Le millésime 2001 des expositions a été plutôt satisfaisant, sans événement incontournable cependant, alors que semblaient se profiler, dans la tourmente consécutive aux attentats du 11 septembre, des difficultés croissantes à réunir des ensembles notables d'artistes majeurs.

Le journal des expositions

Pascal Rousseau

Le repli sécuritaire de certains collectionneurs, publics ou privés, et, plus encore, le coût exponentiel des assurances pèsent aujourd'hui, plus qu'hier, sur le montage financier de la moindre exposition. Sera-t-il encore possible de monter des grandes rétrospectives ? On est en droit de se poser la question au moment où de nombreux commissaires d'exposition se voient de plus en plus contraints de faire des coupes draconiennes dans la sélection des œuvres.

Les couleurs du plein air

190 œuvres pour retracer l'évolution du paysage italien sur un demi-siècle

Pour s'en convaincre, il suffisait d'aller visiter, dans les galeries nationales du Grand Palais, l'exposition consacrée au paysage italien dans les toiles des peintres du plein air (1780-1830). Le thème n'est pas surprenant, mais il a le mérite de s'attarder sur une période « classique » que l'on considère trop peu souvent comme annonciatrice des enjeux formels de la modernité impressionniste. Après l'exposition « Méditerranée » en 2000, voilà donc une nouvelle enquête sur ce désir des peintres à aller chercher le soleil pour mieux capturer la valeur d'un instant de lumière. L'exposition rassemble quelque 190 œuvres et retrace l'évolution du paysage italien sur un demi-siècle, de Valenciennes à Corot. Elle permet, après plusieurs autres expositions sur les précurseurs de l'impressionnisme, de revenir sur le chemin continu qui mène vers la révolution d'Impression, Soleil levant (1871). Bien avant Monet, Manet ou Boudin, de nombreux peintres ont foulé l'herbe des prés pour aller peindre directement devant le motif. Il existe une tradition de peinture de plein air, attestée en France depuis François Desportes, mais, comme le montre cette exposition, c'est bien sous le soleil de l'Italie que s'affirme cette pratique de sortie de l'atelier, entre 1780 et 1830, une époque où l'on remet en question le dogme de l'idéalisation en atelier.

Le peintre Pierre-Henry de Valenciennes pratique ainsi très tôt l'étude d'après nature, allant jusqu'à reproduire le même site à différentes heures du jour, dans une démarche qui préfigure directement les séries impressionnistes de Monet. Même si ces paysages esquissés ne sont pas encore destinés au public, ils sont néanmoins montrés dans les ateliers où les peintres se rencontrent et discutent sur le devenir de la peinture. Le fa presto va bientôt devenir une méthode, annonçant la révolution impressionniste.

Au même moment, toujours dans l'enceinte malmenée du Grand Palais, la rétrospective consacrée à Paul Signac révélait une autre façon, plus maîtrisée, de gérer la lumière du tableau. Longtemps resté dans l'ombre de Seurat dont il fut le disciple, Paul Signac (1863-1935) a enfin droit à nouveau à une rétrospective, quelque 38 ans après la dernière exposition, qui, au Louvre, célébrait le centième anniversaire de sa naissance. En présentant au public près de 140 peintures, dessins et aquarelles, l'exposition permet d'y voir plus clair dans le travail d'un artiste, souvent traité comme un peintre trop appliqué dans l'exercice de la méthode. Signac est devenu à la mort de Seurat, en 1891, le chef de file du néo-impressionnisme, un mouvement pictural qui réagit contre la dilution impressionniste de la forme au moyen de toutes petites touches juxtaposées méthodiquement sur la surface du tableau. L'exposition montre bien comment Signac se libère peu à peu de cette division « pointilliste » pour revendiquer de plus grands aplats de couleurs qui préparent la révolution fauve de 1905.

Le néo-impressionnisme est curieusement l'une des grandes découvertes de la Saison italienne ouverte au musée d'Orsay avec l'exposition « L'art italien à l'épreuve de la modernité », un rendez-vous où sont évoquées trente années d'une histoire passionnante qui mène du symbolisme au futurisme. C'est en effet l'occasion de vérifier l'importance des leçons coloristes de Seurat et Signac sur la scène artistique italienne, avec notamment deux figures oubliées en France, Giovanni Segantini et Gaetano Previati. Tout comme en France, la touche néo-impressionniste sert à représenter un monde en transformation, où la peinture prend rendez-vous avec l'esprit du temps, même si une forte tendance symboliste s'organise pour lutter contre le prosaïsme de l'époque des masses. C'est cette tendance symboliste que l'on trouve consacrée à Orsay, avec la surprenante rétrospective Böcklin.

Figures de la passion

Böcklin : pour en finir avec le mythe d'un peintre wagnérien