Journal de l'année 1er juillet - 31 décembre 1982 1982Éd. 1982

Bourse

Le temps des blocages

La crise de confiance ouverte par la dévaluation du franc du 12 juin 1982 (Journal de l'année 1981-82) entraîne, contrairement à toutes les traditions, un fléchissement immédiat des actions françaises. La Bourse s'inquiète des mesures d'accompagnement de la dévaluation, à commencer par le blocage des prix et le gel des dividendes. Dans ces conditions, l'indice général de la Compagnie des agents de change se retrouve, à la fin du premier semestre, à un niveau légèrement inférieur à 100, sa base de fin 1981. La hausse des premiers mois de l'année s'est résorbée. La capitalisation boursière de la place de Paris est revenue au-dessous de 200 milliards.

C'est dans ce contexte morose que débute la période estivale. Au plan international, le feu brûle à nouveau au Liban. Au plan intérieur, les perspectives économiques sont jugées bien médiocres par les chefs d'entreprise, qui ont tous souligné en assemblées générales l'inéluctable dégradation de leurs marges et critiqué la politique retenue en matière de dividendes. Les vacances favorisent en outre une baisse du volume d'affaires, qui revient autour de 50 à 60 millions de F par jour pour les actions françaises cotées à terme, alors que les valeurs étrangères suscitent un regain d'intérêt, dont témoignent les niveaux de la devise-titre.

Le seul élément réconfortant est la détente des taux qui s'amorce. Le prime rate des banques américaines passe au-dessous de 16 %, le taux de l'argent au jour le jour revient à 15 % sur le marché monétaire, le taux de base bancaire est aménagé en conséquence. Cela donne un peu d'oxygène aux marchés et favorise un raffermissement de l'or.

Wall Street

Plus ou moins résistants en juillet, les cours fléchissent début août au vu de la dégradation des chiffres du commerce extérieur. Mais dans des marchés étiolés, que vient surprendre, au milieu du mois, ce que nul n'attendait plus : le réveil explosif de la Bourse américaine. En moins de trois mois l'indice Dow Jones va progresser de plus de 35 %, tandis que tombent successivement le record indiciel inscrit en 1973, dix ans plus tôt, à la fin de la guerre du Viêt-nam (Journal de l'année 1972-73), et le record des transactions avec, début novembre, un chiffre de près de 150 millions de titres échangés en une seule séance.

Cela secoue la torpeur du marché parisien, qui regagne quelque 8 % dans la seconde quinzaine d'août et repasse au-dessus de la barre des 100. Mais les raisons de poursuivre manquent, même si les taux confirment leur prudente désescalade, même si Jacques Delors présente un nouveau train de mesures sur la fiscalité de l'épargne et le développement des investissements : l'avoir fiscal doit être remplacé par un crédit d'impôt (il sera en fait conservé) ; les obligations voient confirmé leur régime fiscal privilégié et voient même relevé de 3 à 5 000 F le seuil d'exonération de leurs revenus ; les augmentations de capital des sociétés sont facilitées ; la taxation des plus-values est simplifiée et ramenée au taux unique de 15 % ; enfin, un compte d'épargne en actions est créé, qui relaiera le dispositif dit loi Monory.

Borel et Bull

Au niveau des sociétés, ce second semestre de 1982 n'apporte que peu de nouvelles majeures. Le renoncement de Bouygues à Drouot ayant dénoué sans passion un conflit déjà plus ancien, l'événement majeur de l'été est la bataille qui oppose Novotel à Sodexho pour le contrôle de Jacques Borel International. Une bataille que prolongent les procédures, et notamment la saisie de la Commission de la concurrence. Le vainqueur sera finalement Novotel, dont la participation dans Jacques Borel atteindra 84 %. L'attention se porte aussi sur Révillon, affaire entrée dans l'orbite du groupe Cora. La Bourse attend l'offre qui doit être faite aux actionnaires minoritaires, mais cette attente se prolonge avant que l'offre n'intervienne à 582 F. Offre aux minoritaires aussi avec le dénouement, en fin d'année, de l'affaire Bull. Les petits actionnaires se voient annoncer une offre d'échange leur permettant d'obtenir des obligations et de retrouver un rendement tout en respectant les usages en matière de changement de majorité. Saint-Gobain doit en effet se retirer de l'informatique, et donc de Bull, à la demande des pouvoirs publics. Mais les introductions de nouvelles affaires font toujours cruellement défaut. En attendant la mise en place du second marché annoncé pour 1983, on ne relève guère que l'apparition au hors-cote spécial de Merlin-Immobilier, qu'une agressive publicité commerciale a déjà fait connaître.

Obligations

Si les cours de la Bourse de Paris ne parviennent plus à s'écarter durablement de l'indice 100 en cette fin d'année, c'est aussi parce que la crise financière se confirme au niveau international et que le franc reste discuté. À l'extérieur, c'est le Mexique qui « fait la une », suivi par d'autres pays latino-américains, qui veulent réviser les conditions de leur endettement. Ce qui favorise le redressement de l'or. À l'intérieur, c'est la parité du franc qui est régulièrement controversée malgré la volonté fermement affirmée par le gouvernement de la défendre par tous les moyens. Un emprunt international de 4 milliards de dollars est d'ailleurs lancé à cette fin, avant qu'un appui similaire ne soit apporté par l'Arabie Saoudite. En attendant, le dollar-titre tourne autour de 8,50 F.