Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

La France doit régler ses affaires...

Faux électeurs de Paris, HLM de Paris, emplois fictifs et, enfin, lycées d'Île-de-France, les affaires se suivent et se ressemblent, qui mettent en cause la presque totalité de la classe politique. Plus que jamais sur la sellette, le RPR, dont le grand déballage est d'autant plus attendu qu'il risque de compromettre Jacques Chirac, qui en était le patron du temps où il était maire de Paris.

« Il n'y a en France ni crise politique, ni crise morale... » L'affirmation se voulait lénifiante, mais le président de la République, qui accordait le soir du 14 décembre un entretien télévisé très attendu, n'a pas réussi à chasser le spectre des affaires, qui hante la classe politique française depuis des années. Suspendue au-dessus de la classe politique, l'épée de Damoclès de la justice menace aussi le locataire de l'Élysée. Sondage après sondage, l'opinion exprime sa soif de transparence sur la scène politique et son manque de confiance dans ses acteurs. Le RPR est au cœur de cette tourmente provoquée par le financement occulte des partis politiques : à gauche, le PS, avec l'affaire Urba ou encore avec l'affaire de la MNEF, qui avait causé en 1999 la démission et la mise en examen de Dominique Strauss-Kahn, mais aussi le PC, dont le secrétaire général Robert Hue a obtenu un non-lieu en octobre, des comptes ont été rendus à la justice. Mais le mouvement gaulliste est jusqu'à présent passé à travers les fourches caudines de la justice, qui enquête pourtant sur une série de dossiers mettant en lumière ses liens présumés avec les entreprises et resserre son étau sur le chef de l'État. En septembre, la publication du contenu d'une cassette vidéo dans laquelle le promoteur Jean-Claude Méry, mort en 1999, affirme avoir collecté des fonds pour le RPR, et dans une moindre mesure pour le PS et le PC, sur ordre de M. Chirac, donne une nouvelle dimension à l'affaire des HLM de Paris et à la fraude organisée sur les marchés publics, qui s'est traduite à ce jour par la seule mise en examen de Jean Tiberi. L'actuel maire de Paris est par ailleurs au cœur de l'affaire sur les faux électeurs de Paris, dont les ramifications remonteraient à l'époque où M. Chirac était maire de la capitale. L'enquête judiciaire sur l'affaire des emplois fictifs a révélé en avril 1999 l'existence de certains courriers signés par M. Chirac et a valu une mise en examen notamment à Alain Juppé et à un ex-directeur de cabinet de M. Chirac à la mairie de Paris, Michel Roussin. Mais c'est l'incarcération de ce dernier pendant cinq jours, dans le cadre d'une autre affaire, celle des lycées d'Île-de-France, qui a ravivé la crainte de voir les juges frapper à la porte de l'Élysée. Selon Louise Yvonne Casetta, ancienne directrice administrative du RPR, Michel Roussin aurait été le coordinateur d'un vaste système de financement du RPR, mais aussi du PR et du PS, en vertu d'un accord conclu entre ces trois partis au début des années 1990 pour se partager les commissions versées par les entreprises du BTP. Cette entente illicite, qui portait sur 2 % de la somme totale, était connue de M. Chirac, selon Mme Casetta. L'implication du PS, fût-ce à un degré moindre, dans cette affaire, a peut-être convaincu M. Chirac de rompre la loi du silence, pour rappeler que son immunité le plaçait au-dessus des affaires.

U. G.

Le chef de l'État se pose en victime

Au fil des affaires visant l'Élysée, des voix s'élèvent avec insistance, comme celle du député PS Arnaud Montebourg, pour demander au président de répondre devant la justice du « système » qu'il aurait mis en place à Paris, voire pour engager une procédure d'« impeachment ». Le jour où son ancien conseiller, le procureur général de Paris Alexandre Benmakhlouf, démissionnait en réponse aux critiques de partialité dans le traitement des affaires, le chef de l'État parlait aux Français, les prenant à témoin de son intégrité plutôt que de se porter lui-même témoin devant la justice. Une éventualité qu'il juge incompatible avec sa fonction présidentielle, même si cette immunité derrière laquelle il se retranche le poserait en victime des diffamations d'une presse déchaînée encouragée par une « justice spectacle ». Le chef de l'État appelle la justice à faire son travail dans la sérénité et dans l'indépendance – il avait pourtant renoncé en janvier à une réforme de la magistrature en ce sens –, et à juger les coupables, sans amnistie possible. Puisqu'il ne peut se défendre devant la justice, M. Chirac demande donc qu'on le croit sur parole quand il affirme ne rien savoir des « dérives » mentionnées, et encore moins de ce « système » qui aurait régi les liens entre la politique et l'argent.