La Roumanie avance à reculons

Les élections présidentielles ramènent Ion Iliescu à la présidence roumaine le 10 décembre, au deuxième tour d'un scrutin qui opposait l'ancien communiste au leader de l'extrême droite nationaliste Vadim Tudor. Marquée par un faible taux de participation, l'élection présidentielle se doublait d'un scrutin législatif dont le résultat contraint le PDSR de Ion Iliescu, privé de majorité parlementaire, à former un gouvernement minoritaire.

Plus de dix ans après avoir renversé la dictature du couple Ceaucescu, les Roumains se débattent toujours dans les affres et les incertitudes d'une période de transition qui doit théoriquement se voir couronner par l'intégration à l'Union européenne, à laquelle la Roumanie s'est portée candidate, avec douze autres pays d'Europe centrale et orientale. En témoigne le retour aux affaires de Ion Iliescu, héros autoproclamé de la « révolution » qui mit fin à la dictature stalinienne la plus sanguinaire qu'ait connue l'Europe, et premier président de la Roumanie post-communiste et démocratique, de 1990 à 1996.

Un retour qui ne doit rien à ces vents de nostalgie qui ont balayé quelques années plus tôt cette partie de l'Europe, ramenant au pouvoir des anciens communistes plus ou moins sincèrement repentis. C'est sans enthousiasme en effet que les Roumains ont refermé une parenthèse libérale de quatre ans qui n'a guère amélioré leurs conditions de vie, pour élire Ion Iliescu à la présidence avec 70 % des voix, au deuxième tour du scrutin le 10 décembre. Le faible taux de participation – à peine plus de 50 % – montre le peu d'intérêt qu'a suscité cette élection qui a néanmoins provoqué un sursaut au deuxième tour dans l'électorat, appelé à choisir entre l'ancien responsable communiste âgé de 71 ans, timidement converti à la social-démocratie, et l'ultranationaliste Corneliu Vadim Tudor.

Une alliance rouge-brun

En vogue à l'est de l'Europe au sortir du communisme, l'alliance « rouge-brun », qui avait aussi tenté l'équipe de Ion Iliescu lors de son premier mandat, n'est plus guère d'actualité en Roumanie, où Vadim Tudor a fait une percée au premier tour du scrutin le 26 novembre, en rassemblant les mécontents, oubliés sur les bas-côtés de la route de la transition, autour de son parti « Romania Mare » (Grande Roumanie).

Entre deux maux, l'opposition de centre droit avait appelé à contrecœur à voter Iliescu, ce qui a pu creuser au deuxième tour l'écart avec son adversaire ultranationaliste, lequel, avec 30 % des suffrages, améliorait à peine son score du premier tour. Mais, s'il est pour l'instant libéré de la menace d'une extrême droite avec laquelle une coalition est exclue, le nouveau pouvoir ne peut non plus compter sur les autres acteurs de la scène politique roumaine pour former un gouvernement qui sera nécessairement minoritaire.

Des législatives à haut risque

Le scrutin présidentiel se doublait en effet d'élections législatives qui n'ont pas permis au Parti de la démocratie sociale (PDSR) d'Iliescu, principale formation issue de l'ancien Parti communiste roumain d'obtenir la majorité des sièges au Parlement de Bucarest.

Avec près de 40 % des suffrages, le PDSR est certes la première formation du Parlement bicaméral, mais il a dû se contenter d'un pacte provisoire de non-agression avec les libéraux (PNL) de Théodor Stolojan et les démocrates (PD) de Petre Roman avec lesquels il cherchait à faire alliance. Cette solitude sera d'autant plus pesante pour les anciens communistes roumains qu'ils devront gouverner sous la pression constante de Romania Mare, devenue la deuxième force du Parlement avec plus de 22 % des voix. Car le parti de Vadim Tudor ne devrait pas manquer d'exploiter les nombreuses et profondes frustrations des Roumains qui attendent au tournant de ce nouveau mandat présidentiel Ion Iliescu. La marge de manœuvre du nouveau président de la République est d'autant plus étroite qu'il doit impérativement mettre en œuvre des réformes qui seront forcément impopulaires.

En panne de réformes

Engagée sur les rails d'une intégration à l'Union européenne, la Roumanie doit plus que jamais procéder à une restructuration radicale de ses institutions que Ion Iliescu n'avait que trop tardé à moderniser lors de sa précédente présidence, qui péchait par excès d'immobilisme.