Hormis quelques grands investissements, comme le Synchrotron Soleil, et la médaille Fields attribuée au mathématicien Laurent Lafforgue, l'année 2002 n'a pas été très faste pour la recherche française.

La recherche scientifique en France

Annie Kahn
Journaliste au Monde

En effet, l'année s'est terminée par le vote d'un budget en baisse pour la recherche publique en 2003, faisant suite à une moindre croissance de la recherche privée durant l'année précédente. L'environnement aura donc paru peu favorable pour la nouvelle ministre de la Recherche et des Nouvelles Technologies, la spationaute et médecin Claudie Haigneré.

Les conjonctures économiques moroses ne sont jamais très favorables aux investissements scientifiques. 2002 n'échappe pas à la règle. Même si l'impact est cette fois-ci moindre que dans le passé. Les budgets de recherche et développement (R & D) des entreprises n'ont ainsi pas globalement baissé. Mais leur croissance s'est ralentie. Elle n'a été que de 5 % en 2001, soit deux fois moins que durant les trois années précédentes selon l'enquête annuelle réalisée par le Monde. Une tendance qui devait se poursuivre pour l'année 2002.

Il est en particulier remarquable que les entreprises du secteur de l'informatique et des télécommunications, particulièrement touché non seulement par le ralentissement économique global, mais aussi par les conséquences de l'éclatement de la « bulle Internet » l'année passée, aient maintenu, voire accru, leurs budgets. Les recherches menées dans le domaine du mobile, à l'aube de la commercialisation des téléphones de troisième génération (3G) ou UMTS (Universal Mobile Telecommunications Systems), tirent les budgets vers le haut. Ces systèmes permettront de transmettre de vrais films ou des jeux vidéo à partir ou vers des téléphones mobiles. L'autre secteur pour lequel on observe de fortes augmentations est celui d'entreprises liées à l'aéronautique et à la défense. Les menaces terroristes ont, en France comme sur le reste de la planète, fait repartir ces budgets à la hausse. Cette moindre croissance n'obérerait pas les chances de parvenir à atteindre en 2010 un niveau de dépenses (publique et privée) en recherche et développement égal à 3 % du PIB, objectif du gouvernement français après avoir été celui de l'Union européenne.

En effet, selon les dernières données calculées par l'OCDE, la dépense nationale en recherche et développement était en France de 30,15 milliards d'euros en 2000. Pour atteindre l'objectif fixé, et compte tenu des dépenses publiques budgétées, il faudrait que les entreprises accroissent leurs dépenses en R & D de 3 % en 2002 et de 6 % en 2003. La part revenant aux entreprises devrait ensuite aller croissant et rattraper ainsi le retard accumulé par rapport aux autres pays développés. Car malgré le coup d'accélérateur donné à la recherche par les firmes françaises ces dernières années, celles-ci ne participent qu'à hauteur de 56 % à l'effort de recherche national, soit beaucoup moins que dans la plupart des autres pays européens, qu'au Japon ou qu'aux États-Unis.

Laurent Lafforgue

Les « chtoucas de Drinfeld », autrement dit les « trucs » de Drinfeld (puisque chtouca signifie « truc » en russe), et la « correspondance de Langlands » : tels sont les intitulés des deux publications qui ont valu au Français Laurent Lafforgue – trente-six ans – de recevoir la médaille Fields. Une médaille partagée avec Vladimir Voevodsky, un Russe installé aux États-Unis. Si le système éducatif français n'avait pas accordé une telle importance aux mathématiques, peut-être le talent de Laurent Lafforgue dans cette discipline ne se serait-il jamais exprimé. « Je rêvais de devenir écrivain, mais j'étais très bon en maths », déclarait-il en effet au journal le Monde. Après les classes préparatoires, il entre à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et passe l'agrégation en 1986. Il entre ensuite comme chercheur au CNRS, et après un séjour à Coëtquidan en tant que professeur de mathématiques, au titre du service militaire, il revient au CNRS, et passe sa thèse en dix-huit mois. Il est le septième Français lauréat de la médaille Fields, créée en 1936 par un mathématicien canadien, après Laurent Schwartz (1950), Jean-Pierre Serre (1954), René Thom (1958), Alain Connes (1982), Christophe Yoccoz et Pierre-Louis Lions (1994).

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