalité des rhinocéros unicornes de l'Inde. Elles ont pour origine les déboisements massifs de toutes les pentes de l'Himalaya.

3.2. Rhinocéros de Java (Rhinoceros sondaicus)

Appelé aussi rhinocéros de la Sonde.

Assez petit, pas plus de 1,20 m au garrot ; il pèse environ 1,6 t.

Identification : cuirassé, comme le rhinocéros indien, il se distingue de celui-ci par une disposition différente des plis de la peau. Il a une seule corne. C'est un mangeur de rameaux, de fruits et de feuilles d'arbres.

Répartition : Réserve d'Udjong Kulon, à l'extrémité occidentale de l'île de Java (Indonésie) ; minuscule population (quelques individus seulement) au Viêt Nam, réserve de Cat Loc.

Il vivait jadis dans une grande partie de la péninsule indochinoise de la Birmanie (Myanmar) jusqu'à la péninsule de Malacca, ainsi qu'au nord-ouest, au Bangladesh, et au sud, dans deux des îles de la Sonde, Java et Sumatra.

Habitat : les forêts, depuis le niveau de la mer jusqu'à 2 000 m.

Effectifs : entre 40 et 55 en 2008 (pour la plupart à Java, avec une toute petite population dans le parc national de Cat Tien au Viêt Nam, ne dépassant pas 5 individus). En danger critique d'extinction, le rhinocéros de Java fait partie des mammifères les plus menacés au monde. La déforestation et la fragmentation de son habitat sont les principales menaces qui pèsent sur lui. De plus, la taille très restreinte de ses populations rend l'espèce vulnérable aux maladies.

La rareté de l'espèce et le milieu fermé dans lequel elle vit rendent les observations difficiles. On pense que les mâles utilisent leur urine plus que leurs crottins pour marquer les sentiers forestiers.

3.3. Rhinocéros de Sumatra (Dicerorhinus sumatrensis)

C'est le plus petit des cinq rhinocéros : moins de 1 m à 1,5 m au garrot pour 1 t environ.

Identification : seule espèce asiatique munie de deux cornes et le seul des rhinocéros à être recouvert d'un pelage clairsemé. On l'a apparenté d'ailleurs au rhinocéros laineux des périodes glaciaires.

Répartition : péninsule de Malacca, Sumatra, Bornéo. Survie inconnue en Birmanie (Myanmar).

Habitat : forestier ; capable de gravir des pentes assez raides jusqu'à 2 000 m d'altitude.

Effectifs : environ 200 individus (estimation 2008) ; en danger critique d'extinction.

3.4. Rhinocéros blanc (Ceratotherium simum)

Deuxième plus grand mammifère terrestre actuel, après l'éléphant : de 1,5 à 1,85 m au garrot ; il pèse de 2,3 à 3,6 t (respectivement de 1,4 à 1,5 m et de 1 à 1,8 t pour le rhinocéros noir).

Identification : espèce africaine. Sa corne antérieure, la plus longue des deux, mesure 65 cm en moyenne (55 cm pour le rhinocéros noir), avec un record homologué à 1,58 m. Bosse massive sur le dos, à hauteur du cou. Il se distingue du rhinocéros noir non par sa couleur, qui est identique, mais par la forme de sa bouche, droite et large, adaptée au broutement de l'herbe.

Répartition : en Afrique, sur deux aires complètement disjointes. Au nord, le rhinocéros blanc se rencontrait jadis du lac Tchad au Nil Blanc. Aujourd'hui, il ne survit qu'en République démocratique du Congo, et encore y est-il devenu très rare. Au sud, il vit aujourd'hui essentiellement (près de 99 % des effectifs totaux) en Afrique du Sud, en Namibie, au Zimbabwe et au Kenya. Hors de ces quatre pays, il est présent en Zambie, au Botswana et au Swaziland. Présence incertaine au Mozambique.

Habitat : comme l'herbe qu'il broute est abondante partout, son domaine est beaucoup moins étendu que celui du rhinocéros noir. Moins solitaire, il est aussi nettement plus territorial. Les mâles résidents, parfois 5 au km2, marquent leur territoire avec leurs crottins et leur urine. Les rencontres sont fréquentes, donnant lieu à des affrontements ritualisés avec frottements de cornes et jets d'urine en arrosoir, vers l'arrière.

Effectifs : environ 17 500 individus (estimation 2008), pour l'essentiel en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Namibie et au Kenya. Après avoir frôlé l'extinction (il restait moins de 200 rhinocéros blanc au début des années 1980), les populations ont bien récupéré en raison de mesures de protection efficaces, en particulier en Afrique du Sud. Effectifs en hausse.

4. Origine et évolution du rhinocéros noir

Cinq espèces de rhinocéros, comptabilisant au total moins de 18 000 individus, vivent encore aujourd'hui en Afrique et en Asie. Toutes ont frôlé l'extinction. Il ne s'agit pourtant pas d'une lignée vieillissante, inadaptée au climat, à la végétation, à l'environnement : ces survivants d'une famille au passé glorieux sont des animaux tout à fait à l'aise dans leur milieu naturel. Mais, face à l'homme et à ses armes de plus en plus perfectionnées, ils sont impuissants à se défendre, et leur survie ne dépend que des mesures de protection dont ils bénéficient.

