Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

L'OTAN désamorce la guerre en Macédoine

Après six mois de combats opposant l'armée macédonienne aux Albanais de l'UÇK, les forces de l'OTAN se déploient le 26 août en Macédoine où l'UE et l'Alliance atlantique ont parrainé l'accord politique conclu deux semaines avant par les partis slavo-macédoniens et albanais.

C'est un retour en force, mais discret, qu'opère l'OTAN le 26 août en Macédoine, en proie depuis mars à de violents combats entre Macédoniens slaves et albanais. La Macédoine, petit pays balkanique de moins de 2 millions d'habitants, partagé entre une majorité slavophone et une minorité albanophone représentant près de 30 % de la population, avait traversé les événements yougoslaves dans un calme relatif.

Une frontière poreuse

Cette paix fragile, elle l'avait due en partie à la présence d'un petit contingent américain de l'OTAN, stationné en Macédoine dès le déclenchement des conflits dans l'ex-Yougoslavie, à des fins de prévention. Les législatives de 1998 avaient aussi permis de conjurer la guerre, en associant au gouvernement de Ljubco George 5 ministres du PDA (Parti démocratique albanais, modéré), laissant espérer une prise en compte de leurs revendications. Mais la guerre du Kosovo et l'intervention de l'OTAN, l'année suivante, vont changer la donne : la création, sous la tutelle de l'OTAN, d'un Kosovo indépendant de fait, portait le risque d'encourager le nationalisme albanais en Macédoine même, qui partage une longue frontière avec le Kosovo. Une frontière d'autant plus poreuse qu'elle n'est plus sécurisée, côté macédonien, par les forces de l'OTAN. Ce vide stratégique est mis à profit par une guérilla albanaise qui reprend du service aux confins du Kosovo et du sud de la Serbie, harcelant les forces de Belgrade en vue de « libérer » la région serbe de Precevo, comptant une forte population albanaise. Très vite, les combats s'étendent au nord-ouest de la Macédoine, où l'UÇK (Armée de libération nationale) signe un attentat contre un poste de police de Tearce, à l'ouest de Skopje. Mobilisant ses réservistes, Skopje demande la tenue d'une session d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU et la création d'une zone tampon entre le Kosovo et la Macédoine. L'OTAN réagit d'abord en autorisant le 9 mars le retour de l'armée yougoslave dans un petit périmètre frontalier verrouillant le passage entre le Kosovo et le sud de la Serbie, d'ailleurs bientôt pacifié. Mais en Macédoine, les combats font rage, alimentés par les armes et les combattants venus du Kosovo et par le soutien croissant apporté par la minorité albanaise à l'UÇK.

Une « perspective européenne »

L'UE tente de négocier les conditions d'un règlement politique le 9 avril, en offrant à Skopje une « perspective européenne », économique notamment, en échange d'un processus de normalisation des relations entre les communautés surveillé par Javier Solana et par l'émissaire européen pour la Macédoine nommé en juin, François Léotard. Les parties n'y sont pas préparées. Le gouvernement de Skopje, comme l'UÇK, en appellent, chacun de leur côté, le 14 juin, à l'OTAN. Mais l'OTAN n'accepte d'intervenir que si les discussions entre les deux parties aboutissent à un cessez-le-feu qu'elle serait chargée de sécuriser. Un pari d'autant plus difficile qu'il n'y a pas de terrain pour un consensus entre le gouvernement, qui refuse tout dialogue avec les « terroristes » de l'UÇK, soupçonnée de vouloir créer une « grande Albanie » ou un « grand Kosovo » et les Albanais du PDP. Un cessez-le-feu est décrété le 5 juillet, mais il est mis à rude épreuve par les attaques de l'UÇK, qui s'empare de Tetovo les 25 et 26 juillet et ne s'en retire qu'après des négociations directes avec l'OTAN. Aux milliers d'albanophones qui s'étaient réfugiés au Kosovo succèdent les milliers de Slaves qui évacuent les régions contrôlées par l'UÇK et manifestent à Skopje, alimentant les rancœurs contre l'OTAN et exerçant des pressions sur le Premier ministre nationaliste (parti libéral, VMRO-DPMNE). Le 27 juillet pourtant, à Ohrid, les quatre partis slaves et albanais entament les négociations sous l'égide de l'UE et de l'OTAN. Elles aboutiront le 8 août à un accord politique en vue d'une révision constitutionnelle octroyant des droits supplémentaires aux Albanais. L'accord est paraphé le 13 août, ouvrant la voie à l'intervention de l'OTAN. Confiée à 3 500 soldats, britanniques pour moitié, et aussi français, allemands, espagnols, la mission d'un mois se fixe un objectif limité, qui consiste moins à rétablir la paix qu'à restaurer la confiance ; cette mission vise au désarmement volontaire de l'UÇK, dont l'arsenal (quelque 3 000 armes) serait d'ailleurs largement sous-évalué selon Skopje. Déployés à partir du 26 août, les soldats de l'OTAN se voient donner le feu vert pour poursuivre cette « collecte » par le Parlement, qui vote le 6 septembre la réforme constitutionnelle. La question du prolongement de ce mandat est ouverte avec d'autant plus d'acuité depuis les attentats du 11 septembre aux États-Unis, qui ont aiguisé la méfiance internationale envers des organisations comme l'UÇK, soupçonnée de financer son combat à l'aide de réseaux mafieux spécialisés dans la traite des femmes. L'OTAN ou l'UE pourraient se montrer utiles pour maintenir la paix dans un pays dont les élections prévues en janvier 2002 devraient être marquées par cette guerre désamorcée de justesse.