transition démographique

Foule
Foule

Passage, généralement non simultané, de taux de natalité et de mortalité élevés à des niveaux sensiblement plus faibles.

DÉMOGRAPHIE

La transition démographique est le passage d'une population caractérisée par une forte natalité et une forte mortalité à une population caractérisée par une faible natalité et une faible mortalité.

Constat : une croissance exponentielle

L’« ordre naturel » : la croissance de la population jusqu'au xviiie s.

Jusqu'à la fin du xviiie s., et à quelques rares exceptions près (périodes de très forte natalité ou au contraire de très forte mortalité), l'évolution démographique de l’humanité s'est, semble-t-il, effectuée selon un mécanisme immuable, selon un « ordre naturel » : une forte natalité et une forte mortalité que l'homme n'avait aucun moyen de contrôler, ont conduit à une croissance démographique extrêmement lente. Puis des facteurs favorables ou défavorables ont ébranlé ce régime de fond et provoqué soit un accroissement, soit une stagnation, voire une régression, de la population.

La révolution néolithique, avec le développement de l'agriculture et de l'élevage, est à l'origine d'une véritable explosion démographique, puisqu'elle a fait passer la population mondiale de 15 millions à 150 millions d’habitants, soit un décuplement entre le début et la fin du IVe millénaire avant J.-C. Après cette époque, qui a profondément bouleversé l'histoire de l'humanité, la croissance démographique reprend son cours, mais connaît d'importants soubresauts dus à la survenue, parfois concomitante, de périodes de famine, d'épidémies et de guerres.

Rappelons que l'épidémie de peste noire, qui a ravagé l'Europe au xive s., a eu des conséquences désastreuses sur le plan démographique : on estime en effet que, entre 1348 et 1400, la population de l'Europe a été amputée d'environ un tiers de ses effectifs. Cette crise, aggravée par des famines, a laissé des traces profondes dans la conscience collective. Elle a cependant été surmontée, puisque, à la Renaissance, la population de l'Europe est plus élevée qu'avant la peste noire. Le début du xviie s. est marqué par une série de famines, en particulier en France et en Espagne, qui constituent le plus puissant modérateur de la croissance démographique : en témoigne la grande famine due à la maladie de la pomme de terre qui, en 1846, a réduit de moitié la population de l'Irlande et accéléré l'émigration vers les États-Unis.

L'accélération de la croissance démographique

En 1700, la population mondiale est estimée à 800 millions d'habitants, en 1800 à 900 millions, et en 1900, ce nombre atteint 1,6 milliard, soit un doublement en deux siècles. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, le film de la croissance démographique connaît une brusque accélération. En 1950, la population mondiale s'élève à 2,5 milliards et, en 1987 à 5 milliards, ce qui signifie qu'elle a doublé en 37 ans seulement : selon les projections des Nations unies, un nouveau doublement devrait avoir lieu avant la deuxième moitié du xxie s. (10 milliards d'individus prévus en 2050). Ainsi, entre 1950 et 2050, la population mondiale devrait subir, fait unique dans l'histoire de l'humanité, deux doublements (de 2,5 milliards à 10 milliards d'individus) de ses effectifs.

Comment expliquer cette accélération extraordinaire de l'évolution démographique et cet accroissement vertigineux si l'on songe que 15 siècles ont été nécessaires pour que la population mondiale double entre l'époque du Christ (250 millions) et le temps de la Renaissance (500 millions) ? Sur quoi se fondent les projections qui prévoient une stabilisation de la population mondiale en 2150 ?

