Le 500e anniversaire de la découverte du Brésil

Le Brésil a fêté dans une grande confusion son demi-millénaire. Découvert par hasard en avril 1500 par un petit noble portugais bien en cour mais sans génie maritime, répondant au nom de Pedro Álvares Cabral, le Brésil est resté la colonie portugaise du Nouveau Monde jusqu'en 1822. Cette année-là, le 7 septembre, Lisbonne octroya à sa colonie d'Amérique une indépendance que celle-ci n'avait pas vraiment réclamée, le roi du Portugal, Juan VI, confiant à son fils aîné l'empire du Brésil.

Cette indépendance a scellé durant soixante-dix ans une solide alliance entre les grands propriétaires terriens et la Couronne, assurant la perpétuation du système esclavagiste, clé de voûte de la colonisation depuis Albuquerque. Tenu à l'écart des mouvements abolitionnistes, le Brésil sera le dernier pays du continent américain à abolir l'esclavage, en 1888. Ce terrible souvenir divise aujourd'hui la société brésilienne. Ni les Indiens, rescapés du génocide, ni les Noirs, victimes de l'esclavage, ni les paysans sans terre, en lutte pour une réforme agraire équitable, n'ont voulu s'associer à la célébration de cet anniversaire.

La découverte du Brésil par les Portugais

Le 22 avril 1500, un mercredi, entre chien et loup, le navigateur Pedro Álvares Cabral ordonne au pilote du vaisseau amiral de jeter l'ancre à l'embouchure d'un fleuve situé sur une côte au large de laquelle il croise depuis deux semaines et demie. Aucun des portulans du bord ne lui signale l'existence de cette terre. Pour en prendre possession au nom du roi de Portugal, Manuel Ier, l'amiral a choisi de mouiller sa flotte à quelques encablures de l'actuelle plage de Coroa Vermelha, dans un havre naturel formé par le rio Cahy, situé sur la côte de l'État de Bahia.

Fidèle à l'ordre des Chevaliers du Christ, auquel il appartient, Cabral envisage aussitôt de dresser une croix de 7 m de hauteur au pied de la colline repérée par ses vigies. Là, à proximité de son mouillage, il fera célébrer le dimanche suivant, jour de Pâques, une messe. Pendant ce temps, les équipages pourront se ravitailler en eau fraîche et en vivres. Le but de cette expédition étant de rallier au plus vite Calicut, en Inde, pour faire entendre raison au rajah qui a éconduit le conquistador de l'océan Indien, Vasco de Gama, Cabral n'a aucune intention de s'attarder sur cette terre nouvelle qu'il baptisera « Ilha de Vera Cruz », l'île de la Vraie Croix.

Très intrigués depuis plusieurs jours par les surprenants objets marins non identifiés qui approchent de leurs rivages, des Indiens Pataxos assistent avec étonnement aux manœuvres des douze vaisseaux de l'amiral portugais. Le lendemain, les éclaireurs indiens iront de surprise en surprise lorsqu'ils verront débarquer des êtres à peu près conformes à l'idée qu'ils se font des hommes, à cette nuance près que ces êtres humains, venus d'un pays insoupçonné, au lieu d'être nus comme eux, portent sur le corps d'étranges accoutrements qui ne ressemblent en rien aux plumes et aux peaux de bêtes qu'eux-mêmes revêtent à l'occasion de certaines festivités. De surcroît, ces visiteurs sont sales, malodorants et souffreteux ; ils ont du poil sur le visage et les dents pourries.

Au bout de quelques heures, les Indiens Pataxos constateront que les visiteurs, très affairés à équarrir et à assembler en croix deux pièces de bois, utilisent des ustensiles et des outils fabriqués dans des matériaux inconnus et de qualité supérieure à leurs outils de pierre ; enfin, qu'ils disposent d'instruments « d'où s'échappe la voix du tonnerre » leur permettant d'abattre à distance n'importe quel gibier. Sur la foi de ces premiers rapports, les caciques des tribus côtières avoisinantes accourront avec leurs sujets chargés de présents pour prendre part à cet inimaginable spectacle. Neuf jours durant, ce point du littoral connaîtra donc une fièvre exceptionnelle, des centaines de pirogues tournoyant autour des caravelles.

À la lisière de la forêt tropicale, les rencontres entre les Pataxos et les Portugais seront l'occasion d'étranges conciliabules. Le premier matin, Cabral avait dépêché à terre une ambassade pour établir le contact avec les autochtones qui avaient veillé toute la nuit sur le rivage. Cette ambassade se composait de son second, un marin chevronné, Nicolau Coelho, et de trois interprètes : un mousse de Guinée, un esclave d'Angola et un juif de l'Inde capturé par Vasco de Gama, dénommé pour cette raison Gaspar de Gama, qui connaissait l'arabe et plusieurs dialectes hindous. Malgré son caractère cosmopolite, cette délégation n'aboutira à rien, aucun des natifs de l'île n'ayant jamais entendu parler portugais, ni guinéen, ni angolais, ni arabe, ni hindi, ni urdu. À défaut de se comprendre au cours des folles journées qui suivront, les deux groupes échangeront en signe de bienveillance toutes sortes de cadeaux.