Leonard Joseph, dit Lennie Tristano

Pianiste de jazz américain (Chicago 1919-New York 1978).

Totalement aveugle depuis 1928, il s'installe en 1946 à New York, où il ouvre en 1951 un studio, afin d'y enseigner ses théories à une poignée de disciples. Parmi eux, on peut citer les saxophonistes Lee Konitz et Warne Marsh, le guitariste Billy Bauer et le contrebassiste Arnold Fishkin. Il ne se produit qu'exceptionnellement et n'enregistre sous son nom que deux albums (1955 et 1962). Sa musique est d'une rare exigence où l'intelligence le dispute à la sensibilité. Parmi ses enregistrements, il faut citer : On a Planet (1947), Intuition (1949), Requiem (1955).

Alors que la révolution be-bop bat son plein dans les cabarets de la 52e Rue de New York, Tristano élabore à Chicago un vocabulaire différent de celui des pères fondateurs du mouvement. Aveugle à neuf ans, il travaille le piano et quelques instruments à vent, poursuit conjointement ses études au Conservatoire d'où il sortira en 1943 avec les diplômes de piano et de composition, ayant manifesté un profond attachement à Bach, son intérêt pour les œuvres de l'école viennoise et pour Bartók. Il enseigne ensuite, mettant au point une méthode qui fera de lui le plus grand pédagogue de l'histoire du jazz. Il développe un point de vue théorique et analytique sur l'évolution du jazz et la musique de Parker qu'il admire. Il se produit également comme pianiste en développant des idées nouvelles, se voyant consacré par un critique « père-confesseur de tout ce que la ville compte de musiciens d'avant-garde ».

Établi à New York en 1946, il poursuit son enseignement riche en innovations quant à l'harmonie, au tempo, au phrasé, offrant ainsi au be-bop une alternative, un prolongement plutôt qu'une rupture, qui ouvrira les portes au jazz cool de la côte ouest. Élu « musicien de l'année 1947 », il présente deux études dans lesquelles il écrit que le bop est un moment essentiel dans l'évolution du jazz, mais que les jeunes musiciens, en se contentant de répéter les clichés de leurs maîtres, risquent de faire s'éteindre ce qui faisait la richesse de la musique de Parker et de Gillespie.

Tristano joue aux côtés de Parker (1947), est élu « meilleur pianiste de l'année 1948 » et, en 1949, enregistre en compagnie de ses élèves et disciples, le guitariste Bill Bauer, les saxophonistes Lee Konitz et Warne Marsh, quelques chefs-d'œuvre, dont Intuition et Yesterdays (improvisations libres sans et sur canevas harmonique), qui anticipent le free jazz des années 1960. Il ouvrira un studio d'enregistrement où, à partir de 1955, il utilise pour des improvisations le procédé du ré-enregistrement avec surimpression de plusieurs parties de piano possédant chacune sa propre évolution métrique, certains passages étant joués en 9/8 et 13/8.

Les caractéristiques de son style : renouvellement thématique, voire suppression du concept de thème, liberté rythmique, abandon des symboles expressionnistes, travail sur le son, ont valu à sa musique les accusations d'intellectualisme, de froideur, d'abstraction, là où il y avait rigueur, exigence et inspiration ; tout ce qu'il faut pour faire de lui un jazzman à part entière.