Victor Vasarhelyi, dit Victor Vasarely

Peintre hongrois naturalisé français (Pécs 1906-Paris 1997).

Lorsqu’il quitte la Hongrie en 1930, Vasarely a déjà absorbé « tout ce que la culture abstraite avait créé à ce moment-là ». En 1929-30, les cours de l’« Atelier », réplique hongroise du Bauhaus, lui ont fait découvrir l’importance du Stijl et de Moholy-Nagy aussi bien que celle de Kandinsky, de Le Corbusier, de Malevitch et de Lissitski. Arrivé à Paris, il doit se consacrer à des travaux publicitaires tout en s’attaquant à une longue tâche : dresser une grammaire des possibilités formelles et graphiques, dans la lignée des enseignements de Johannes Itten, de Moholy-Nagy et de Josef Albers. Tout en restant figuratif, il se préoccupe déjà d’effets optiques et cinétiques, se livre à des exercices systématiques sur le cube axonométrique (ambigu dans le plan par l’absence de perspective déformante) et à des études graphiques à deux dimensions dominées par les rayures et des damiers (arlequins, échiquiers, martiens, forçats, tigres, zèbres). Une période qu’il nomme lui-même des « fausses routes » (1939-1947), « dans les parages du symbolisme, du postcubisme, du surréalisme et de la peinture gestuelle », s’achève par la véritable révélation de l’art abstrait, lorsqu’il reconnaît que « la forme pure et la couleur pure peuvent signifier le monde ».

Vasarely atteint, au cours de nouvelles périodes de recherche qui se chevauchent entre 1947 et 1960 (période « Denfert » [Chillan, 1952, Museu de Moderna Arte de São Paulo], période « Belle-Isle », période « Cristal » [Hokkaido, 1950-1955]), à un mode d’expression où formes et couleurs se définissent mutuellement : « La forme n’existe que différenciée par une qualité colorée, et la couleur que délimitée en une forme. » Ses travaux se développent dans deux directions parallèles : d’une part la monumentalité (telles les trois « intégrations architectoniques » pour la Cité universitaire de Caracas en 1954 : Hommage à Malevitch, Sophia et Positif-Négatif) et d’autre part le cinétisme, qui vise à animer la surface de la toile ou du mur, ou encore les faces d’une sculpture, d’un mouvement illusoire (réel chez d’autres artistes).

Parti de ses « photographismes » des années 50 (agrandissements de petits dessins linéaires en noir et blanc : Manipur, 1952-1960), Vasarely réalise des « œuvres profondes cinétiques » (jeux d’écrans successifs translucides, tel Biforme de 1954) et crée des « grilles » en noir et blanc où les lignes se coupent selon des orthogonales ou des obliques, se combinent avec des rectangles, s’associent à des cercles (Germinorium, 1959). De nombreux artistes d’avant-garde avaient déjà travaillé sur le mouvement et l’illusion optiques (v. cinétique [art]) ; mais Vasarely recherche la systématisation de nouvelles possibilités à partir d’un vocabulaire de base constitué du carré, du cercle et de leur transformation en losange et en ellipse. De taille uniforme et multipliés régulièrement sur la surface, ces éléments aboutissent à des sortes de trames cinétiques (Eridan III, 1956, Detroit Institute of Arts). Bientôt réapparaît la couleur (Our-Mc, 1963). Alphabet de formes élémentaires et gamme de couleurs avec leurs tons dégradés constituent une vaste combinatoire baptisée « folklore planétaire », aux virtualités infinies.

Les « unités formes-couleurs » sont codifiées en carrés (carrés-fonds portant un noyau-forme) qui peuvent être fabriqués industriellement et donc s’intégrer facilement dans l’architecture ou être édités en « multiples ». La méthode définie par l’alphabet des formes-couleurs est encore approfondie avec l’exploration des effets obtenus par l’organisation structurée des unités et la permutation interne de leurs éléments au sein d’une même composition (Zett, 1966, musée d’Art contemporain, Montréal). Enfin, aisément codifiables et donc programmables, les unités ouvrent la voie à l’introduction de l’art dans l’univers de la cybernétique.

Vasarely s’attache également à l’étude de l’hexagone, qui devient cube en perspective et aboutit aux compositions « tri-dim », puis « bi-dim » lorsque le trompe-l’œil est appliqué à des volumes réels. Simultanément, il redonne dans certaines œuvres une prépondérance au trait (en hongrois vonal : Vonal Zceld, 1968). Puis la rigueur de l’alphabet de formes est infléchie au profit de solutions graphiques qui figurent des gonflements, des pulsations d’un effet beaucoup plus baroque (Véga-WA-3, 1968), qui entendent évoquer les rythmes de l’univers (ces compositions sont nommées structures universelles). L’artiste retrouve là les préoccupations philosophiques et humanistes qui animent sa démarche (voir ses écrits, tels : Notes, réflexions de Vasarely, 1964 ; Plasti-cité, l’œuvre plastique dans votre vie quotidienne, 1970 ; Notes brutes, 1973 ; Folklore planétaire, 1973) et qui justifient la création d’un « musée didactique Vasarely » au château de Gordes (1970) ainsi que la construction, à Aix-en-Provence, d’une fondation vouée à l’embellissement de l’« environnement artificiel » et à l’information audiovisuelle (1976). À la fois produit exemplaire et homme d’action de l’époque moderne, proche des structuralistes et des penseurs de la cybernétique (Abraham Moles), Vasarely exprime entièrement un certain monde. C’est dans cette mesure précise qu’il est fortement admiré et imité, ou violemment critiqué.

Il est représenté dans de nombreux musées d'art moderne. Une exposition Vasarely, 50 ans de création a été présentée à Lausanne, musée Olympique, en 1996, et à Libourne, M. B. A., la même année.