Journal de l'année Édition 2004 2004Éd. 2004

Columbia : seconde catastrophe pour la navette américaine

Dix-sept ans après l'explosion de Challenger, une nouvelle catastrophe spatiale endeuille les États-Unis, avec l'explosion de l'orbiteur Columbia à 63 km d'altitude, provoquant la mort des sept astronautes de son équipage.

Le 1er février, au terme d'une mission scientifique de seize jours qui s'est parfaitement déroulée, Columbia s'apprête à regagner la Terre avec son équipage de sept astronautes et, dans sa soute, le module de recherche Spacehab. L'atterrissage sur la piste du Centre spatial Kennedy, à cap Canaveral (Floride), est attendu à 14 h 16 UT. Une heure auparavant, au-dessus de l'océan Indien, l'équipage a, selon la procédure habituelle, procédé à l'allumage des moteurs pour que l'appareil, volant alors à 28 000 km/h, réduise sa vitesse, décroche de son orbite et amorce sa descente en vol plané dans l'atmosphère. À partir de 13 h 54, alors que l'engin est en plein freinage aérodynamique, les ingénieurs au sol commencent à recevoir des informations anormales : il y a d'abord une perte de données des capteurs de température dans les systèmes hydrauliques des gouvernes de l'aile gauche, puis la perte des mesures de pression des pneus sur le train d'atterrissage gauche, enfin l'indication d'une surchauffe anormale de l'aile gauche, constatée également par l'équipage. À 14 h UT (9 h en Floride, 15 h en France), les communications entre la navette et le sol s'interrompent brutalement, tandis que Columbia survole le Texas, à 63 km d'altitude, à la vitesse de 20 000 km/h. Au sol, les curieux qui suivent la course de l'engin dans le ciel observent sa désintégration : près de vingt-deux ans après sa mise en service, et au retour de son 28e vol dans l'espace, Columbia disparaît avec ses occupants en un feu d'artifice tragique.

Les causes de l'accident

Des milliers de débris (représentant environ 20 t, soit 20 % de la masse de l'appareil) sont retrouvés au sol, principalement à l'est de la Louisiane et au Texas, et rapatriés à cap Canaveral où ils sont assemblés dans un hangar, en un immense puzzle, et soigneusement examinés. Les enquêteurs procèdent également à l'étude approfondie de tous les enregistrements (radio, vidéo, radar) réalisés au cours du vol. Une analyse détaillée du comportement aérodynamique de Columbia pendant sa descente vers le sol montre que l'appareil était déjà endommagé au moment de sa rentrée dans l'atmosphère, et que du plasma à haute température a pénétré dans l'aile gauche quelques minutes avant la perte de communication. D'autres éléments indiquent que des dégâts bien plus importants se seraient produits deux à trois minutes avant la perte de contact. À ce moment, Columbia pivotait sur son axe longitudinal dans le sens inverse de celui des aiguilles d'une montre et effectuait un mouvement de lacet vers la gauche.

Différents scénarios sont envisagés pour expliquer la catastrophe. Celui considéré comme le plus probable attribue l'origine du drame à un incident survenu 81 s après le décollage et dont les responsables du vol avaient minimisé les conséquences, à savoir le choc contre le bord d'attaque de l'aile gauche d'une pièce isolante de mousse rigide d'environ 50 cm sur 40 cm et pesant 1,2 kg, détachée du gros réservoir extérieur ; ce choc aurait provoqué une brèche dans les panneaux de protection thermique. Lors de la descente de l'orbiteur dans l'atmosphère, certaines de ses parties (nez, bord d'attaque des ailes et de la dérive, intrados...) sont portées à des températures très élevées par le freinage aérodynamique : leur protection thermique est assurée par un revêtement en carbone-carbone, qui s'échauffe jusqu'à 1 650 °C, ou par un assemblage d'environ 24 000 tuiles isolantes en graphite-carbone (tuiles noires) ou en silice (tuiles blanches). Plusieurs de ces tuiles pourraient s'être détachées lorsque la pièce tombée du réservoir a percuté le bord de l'aile gauche, et cela aurait entraîné la cascade d'anomalies constatées dans les minutes ayant précédé la catastrophe. Au-delà de cette hypothèse, certains experts s'interrogent sur le rôle indirect qu'ont pu jouer dans le drame l'usure de Columbia (le plus ancien des orbiteurs de la navette, dont il avait effectué le vol inaugural, en avril 1981) ainsi que l'affaiblissement des efforts de sécurité induit par la réduction drastique du personnel affecté à la maintenance, en raison des restrictions budgétaires de la NASA. Le drame, en tout cas, est venu brutalement rappeler à l'opinion publique que, dans le domaine des vols spatiaux, la routine n'existe pas et que le risque d'accident subsiste toujours, malgré une fiabilité très élevée.