Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Sommet européen de Nice : un accord, faute de mieux

Les Quinze chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne, réunis en sommet à Nice depuis le 7 décembre, ont joué les prolongations jusqu'à la nuit du 10 au 11 décembre pour dégager un accord sur la réforme des institutions européennes, indispensable à l'élargissement de l'Union. Un accord « a minima » qui aura évité de justesse l'échec de ce dernier sommet sous présidence française.

En prenant la présidence de l'Union européenne le 1er juillet, la France se faisait fort de mener à bien la réforme des institutions, en souffrance depuis trois ans et devenue indispensable alors que prend forme le processus d'élargissement à l'Est. Le président J. Chirac donnait le ton dans un discours enflammé le 4 juillet devant le Parlement européen, où il exaltait la mission historique dévolue à la France à l'occasion de cette présidence.

Le 12 décembre, J. Chirac adoptera un ton nettement plus mesuré et modeste dans son intervention devant les députés européens, pour leur part beaucoup plus critiques à l'encontre de la présidence française accusée de ne pas avoir été à la hauteur des ambitions affichées.

Six mois séparent les deux prestations du président français à Strasbourg, six mois d'une présidence européenne jugée « arrogante » et égoïste par les partenaires de la France qui ne manquent pas non plus d'ironiser sur le grand déballage de la cohabitation, qui s'est traduit par une diplomatie à deux voix. Six mois d'une présidence dont le sommet de Nice, du 7 au 11 décembre, loin d'en être le couronnement, lui portera l'estocade, en déchaînant contre la France une pluie de critiques.

Prolongations

Les quinze chefs d'État et de gouvernement de l'UE réunis à Nice ont dû jouer les prolongations pour parvenir à cet accord tant attendu sur la réforme des institutions européennes, taillée sur mesure pour une Europe élargie aux 13 pays candidats, dont la première vague devrait être admise à l'horizon 2005.

Il est 4 h 20 du matin, le lundi 11 décembre sur la Promenade des Anglais, qui méritait pour la circonstance d'être rebaptisée « promenade des Allemands », tant les rivalités franco-allemandes auront dominé les débats, quand M. Chirac annonce qu'« il y a accord sur le paquet global ». Un constat dont le laconisme en dit long sur l'amertume ressentie au sortir de trois jours et une nuit d'un sommet dont on retiendra surtout qu'il a été le plus long de l'histoire communautaire. Pour le reste, la tournure des débats ne fait guère honneur à l'UE, dont les membres se sont déchirés avant de s'entendre sur un accord « a minima » évitant de justesse un échec qui aurait pu être fatal pour la construction d'une Europe dont l'architecture reste encore à définir.

À Nice, le débat sur « l'avenir de l'Europe », que M. Chirac appelait de ses vœux en juillet, en soulignant la nécessité de « fixer un cap » et de regarder « un peu plus loin que les échéances immédiates » s'est perdu dans les querelles de chiffres et les calculs d'apothicaires concernant le poids des pays européens dans les prises de décision, cette fameuse pondération des voix au Conseil des ministres qui sera le sujet clé de ce sommet et sur laquelle s'entredéchireront les participants, après le semblant d'unité auquel a donné lieu la proclamation de la Charte des droits fondamentaux. Alors que la France revendique la parité au sein d'un couple franco-allemand malmené par les exigences de décrochage de l'Allemagne au nom de son poids démographique dans l'Union, elle est accusée de la brader quand sont en jeu les relations avec les petits pays européens, dont la Belgique cristallisera la rancœur contre le traitement « au rabais » qui leur est réservé.

Exception culturelle

Si M. Chirac avait pour ambition de regarder au-delà d'une présidence française ayant vocation à « éclairer l'avenir », le sommet de Nice, embourbé dans les détails de procédures, semble donner davantage raison aux préoccupations plus prosaïques de M. Jospin, et fera dire au président de la Commission européenne Romano Prodi que les objectifs atteints sont « quantitativement importants mais qualitativement insignifiants voire nuls ».