Explication : la transition démographique

La théorie : un processus en trois phases

L'explication réside dans la transition démographique, théorie proposée pour rendre compte de l'expansion européenne depuis le xviiie s. Elle est énoncée par Adolphe Landry en 1934 : « Sous l'effet de profondes transformations économiques et sociales, toute population est appelée à passer, à un certain stade de son histoire, d'un équilibre entre haute fécondité et haute mortalité à un nouvel équilibre entre basse fécondité et basse mortalité. »

Selon cette théorie, la transition démographique est amorcée dès lors que la mortalité d'une population baisse. Commence alors une phase intermédiaire au cours de laquelle la population garde un niveau élevé de fécondité en dépit de la baisse de la mortalité. La phase finale débute dès lors que la fécondité tend à diminuer. Les deux baisses se poursuivent en parallèle et conduisent à un nouveau régime démographique caractérisé par un équilibre entre faible fécondité et faible mortalité. La transition démographique est alors achevée.

La pratique : du comportement naturel au comportement contrôlé

Ainsi, du néolithique jusqu'à la fin du xviiie s., le régime démographique dit « naturel » prévaut.

Puis, les progrès de l'hygiène, de la médecine, l'amélioration des conditions de vie et d'alimentation induisent un mouvement de baisse de la mortalité et un accroissement de l'espérance de vie (de 25 à 35 ans entre 1750 et 1850). L'Europe commence alors sa transition démographique. Dès lors que l'on dispose de moyens de lutte efficaces contre les maladies, leur application a une répercussion quasi immédiate sur la mortalité. Il n'en va pas de même de la fécondité, qui, depuis les origines de l'homme, fait l'objet d'un véritable culte. Selon le démographe Jacques Vallin (Institut national d'études démographiques), « le culte de la fécondité, né de la nécessité de contrecarrer l'effroyable mortalité d'antan, est si fortement installé dans les mentalités qu'il continue à régir les comportements alors même que la mortalité a commencé à diminuer ».

Durant cette phase temporaire au cours de laquelle la fécondité n'est pas modifiée, la population européenne connaît une phase de croissance sans précédent (de 1 à 1,5 % par an), qui lui permet d'étendre son influence dans le monde jusqu'à le dominer. En deux siècles, entre 1700 et 1900, la part de la population européenne et nord-américaine, au sein de la population mondiale, s'accroît de 18 à 32 %. Avec la colonisation, l'Europe exerce sa suprématie sur le reste du monde.

Après un certain temps nécessaire à la prise de conscience de la baisse de la mortalité, la fécondité commence à diminuer en Europe au xixe s. ; ce phénomène se poursuit au xxe s. : les couples modifient leur comportement dans le but de contrôler le nombre et le rythme des naissances, avec des méthodes naturelles d'abord, puis avec les techniques modernes de contraception apparues dans les années 1960. Cette étape finale de la transition démographique se traduit par un nouvel équilibre entre fécondité et mortalité. Elle conduit, en Europe, à une augmentation remarquable de l'espérance de vie à la naissance, 75 ans en moyenne, et à un indice de fécondité qui se situe autour de 2 enfants par femme, indice minimal pour assurer le renouvellement des générations.

La généralisation du modèle : au-delà de l’Europe

La diffusion très rapide des progrès en matière de prévention et d'hygiène induit, dès les années 1950, une baisse plus rapide, dans les pays non européens, de la mortalité. Le maintien d'une fécondité très élevée conduit à une phase d'expansion démographique. Cependant, le fort taux de croissance dans les pays en voie de développement (PVD), de l'ordre de 2 à 4 % par an, conduit à une véritable explosion démographique, qui rend compte très largement du doublement de la population mondiale en moins de 40 ans. En effet, entre 1950 et 1987, la population des pays industrialisés augmente de 40 %, contre 120 % pour celle des PVD.

Ces pays ont amorcé leur transition démographique, mais à un rythme beaucoup plus rapide qu'en Europe. La période transitoire est beaucoup plus brève car, contrairement aux couples européens, les couples des PVD ont eu d'emblée à leur disposition des méthodes de contraception moderne, ce qui leur a permis de contrôler de manière efficace et rapide leur fécondité. Cette situation explique que, dès les années 1970, le mouvement de baisse ait pu commencer dans les pays en développement.

