Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Commerce mondial : le Sud se rebiffe

Admis en octobre 2000 à dialoguer avec le Nord au sein du G 20, les pays émergents remettent en cause les conditions de leur intégration à l'économie mondiale. Face au protectionnisme des pays riches, ils revendiquent un renforcement du commerce Sud-Sud.

On connaissait le G 7, forum annuel réunissant depuis 1986 les chefs d'État des sept pays les plus industrialisés. Depuis le 25 octobre 2000, date de clôture de sa deuxième réunion à Montréal (Canada), on sait qu'il faudra aussi compter avec le G 20. Le groupe a été créé en septembre 1999 à l'initiative des États-Unis. Il comprend, outre les pays du G 7, onze pays émergents du Sud (Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie), ainsi que l'Union européenne et la Russie. Auparavant, les revendications du Sud étaient portées par des organisations composées exclusivement de pays en développement comme le G 24, créé en 1972 à Lima, ou le G 15 (voir encadré). Désormais s'institue avec le G 20 une instance resserrée de dialogue, où les pays émergents peuvent faire valoir leurs intérêts auprès du Nord.

À Montréal, les pays du Sud ont opposé un front uni aux propositions de l'Occident visant à impliquer son secteur bancaire privé dans la résolution des crises financières touchant les pays émergents. Invoquant des questions de souveraineté nationale, ils ont estimé qu'en l'état leur intégration à l'économie mondiale n'était plus satisfaisante. « Nos économies se sont ouvertes, et nous demandons que les pays industrialisés fassent à leur tour des efforts », plaide Celso Amorim, représentant du Brésil à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). « Nous ne remettons pas en cause la mondialisation, mais à condition qu'elle soit équilibrée. » À l'origine de ces inquiétudes, notamment, le peu d'empressement du Nord à appliquer les accords commerciaux de l'Uruguay Round. Les pays riches continuent de protéger l'accès à leur marché dans des secteurs aussi vitaux pour le Sud que le textile ou l'agriculture. Du coup, les pays en développement commencent à chercher d'autres alliances. Le président sud-africain Thabo Mbeki estime que « les relations économiques entre pays du Sud vont se développer de manière significative. Et cet essor entraînera la baisse relative des échanges Nord-Sud ». Quant au président chinois Jiang Zeming, il a appelé, lors d'un sommet Chine-Afrique en septembre 2000 à Pékin, à l'établissement « d'un nouvel ordre international politique et économique plus équitable. »

Ces intentions n'en sont pas restées au stade des déclarations. Jean Coussy, chercheur au Centre d'études et de recherche internationales, relève qu'entre 1975 et 1997 les importations sud-africaines en provenance d'Asie ont plus que doublé, passant de 14 % à 32 %. Il souligne qu'à partir de 1997 la Malaisie est devenue le deuxième investisseur en Afrique australe, juste derrière les États-Unis. Face à un Nord qui continue à dicter les règles du jeu de l'économie internationale, Coussy n'hésite pas à parler de « renaissance de l'afro-asiatisme ».

B. B.

Le G 15, grand frère du G 20

Créé en 1989, le G 15 s'est donné pour objectif de promouvoir « la coopération Sud-Sud face à la dépendance vis-à-vis du Nord dans les domaines économique, financier et technologique ». Lors de leur dixième sommet du Caire en juin 2000, ses membres (Algérie, Argentine, Brésil, Chili, Égypte, Inde, Indonésie, Jamaïque, Malaisie, Mexique, Nigeria, Pérou, Sénégal, Venezuela, Zimbabwe) ont proposé une réforme du Fonds monétaire international, accusé d'avoir administré des « remèdes inappropriés » aux crises financières de 1997 et 1998 en Amérique latine et en Asie. Soulignant le ralentissement de la croissance des pays en développement (2 % en moyenne en 1998, un rythme inférieur à celui des pays développés), ils ont réclamé « une application intégrale des accords de l'OMC, en cohérence réelle avec ses objectifs de libéralisation du commerce mondial ».