Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Congo-Kinshasa : le long chemin de la paix

Trois ans après avoir renversé Mobutu Sese Seko, son successeur, Laurent-Désiré Kabila, lutte aujourd'hui à son tour contre des forces rebelles appuyées par ses anciens alliés rwandais et ougandais. Kinshasa bénéficie de son côté du soutien du Zimbabwe, de l'Angola et de la Namibie. Ce conflit devenu régional est d'autant plus difficile à régler que les intérêts de chacun des alliés, au sein de chaque camp, ne sont pas toujours identiques.

Mort et enterré un jour, ressuscité le lendemain, le processus de paix de Lusaka, du nom de la capitale zambienne où a été signé, en juillet 1999, l'accord de cessez-le-feu en République démocratique du Congo (RDC), continue de connaître une existence cahotique. Le 23 août, le président Laurent-Désiré Kabila annonçait son intention de suspendre l'application de l'accord de Lusaka et d'entamer des négociations séparées avec le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, soutiens des forces rebelles. Le 24, le même président Kabila déclarait qu'il autorisait finalement le déploiement de 5 000 Casques bleus dans son pays, en application de la résolution de l'ONU du 24 février relative à l'observation de l'accord de Lusaka.

L'origine du conflit

Le conflit trouve son origine dans la révolte contre le régime de Laurent-Désiré Kabila, en août 1998, dans la province de Kivu, des soldats banyamulenges – Congolais tutsis d'origine rwandaise. C'est de cette même région de l'est du pays qu'était partie la rébellion, soutenue par les Banyamulenges, le Rwanda et l'Ouganda, qui avait abouti à l'éviction du président Mobutu Sese Seko, en mai 1997. Les Banyamulenges accusaient à présent le président Kabila de ne pas avoir tenu sa promesse de leur céder le contrôle du Kivu. Le Rwanda et l'Ouganda dénonçaient, quant à eux, depuis plusieurs mois, l'incapacité de Kinshasa à mettre fin aux agissements des rébellions dirigées depuis le Kivu contre les régimes de Kigali et de Kampala. Un mois plus tôt, le président Kabila avaient rompu avec ses anciens alliés en ordonnant le retrait des troupes étrangères du territoire de la RDC.

La progression des rebelles en direction de la capitale allait être arrêtée dans le courant du mois grâce à l'aide des troupes zimbabwéennes et angolaises venues aider la RDC à « rétablir la paix et la stabilité ». Les rebelles se repliaient alors sur leurs positions dans l'est et le nord du pays, avec Kisangani comme quartier général. Ils les occupent toujours.

Le sommet entre les belligérants convoqué par la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) dans la capitale zambienne les 14 et 15 août pour relancer le processus de paix s'est soldé par un échec. L'intransigeance du président Kabila, qui a continué d'exiger le retrait des forces rwandaises et ougandaises du territoire de la RDC en préalable à l'application de sa propre part de l'accord, n'a permis aucune avancée. Le président de la RDC n'a pas voulu céder sur deux points essentiels dans la poursuite du processus de paix : la sécurité des Casques bleus dont le déploiement est prévu, dans le cadre de la Mission de l'ONU au Congo (Monuc), par l'accord de Lusaka ; et le choix de l'organisateur d'une conférence multipartite sur l'avenir politique du pays, également prévue par l'accord de cessez-le-feu.

La situation militaire pouvait expliquer la position de Laurent-Désiré Kabila. Les troupes gouvernementales, qui étaient passés à l'offensive contre les positions du MLC dans le nord du pays, avaient remporté un certain nombre de succès sur le terrain. Kinshasa nie évidemment les accusations de violations du cessez-le-feu : les forces régulières n'auraient fait que reconquérir des positions occupées par les rebelles après la signature de l'accord de Lusaka.

« Repenser » le rôle de l'ONU

Au lendemain de l'échec du sommet de Lusaka, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a estimé que le Conseil de sécurité devait « repenser » le rôle de la Monuc dans le conflit congolais, qui n'est « pas clair » selon lui, et a recommandé de proroger d'un mois, au lieu de six habituellement, le mandat de la mission onusienne. Jusqu'alors incertain, le déploiement des 5 000 Casques bleus devenait en effet plus qu'improbable. Rejeté par le président Kabila, il n'était pas non plus souhaité par les autres pays impliqués dans le conflit, que ce soit auprès des troupes régulières ou aux côtés des forces rebelles. « Au bout de deux ans de guerre, résumait un diplomate occidental, ces pays ont réussi à couper, de facto, la RDC en deux, et ils sont en train de piller tranquillement ses richesses sans subir de pertes militaires importantes. Alors pourquoi mettre fin au conflit ? »