Henri Ducrotay de Blainville

Naturaliste français (Arques 1777-Paris 1850).

Né dans une famille de la noblesse normande, il perd de bonne heure son père, et il est élevé par les moines bénédictins. À dix-neuf ans, il vient étudier la peinture à Paris, où il dissipe rapidement son patrimoine. Les relations qu'il a nouées avec des hommes de science le conduisent à changer fondamentalement d'orientation. Il étudie d'abord la médecine et il est reçu docteur en 1808, puis il se consacre avec ardeur à l'histoire naturelle au Muséum. Cuvier le remarque et le choisit comme suppléant pour son cours au Collège de France, avant de lui faire obtenir en 1812 la chaire d'anatomie et de zoologie à la faculté des sciences de Paris. Mais Blainville, d'un caractère ombrageux, persuadé de sa supériorité intellectuelle, ne tarde pas à se brouiller avec son ancien maître. Les deux hommes en viennent à se livrer une guerre ouverte, chacun d'eux cherchant à nuire à la réputation scientifique de l'autre. Ils s'opposent notamment sur la façon de classer les animaux. Cuvier a fondé sa classification sur les caractères anatomiques. Pour établir la sienne (Prodrome d'une nouvelle distribution du règne animal, 1816), Blainville se fonde sur la forme extérieure de l'animal qui, selon lui, constitue un caractère essentiel et primordial. Sa classification – on devrait plutôt dire ses classifications car il y en aura plusieurs – est parfois curieuse. Pour faire coïncider plus étroitement ses théories avec la réalité scientifique, il crée la classe, fictive, des « malentomozaires », rassemblant les chitons et les cirrhipèdes… Pourtant, sa classification a aussi ses mérites : elle sépare, par exemple, définitivement les amphibiens (grenouilles et salamandres) des reptiles et les place dans une cinquième classe.

En 1825, Blainville entre à l'Académie des sciences malgré l'opposition de Cuvier. En 1830, il est nommé professeur au Muséum, à la chaire des Mollusques, des Zoophytes et des Vers. En 1832, il occupe la chaire d'anatomie comparée que la mort de Cuvier vient de laisser vacante. Son ouvrage fondamental (Ostéographie, 1839) est resté incomplet : une trentaine de mammifères seulement y sont traités. L'auteur rejette résolument la théorie transformiste de Lamarck et de Geoffroy-Saint-Hilaire. « Il est impossible d'admettre, écrit-il au sujet de formes fossiles, qu'elles puissent être considérées comme une forme primitive de quelques espèces actuelles qui n'en seraient ainsi qu'une transformation. » Il est donc fixiste, comme Cuvier. Mais, alors que celui-ci explique les changements de faune par des cataclysmes, les « révolutions du globe », Blainville refuse d'admettre la formation d'espèces nouvelles puisque, pour lui, il y a eu une création initiale unique et complète. Le seul changement intervenu depuis est la disparition de certaines espèces. Celle-ci n'est pas liée à des catastrophes naturelles mais au développement des prédateurs et à l'homme lui-même. Ainsi la création va-t-elle en s'appauvrissant.

La théorie fixiste était déjà peu crédible du temps de Blainville. Un an avant sa mort, en 1849, on avait déjà recensé quelque 27 000 espèces fossiles différentes des espèces actuelles. Blainville (qui a baptisé paléontologie la science des fossiles) a pourtant eu le mérite de montrer que les formes fossiles fournissent les intermédiaires manquant entre les espèces. Par ailleurs, sa définition de l'animal comme « organisation » ajustée au milieu n'est pas éloignée du concept moderne d'« adaptation ». Enfin, il a joué un rôle important dans le mouvement des idées au xixe siècle.

La série animale de Blainville

La série animale de Blainville



La théorie de la série animale tient une place centrale dans l'œuvre de Blainville. Il prétendait avoir établi sur des bases définitives la loi suprême permettant de comprendre le système du monde vivant. Pour lui, les animaux forment à l'origine une suite ininterrompue d'êtres qui deviennent de plus en plus sensibles au fur et à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie de cette « série ». C'est en effet la sensibilité qui devait servir à mesurer le degré d'animalité. Blainville pensait que les lacunes constatées, les intervalles séparant les groupes étaient remplis autrefois par des animaux disparus. La découverte de nouveaux fossiles devait progressivement faire apparaître l'harmonie de la création primitive. On sait que la paléontologie – c'est Blainville qui baptisa ainsi la science des fossiles – n'a pas ratifié cette théorie d'un monde animal linéaire.