À l'ère tertiaire, il y a environ 40 millions d'années, la famille des rhinocérotidés – et d'autres groupes proches – a connu un foisonnement de formes rarement égalé, et quelques-unes vraiment extraordinaires. Certains ressemblaient à des chevaux et couraient sur des pieds munis de trois doigts. D'autres faisaient penser à de longs cylindres montés sur quatre petites pattes, évoquant par leur forme les hippopotames. Sans doute ceux-là étaient-ils amphibies. D'autres encore arboraient de surprenantes défenses qui leur donnaient un aspect formidable. Ainsi l'Indricotherium de Mongolie (appelé autrefois Baluchitherium), le plus grand mammifère à mode de vie terrestre ayant jamais existé. Cet animal mesurait de 5 à 6 m au garrot (à titre de comparaison, l'éléphant d'Afrique actuel atteint au maximum 4 m) et était capable de brouter des feuilles à 8 m du sol grâce à son long cou. Il devait peser environ 30 tonnes (l'éléphant en pèse en moyenne 4,5). Il s'est éteint il y a environ 10 millions d'années.

La lignée à laquelle appartiennent les rhinocéros « modernes » (famille des rhinocérotidés) s'est développée et diversifiée en une cinquantaine de genres et de très nombreuses espèces dont, outre les cinq que nous connaissons aujourd'hui, plusieurs ont été contemporaines de la lignée humaine. Elastotherium était une forme de grande taille (sans doute 2 m au garrot et jusqu'à 5 m de long), couvert d'un épais pelage et doté d'une extraordinaire corne atteignant 2 m. Le rhinocéros laineux, doté d'une épaisse et longue toison et qui habitait l'Europe et l'Asie, est l'objet de quelques représentations dans l'art pariétal paléolithique (par exemple sur les fresques de la grotte Chauvet, il y a 25 000 à 32 000 ans) ; il s'est éteint il y a 10 000 ans. 

Au cours du xxe siècle, les cinq espèces actuelles de rhinocéros se sont raréfiées sous les effets combinés de la chasse et de la dégradation de leurs habitats. Les effectifs du rhinocéros noir – qui était jadis l'espèce la plus abondante, avec plusieurs centaines de milliers d'individus – ont ainsi connu un effondrement dramatique (disparition de quelque 95 % de ses populations en quelques décennies) par suite d'une chasse intensive. Il en est de même du rhinocéros blanc et du rhinocéros unicorne de l'Inde, dont il restait moins de 200 individus de chaque espèce au début des années 1980. Heureusement, les mesures prises un peu partout en Afrique et en Asie, à l'échelle internationale ainsi qu'au niveau local, ont porté leurs fruits dans quelques réserves bien gardées, où les effectifs remontent lentement. À l'exception du rhinocéros blanc (le plus abondant aujourd'hui), la survie des rhinocéros reste toutefois extrêmement incertaine à long terme ; le rhinocéros de Java et celui de Sumatra font partie des mammifères les plus menacés du monde.

5. Le rhinocéros et l'homme

Le massacre des rhinocéros n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de disparition d'espèces à cause d'une chasse incontrôlée. Il est probable que certains pays ne reverront jamais l'espèce. Heureusement, dans certaines réserves, on assiste à une lente progression du nombre de rhinocéros, qui serviront – on peut l'espérer – à repeupler la savane.

5.1. La corne des rhinocéros responsable des massacres

Il y a peu d'exemples, avec celles de l'éléphant, de destructions aussi massives et aussi systématiques que celles des rhinocéros. Aujourd'hui, l'espèce se rencontre essentiellement à l'abri de réserves, de sanctuaires de la vie sauvage ou de zones protégées.

Toutes les vertus prêtées à la corne du rhinocéros viennent de traditions asiatiques. Autrefois, quand les rhinocéros asiatiques étaient plus nombreux, l'« approvisionnement » avait lieu sur place, dans la vallée du Gange ou dans les forêts de la péninsule indochinoise. En raison de la chute des effectifs des rhinocéros en Asie, la chasse s'est étendue aux rhinocéros africains.

Quelles seraient les vertus de cette corne ? De l'Inde à la Chine, on lui prête divers pouvoirs protecteurs, curatifs ou stimulants. Autrefois, les princes indiens se devaient de boire dans une coupe creusée dans la corne d'un rhinocéros. La légende raconte que la coupe se brisait en deux si un ennemi y avait versé du poison. On affirmait également qu'une corne de rhinocéros placée sous le lit d'une femme enceinte facilitait l'accouchement.  Une autre tradition voulait que l'on guérisse une morsure de serpent en plaçant sur la blessure un petit morceau de corne.

L'urine de l'animal aurait aussi des pouvoirs : un petit flacon accroché à l'entrée d'une maison protègerait les habitants contre les mauvais esprits, les fantômes et les maladies. Sachant cela, les guérisseurs continuent aujourd'hui de recueillir l'urine en se servant là où il est facile de se la procurer, c'est-à-dire auprès des soigneurs des jardins zoologiques népalais et indiens — une tradition qui, elle, n'a aucune conséquence négative sur l'espèce.

