Le premier Chinois dans l'espace

Avec la mise en orbite, le 15 octobre, de son premier spationaute, Yang Liwei, un lieutenant-colonel de l'armée de l'air, qui accomplit 14 révolutions autour de la Terre à bord du vaisseau Shenzou 5, la Chine devient la troisième puissance mondiale à envoyer un homme dans l'espace quarante-deux ans après l'ex-Union soviétique.

Lancé à 1 h UT (9 h locales) de la base de Jiuquan, dans le désert de Gobi, en Mongolie intérieure, par une fusée Longue Marche-2F, le vaisseau Shenzhou (Vaisseau divin, en chinois), un engin triplace de 8,5 m de long et pesant 7,8 t qui ressemble beaucoup au Soyouz russe, est d'abord placé sur une orbite de 250 km de périgée et 350 km d'apogée, inclinée de 42,4° sur l'équateur. Suivi par un réseau de stations de télécommunications situées en Chine, en Namibie et en Océanie ainsi que par quatre navires de poursuite (deux dans le Pacifique, un dans l'Atlantique et un dans l'océan Indien), il se cale ensuite sur une orbite circulaire à 343 km d'altitude. Au terme de 14 révolutions autour de la Terre, le module orbital est largué, puis la capsule habitée entame sa descente vers le sol en freinant. À 145 km d'altitude, avant la traversée des couches denses de l'atmosphère, le module de propulsion est largué à son tour. Lorsque la capsule parvient à 10 km d'altitude, son parachute principal (d'une surface de 1 200 m2) s'ouvre. À un mètre du sol, des moteurs sont allumés pour réduire la vitesse d'atterrissage à 2-3 m/s. La capsule se pose finalement à 22 h 23 UT, à 4,8 km du point prévu, à quelque 350 km au nord-ouest de Pékin. Treize minutes plus tard, l'équipe de récupération arrive sur place. Un quart d'heure après, Yang Liwei sort de son habitacle. Jugé en parfaite santé par les médecins, il est aussitôt emmené à Pékin, où une cérémonie est organisée en son honneur.

Quatre vols automatiques préparatoires

Les dirigeants chinois saluent l'événement avec emphase, le président Hu Jintao déclarant qu'il propulse son pays « au sommet de la science et de la technologie mondiales ». De fait, ce premier vol spatial habité vient concrétiser un rêve caressé par les autorités chinoises dès les années 1960, mais abandonné au cours de la décennie suivante faute de moyens financiers, puis relancé en 1992. Minutieusement préparé, il a été précédé par quatre vols automatiques, lors desquels un mannequin simulait la présence d'un spationaute. Le premier vol préparatoire fut celui de Shenzhou 1, lancé le 19 novembre 1999 ; sa capsule effectua 14 révolutions autour de la Terre, d'une durée totale de 21 h 11, tandis que son module orbital tourna autour de la Terre pendant huit jours. Puis, le 9 janvier 2001, fut lancé Shenzhou 2 ; sa capsule fut récupérée après 108 révolutions (6 j 18 h), tandis que son module orbital tourna autour de la Terre pendant huit mois (260 j) en permettant l'exécution de nombreuses expérimentations scientifiques ou techniques. Aucune photographie de la capsule n'ayant été publiée lors de son retour, il se peut que sa récupération ait échoué. Vint ensuite Shenzou 3, lancé le 25 mars 2002 ; sa capsule effectua également 108 révolutions et son module orbital resta en orbite environ sept mois (232 j), en autorisant lui aussi de nombreuses expérimentations. Enfin, le 29 décembre 2002 fut lancé Shenzhou 4, dont la capsule effectua encore 108 révolutions, tandis que son module orbital servit de cadre à une nouvelle série d'expérimentations pendant ses quelque huit mois (254 j) de vol autour de la Terre.

Des enjeux politiques, militaires et scientifiques

Depuis 1992, la Chine aurait investi 2,3 milliards de dollars dans le programme Shenzhou (une somme modique comparée au budget annuel de la NASA, voisin aujourd'hui de 15,5 milliards de dollars). Le vol de Yang Liwei marque l'achèvement d'une première étape, caractérisée par le développement du vaisseau spatial. La seconde étape comprendra des sorties extravéhiculaires, l'amarrage entre deux vaisseaux, puis la réalisation d'une station orbitale monobloc vers 2008. Enfin, la troisième étape consistera en la construction d'une station modulaire destinée à être utilisée pendant longtemps. Dès 2004 devrait intervenir un second vol habité, avec deux taïkonautes qui resteront une semaine en orbite.