L'année 2002, qui avait mal commencé pour la fréquentation, a connu une belle embellie à la fin de l'année. On estimait à 155 millions le nombre de spectateurs à la fin du mois d'octobre 2002, soit une augmentation de 4 points par rapport à 2001.

Le journal du cinéma

Raphaël Bassan
Critique de cinéma, revue Europe

En revanche, la part de marché français, stabilisée autour de 39 %, est apparue en baisse de 4 points par rapport à l'année passée. Les entrées devraient se stabiliser autour de 185 millions comme l'année passée.

On ne constate aucune surprise, cette année, comparable au Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, de Jean-Pierre Jeunet, un petit film qui devint champion du box-office. En 2002, c'est bien Astérix et Obelix : mission Cléopâtre, d'Alain Chabat, qui caracole en tête des entrées, suivi, mais en huitième position seulement, par Tanguy d'Étienne Chatiliez, un autre film français qui arrive en huitième positon. Toutefois, comme Amélie Poulain, Tanguy doit son relatif succès à son sujet, proche du quotidien et traité avec pittoresque.

Si au niveau de la production française, l'année 2002 s'avère sans vraie surprise, divers phénomènes, tels que l'émergence en masse d'un nouveau cinéma expérimental, de recherche, qui génère lui-même ses laboratoires, et, à l'autre bout, la rédaction du rapport de la philosophe Blandine Kriegel sur la violence à la télévision, qui peut handicaper le cinéma dans son ensemble, redessinent imperceptiblement, mais sûrement, le paysage audiovisuel hexagonal.

Le cinéma français

2002 marque le retour d'Isabelle Adjani dans la Repentie.
Sex is comedy décrit la fabrication d'un film pornographique.

Aucun mouvement de fond n'a caractérisé les films français de cette année, qui se sont dispatchés en une multitude d'œuvres personnelles. Le drame intimiste où la vie, envisagée comme un trajet chaotique, habite le beau film de l'acteur Jean-François Stévenin, Mischka, et le dernier opus de l'ex-Géorgien Otar Iosseliani, Lundi matin. Ces films, qui laissent les personnages dériver au gré de leurs humeurs, inventent de nouvelles formes plastiques donnant au cinéma l'équivalence de l'impressionnisme et du pointillisme pictural. On peut rattacher à ce « mini-courant » le deuxième film de l'acteur Mathieu Amalric, le Stade de Wimbledon, adapté du roman homonyme de Daniele Del Giudice. On y croise l'actrice Jeanne Balibar en voyage en Italie sur les traces fantomatiques d'un grand amateur de littérature n'ayant quasiment rien écrit, mais qui fut le mentor de divers romanciers et poètes. Une forme d'interrogation sur le désir de créer tout à fait aboutie.

Enfermée dans son image de fille lunaire, Audrey Tautou, l'héroïne d'Amélie Poulain, a eu du mal à se recomposer une personnalité. C'est chose faite avec À la folie... pas du tout, de Lætitia Colombani : les aventures d'une femme psychotique qui poursuit un homme de ses assiduités. Un rôle difficile qui prouve le talent de cette jeune actrice. L'année 2002 est celle du retour d'Isabelle Adjani dans la Repentie, de Læticia Masson. Film intrigant, jouant sur des clichés, il prend tout son sens si on l'interprète comme un documentaire, rude et sans faux-semblants, sur la star elle-même : à la dérive, déboussolée, poignante. Adjani revient, peu après, en vedette dans Adolphe, de Benoît Jacquot, d'après Benjamin Constant, un pensum pesant et académique où elle redevient la diva intouchable qu'elle s'est parfois complu à être.

Deux remarquables films d'auteur s'imposent : Wesh Wesh, qu'est-ce qui se passe ? de Rabah Ameur-Zaïmeche, et Marie-Jo et ses deux amours, de Robert Guédiguian. Le premier est un film remarquable et sans concession sur la vie dans une cité de la banlieue parisienne. Ce long-métrage montre avec acuité les mécanismes – voisinage, police, famille – qui empêchent un jeune délinquant de se réinsérer. Cinéaste engagé, Robert Guédiguian trouve une inspiration plus quotidienne en décrivant, de manière sensible et ludique, la vie d'une femme partagée entre deux hommes qu'elle aime. Le film est à la fois très physique, mais exprime, également, un grand bonheur de vivre. Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, d'Alain Chabat, s'il ne se détache pas des autres productions du même type, détourne, grâce à la superbe Monica Bellucci, la commande. Les mères qui accompagnent leurs enfants, toutes éblouies par les exploits comiques de Jamel Debbouze, ne remarquent pas les tenues plus que suggestives de la star.