Toutes ces pratiques, qui ne donnaient pas lieu à des massacres en règle, ont permis pendant longtemps la cohabitation du rhinocéros et de l'homme. Il n'en va pas de même depuis que la corne est vendue comme aphrodisiaque. Cette vertu illusoire est à l'origine d'une véritable flambée du marché (à titre illustratif, à la fin des années 1980, le kilogramme de corne se vendait environ 16 000 dollars).

Un commerce d'un autre type existe au Yémen. La corne, entière cette fois, est richement décorée et utilisée comme étui du poignard traditionnel, le jambia. La raréfaction des animaux a entraîné un envol des prix qui n'a pas découragé la riche clientèle yéménite. Le braconnage africain n'en a été que plus actif.

Aujourd'hui, en dépit des approvisionnements rendus de plus en plus difficiles par la baisse des effectifs des rhinocéros et par l'interdiction totale, à l'échelle internationale, du commerce de leurs cornes, le braconnage persiste, en raison des sommes exorbitantes pouvant être obtenues en Asie, notamment au Népal, pour la corne de rhinocéros (une seule corne peut se monnayer plusieurs dizaines de milliers de dollars).

5.2. Les mesures de protection

En Afrique, le rhinocéros noir et le rhinocéros blancs ont connu, au cours du xxe siècle, un effondrement dramatique de leurs populations. Le second a même frôlé l'extinction, avec moins de 200 survivants à la fin des années 1980. Les menaces pesant sur ces deux espèces ont mobilisé des opérations de sauvetage, lourdes et coûteuses, sur le terrain (comme le déplacement, en hélicoptère, de rhinocéros jusque dans des zones protégées). Les deux espèces sont placées en annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) – commerce international strictement interdit – depuis 1977. Dans les années 1990, des mesures de protection nationales ont été mises en place dans les pays où ces animaux vivaient encore, pour permettre d'appliquer les décisions de la Cites. La politique de protection du rhinocéros blanc menée en Afrique du Sud notamment a été particulièrement efficace, et l'espèce a été sauvée. La récupération de l'espèce a même permis de la faire passer, en 1994, de l'annexe I à l'annexe II de la Cites. Celle-ci autorise, dans une certaine mesure, le commerce d'animaux vivants, ainsi que le commerce limité de trophées de chasse. En effet, la chasse sportive de mâles surnuméraires est autorisée, générant des revenus qui sont réinjectés dans la gestion des rhinocéros. On dénombrait en 2008 un effectif total de près de 17 500 rhinocéros blancs –  le plus élevé, de très loin, des cinq espèces.

Les mesures de sauvegarde montrent également leur efficacité pour le rhinocéros noir, dont les effectifs remontent depuis 1995. La survie de l'espèce reste toutefois très menacée, avec à peine plus de 4 200 individus (4 240 en 2008) sur l'ensemble de son aire de répartition.

Les programmes de sauvegarde des rhinocéros africains sont coordonnés par l'International Rhino Fundation (IRF). Outre des mesures de protection « physique », sur le terrain (visant à limiter, si ce n'est éradiquer, le braconnage), ils comprennent notamment des travaux de recherche visant à mieux connaître la biologie du rhinocéros noir, dans le but en particulier d'optimiser leur taux de reproduction. En effet, faire croître les populations dans les réserves permettra ultérieurement d'implanter de petites populations dans d'autres régions. La tentative, en Namibie à la fin des années 1980, de couper les cornes des rhinocéros afin de décourager les braconniers n'a pas été efficace, car les rhinocéros étaient tout de même abattus. De plus, l'opération n'était simple ni pour les rhinocéros, ni pour les gestionnaires de la faune ; elle était de plus dangereuse pour les animaux, qui supportaient mal l'anesthésie, et se retrouvaient sans aucun moyen de défense, surtout les mères. Cette mesure a été abandonnée, au profit de l'implication des populations locales dans la protection des rhinocéros.

Les trois espèces asiatiques sont inscrites à l'annexe I de la Cites depuis 1975. Les programmes de sauvegarde, également coordonnés par l'IRF, sont essentiellement concentrés sur le rhinocéros de Java et celui de Sumatra, menacés au niveau le plus critique. Le rhinocéros unicorne de l'Inde, dont les effectifs étaient tombés sous la barre des 200 individus dans les années 1980, a bénéficié de mesures de protection fortes de la part des gouvernements indien et népalais. Aujourd'hui, la population récupère (entre 2 700 et 2 850 en 2008), mais la majorité des animaux (85 % de l'effectif total) vit dans une seule réserve, ce qui rend cette population vulnérable aux épidémies.

Les mesures prises en Asie, outre une protection contre le braconnage sur le terrain, comprennent des programmes de reproduction en captivité dans le but de réintroductions ultérieures dans la nature, ainsi que la mise en place d'une médecine vétérinaire performante spécialisée dans les rhinocéros. Les populations locales sont également impliquées dans ces actions, et des programmes d'éducation sont organisés à destination des enfants.