Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Économie mondiale : du ralentissement à la récession

L'année économique était déjà mal engagée aux États-Unis, minée par l'effondrement des valeurs technologiques. Le ralentissement américain a atteint l'économie européenne et, après les événements du 11 septembre, l'économie mondiale semble se diriger vers un début de récession.

L'année commence mal. Le 3 janvier, le monde ne s'est pas tout à fait réveillé des fêtes célébrant le passage au IIIe millénaire qu'Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale (banque centrale) des États-Unis, annonce une baisse d'un demi-point des taux directeurs, pour les ramener à 6 %. Rien d'inquiétant a priori, la mesure est technique : en baissant le taux d'intérêt auquel les banques américaines se refinancent, la « Fed » permet à celles-ci de prêter moins cher aux entreprises qui veulent investir et aux particuliers qui entendent consommer. Mais, cette fois-ci, il semble que l'économie américaine ait bien besoin de ce petit coup de pouce. Après une décennie 1990 époustouflante qui l'a vue croître à un rythme annuel supérieur à 5 % (5,2 % en 2000), elle vient de subir « un ralentissement très spectaculaire », prévient Greenspan et, en ce début d'année, son taux de croissance « est probablement proche de zéro ».

Licenciements

Trois facteurs expliquent ce ralentissement brutal. Le cours du pétrole, d'abord : durant l'année 2000, le baril a vu son prix tripler pour culminer à 37 dollars, et on estime que cette augmentation du coût de l'énergie a grevé l'économie américaine d'un point de croissance. La politique monétaire, ensuite : en augmentant son taux directeur de 4,75 % à 6,5 % entre 1999 et 2000 pour éviter un risque inflationniste, la Réserve fédérale aurait contribué à raréfier le crédit et donc à bloquer les dépenses d'investissement et de consommation. Enfin et surtout, le crash des valeurs technologiques (sociétés de l'Internet, téléphonie mobile, etc.) a plus que joué son rôle : ce secteur, apparu dans les années 1990, avait alimenté l'euphorie économique américaine durant la décennie et avait fini par représenter à lui seul 10 % du PIB.

Jusqu'à l'automne, les autorités américaines vont tout faire pour tenter de relancer la machine. À six reprises, Greenspan répète son geste du début de l'année, ramenant le taux de la « Fed » à 3,5 %.

L'administration Bush, emmenée par le nouveau secrétaire au Trésor Paul O'Neill, obtient du Congrès le vote d'un plan de réduction d'impôts de 1 300 milliards de dollars sur onze ans, afin de favoriser la consommation. Mais rien n'y fait. Les réductions d'effectifs se succèdent dans les sociétés des nouvelles technologiques : 1 300 licenciements chez le libraire en ligne Amazon.com, 4 000 chez l'informaticien Xerox, 30 000 suppressions d'emploi chez l'opérateur de téléphone mobile Motorola, et même 49 000 chez l'équipementier téléphonique Lucent. L'économie américaine perd au total 700 000 emplois. Les cours des sociétés concernées continuent de chuter : à la fin de l'été, le Nasdaq a perdu 25 % de sa valeur du début de l'année. Quant à la croissance, elle reste bien évidemment en panne : à peine 0,7 % en rythme annuel au deuxième semestre 2001, soit la plus faible performance américaine depuis 1993.

Sombre tableau

Ce ralentissement n'est pas sans conséquences sur le reste de l'économie mondiale : durant les années 1990, les autres pays s'étaient arrimés à la croissance américaine, qui assurait à elle seule 40 % de l'expansion économique de la planète. Bien qu'elle commerce assez peu avec son voisin d'outre-Atlantique, l'Union européenne est la première touchée. Le Néerlandais Wim Duisenberg, président de la Banque centrale européenne, réagit tardivement à la faiblesse de la conjoncture, en ne baissant les taux directeurs que de 0,25 % au début du mois de mai. Le ralentissement gagne d'abord l'Allemagne, économie la plus extravertie de l'Union, qui voit ses prévisions de croissance tomber à 1,3 % et le nombre de ses demandeurs d'emplois remonter à 4 millions, bien au-delà de l'objectif de 3,5 millions affiché par le chancelier Gerhard Schröder. La France résiste tant bien que mal, mais elle doit essuyer des plans de licenciements (Danone, Moulinex...), qui marquent les consciences dans un pays hanté depuis les années 80 par le spectre du chômage de masse. Le nombre de demandeurs d'emplois remonte en mai pour la première fois depuis quatre ans et, après une année 2000 faste, les prévisions de croissance sont finalement abaissées d'un point à 2,3 %.