La première enquête mondiale sur la fécondité, effectuée en 1972, a révélé le phénomène de baisse rapide et générale de la fécondité dans les PVD. À l'exception notable de l'Afrique subsaharienne, cette tendance est constatée dans des pays aussi pauvres que le Bangladesh, ce qui tend à prouver que la baisse de la fécondité est indépendante de l'évolution socio-économique.

L'enquête a permis d'identifier plusieurs facteurs influençant la fécondité: de loin le plus important est le recours à un moyen contraceptif facilité par les programmes de limitation des naissances mis en œuvre dans la grande majorité des pays ; ensuite viennent l'âge du premier mariage, l'espacement entre les naissances et la pratique de l'avortement. La baisse de la fécondité est d'autant plus marquée que les méthodes de contraception sont accessibles, que la mortalité infantile baisse, que le niveau d'éducation des femmes et l'âge du mariage s'élèvent, et que les femmes habitent en ville.

Perspectives : croissance ou vieillissement ?

Une possible stagnation de la population mondiale

Parallèlement, la croissance démographique mondiale s'est ralentie. Entre 1970 et 1991, la fécondité est passée globalement de 6 à 3,9 enfants par femme, soit une baisse de 30 %, et se situe à la fin du xxe s. à 3,3 enfants. Cette tendance démographique permet de faire des hypothèses sur les perspectives d'évolution de la population mondiale. Ainsi, le catastrophisme des années 1960 qui se fondait sur de simples extrapolations d'une croissance annuelle de 2 % n'est plus de mise et, en 1982, les experts des Nations unies ont fait état, pour la première fois, d'une possible stabilisation de la population mondiale à 11,5 milliards en 2150. Cette perspective se fonde sur l'hypothèse d'une baisse continue de la fécondité jusqu'à atteindre 2,1 enfants par femme en 2050, soit à un niveau assurant le strict renouvellement des générations. Dans ce schéma, l'accroissement de population dans les PVD devrait se poursuivre jusqu'en 2020 environ, et entamerait ensuite une baisse. Cependant, la croissance zéro ne serait pas atteinte avant le premier quart du xxiie s. D'autres hypothèses sont concevables et conduiraient soit à une nouvelle croissance soit à une régression de la population mondiale.

Selon le démographe Alfred Sauvy, les populations n'ont d'autre choix que de croître ou de vieillir. Toute population qui subit une transition démographique vieillit inéluctablement. C'est pourquoi le vieillissement qui touche déjà les pays développés n'épargnera pas les PVD. En effet, en réduisant la base de la pyramide des âges et la proportion de jeunes dans la population, la baisse de la fécondité exerce une plus grande influence sur le vieillissement que la baisse de la mortalité. Ainsi, plus la transition sera rapide et la baisse de fécondité brutale, plus le vieillissement d'une population sera précoce.

De graves déséquilibres régionaux

Le contraste est saisissant entre l'Europe et le reste du monde : d'un côté, on assiste à une sorte d'implosion d'un monde riche et vieillissant avec un taux de fécondité si bas qu'il compromet le renouvellement des générations ; de l'autre, des pays jeunes, pauvres, et dont l'explosion démographique mal contrôlée (le réservoir de croissance démographique des PVD est tel que la quasi-totalité de l'augmentation de la population mondiale au cours de la première moitié du XXIe siècle prendra place dans ces pays) annihile provisoirement les progrès du développement socio-énomiques et met en péril l'environnement. Le rapport démographique entre le Nord et le Sud est de 1 à 3, mais, si l'on s'en tient aux prévisions des Nations unies fondées sur une stabilisation de la population, il devrait passer, en 2050, de 1 à 6. Ainsi, la répartition de la population mondiale devrait connaître une transformation très profonde qui influencera de manière majeure les relations et les équilibres politiques et économiques entre les peuples.