LittératuresLes années se suivent et se ressemblent... Comme en 1991, la première rentrée des lettres étrangères s'est en effet placée sous le signe de Vladimir Nabokov, dont Gallimard a publié des Lettres choisies 1940-1977, à la vérité plutôt décevantes, et le premier volume d'une biographie consciencieuse, signée Brian Boyd, les Années russes. De son côté, Grasset offrait un pur chef-d'œuvre de cruauté avec Rire dans la nuit, roman de Nabokov d'abord écrit en russe puis réécrit en anglais par les soins de l'auteur. Pour rester dans le même ordre de qualité, La Différence a poursuivi la publication des Nouvelles complètes de Henry James, comblant ainsi une lacune pour le moins étrange. Grand écrivain lui aussi, mais aux antipodes de James, le vibrionnant Ezra Pound s'est rappelé à notre attention par la parution d'une excellente biographie due à Humphrey Carpenter (Belfond) et d'un essai inédit en français, la Kulture en abrégé (La Différence). Parmi les autres grands noms, il faut citer Stefan Zweig, dont Belfond a publié un roman inachevé, Clarissa, qui reprend sur le mode romanesque l'autobiographie de l'écrivain, un recueil de nouvelles inédites, Un mariage à Lyon, et un court essai historique, Amerigo, qui démêle brillamment les raisons pour lesquelles le Nouveau Monde fut baptisé du nom du cartographe Amerigo Vespucci et non de celui de Christophe Colomb. D'une valeur inégale, ces écrits reflètent de façon émouvante l'obsession de l'échec et une sensibilité aiguë aux injustices de l'histoire. Moins connu que Zweig, un autre Autrichien, Heimito von Doderer, le « troisième homme de Vienne », a fait l'objet d'une redécouverte grâce à la réédition par Gallimard de son grand œuvre, les Démons, vaste fresque historique et sociale de l'Autriche entre les deux guerres.