La longue épopée de la station Mir

Quatorze ans après son lancement, la station Mir a encore été occupée en l'an 2000 par deux cosmonautes qui y ont séjourné près de deux mois et demi. Mais c'est aujourd'hui une station en sursis. Après avoir été longtemps le fleuron de l'astronautique soviétique, puis russe, grâce auquel l'homme a acquis une véritable expérience des vols de longue durée dans l'espace, ce « train orbital » manifeste des signes évidents de vieillissement et est devenu une charge financière trop lourde pour l'État russe, engagé par ailleurs dans la construction de la Station spatiale internationale. Son avenir passe désormais par le financement des projets d'exploitation commerciale et touristique du consortium privé international MirCorp.

Pendant une dizaine d'années, à la suite du vol historique de Gagarine, le 12 avril 1961, les spationautes n'ont voyagé dans l'espace qu'au moyen de petites capsules inconfortables où seule la position accroupie ou couchée était possible. Rapidement s'est imposée l'idée de créer une structure plus vaste capable d'offrir de meilleures conditions de séjour et de travail et permettant la réalisation d'expériences scientifiques variées en orbite autour de la Terre.

De 1971 à 1982, l'URSS a satellisé et exploité sept stations Saliout, toutes détruites aujourd'hui. La station Mir (mot russe signifiant « paix », ou « monde ») leur a succédé en 1986. Bien qu'elle puisse fonctionner en régime automatique, elle est conçue pour une présence humaine. Elle peut accueillir deux ou trois cosmonautes pour des séjours de longue durée et jusqu'à six pour des missions de courte durée. Lancé vide, l'élément central a reçu ses deux premiers occupants le 15 mars 1986. Depuis, la station n'est restée inoccupée que quelques mois en 1986-1987, 1988-1989, puis en 1999 et en 2000. Au total, jusqu'à la fin de l'année 2000, vingt-huit équipages s'y sont succédé, représentant plus de 100 cosmonautes, dont plus de 60 provenant de 12 nations différentes pour des missions généralement de courte ou de moyenne durée. Une quinzaine de cosmonautes y ont effectué de longs séjours.

De nombreux records spatiaux ont été battus à bord de la station. Le Russe Anatoli Soloviev a volé cinq fois sur Mir ; son compatriote Valeri Poliakov y a effectué le plus long séjour (467 jours en 1994-1995) et un autre, Sergueï Avdeïev, est devenu le cosmonaute totalisant la plus longue durée cumulée de séjour dans l'espace, avec 748 jours en trois missions. Avec un vol de 188 jours et 20 heures en 1999, le Français Jean-Pierre Haigneré est le cosmonaute non russe ayant séjourné le plus longtemps à bord de Mir ; il a battu de peu le record établi en 1996 par l'Américaine Shannon Lucid, avec un vol de 188 jours et 4 heures.

Le bloc principal

Lancé le 20 février 1986, le module central de la station Mir est un cylindre de 13 m de long et 4,2 m de diamètre maximal, pesant 20,4 t. Poste de commandement et lieu de vie, il bénéficie d'un aménagement intérieur amélioré et, surtout, de la présence à ses extrémités de six pièces d'amarrage. L'une est à l'arrière et les cinq autres à l'avant ; quatre d'entre elles sont disposées radialement pour l'adjonction de modules complémentaires, les deux autres sont situées dans l'axe longitudinal de la station pour accueillir les vaisseaux pilotés Soyouz, qui transportent les équipages, et les vaisseaux automatiques Progress, qui assurent le transport du fret.

Élément central de la station, le compartiment de travail, long de 7,6 m, offre un volume habitable d'environ 100 m3. Au centre, une grande pièce sert à la fois au pilotage de la station, à la réalisation des expériences scientifiques, aux préparatifs culinaires et à l'entraînement sportif – grâce à un tapis roulant et à une bicyclette ergométrique.

L'application de couleurs différentes sur le plancher, les parois latérales et le plafond facilite l'orientation des cosmonautes que l'impesanteur prive de tout autre repère : le sol est recouvert de moquette vert foncé, les murs sont de couleur vert pâle et le plafond est blanc avec des lampes fluorescentes. Treize hublots permettent l'observation visuelle ou l'installation d'instruments scientifiques. La température intérieure est maintenue entre 18 et 28 °C et l'humidité de l'atmosphère entre 30 et 70 %. L'air respiré a la même composition et la même pression que sur la Terre. Le bloc principal est équipé également d'un réfrigérateur, d'un stock de vivres et d'eau potable (dont la conservation est considérablement accrue par l'ajout d'ions d'argent et l'utilisation de récipients stérilisés), d'un petit lavabo, d'une douche et de toilettes. Deux cabines individuelles sont réservées à l'équipage principal. Elles possèdent un hublot, une petite table de travail et un strapontin, ainsi qu'un sac de couchage, le long de la paroi latérale.