Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Inde-Pakistan : de nouveau le Cachemire

De mai à juillet, l'Inde et le Pakistan se sont livré, au Cachemire, les combats les plus violents depuis ceux de la guerre de 1971 qui avait abouti à la naissance du Bangladesh. Le dossier du Cachemire n'y a trouvé aucun espoir de résolution, bien au contraire. Seule – relative – satisfaction : les armes nucléaires sont restées au placard.

Au cours du mois qui marquait le premier anniversaire de leur accession conjointe au statut de puissance nucléaire, l'Inde et le Pakistan ont repris les combats au Cachemire, l'une des régions les plus sensibles du sous-continent. Le climat entre les deux pays avait pourtant paru se détendre en février à l'occasion de la visite historique effectuée à Lahore par le Premier ministre indien, Atal Bihari Vajpayee.

Une guerre en montagne

Les affrontements ont commencé le 9 mai dans la région de Kargil, au nord-est de la capitale de l'État, Srinagar. Un front d'une centaine de kilomètres soumis à d'intenses tirs d'artillerie s'est établi sur le versant indien de la ligne de contrôle qui sépare les deux pays, entre 4 000 et 6 000 m d'altitude. Les services de renseignements indiens n'avaient pas su prévenir cette opération lancée par plusieurs centaines de combattants séparatistes musulmans appuyés par des soldats pakistanais. Celle-ci menaçait l'approvisionnement des hautes vallées du Ladakh ainsi que d'autres positions avancées indiennes. Il semble que c'est en octobre 1998, alors que les soldats indiens quittaient leurs positions en altitude, que des combattants séparatistes infiltrés depuis le Pakistan les ont investies et renforcées. Ce n'est qu'au moment de les regagner, début mai, que les soldats indiens se sont aperçus qu'elles étaient occupées. Les positions tenues par les séparatistes étaient quasiment inexpugnables. Aussi, après plus de deux semaines de duels d'artillerie sans effet, l'Inde s'est-elle résolue, le 26, à engager son aviation, pour la première fois depuis 1971. Le 27, la destruction de deux Mig indiens par la défense antiaérienne pakistanaise a encore accru la tension. Le Premier ministre indien a évoqué « une situation comparable à une guerre ».

En pleine campagne en vue des élections législatives de l'automne, Atal Bihari Vajpayee ne semblait pas prêt à reculer. Tandis que le Pakistan répétait que seul le dialogue pouvait diminuer la tension, l'Inde excluait tout cessez-le-feu avant le retrait des infiltrés et rejetait toute forme d'internationalisation du conflit, qui aurait risqué de relancer le débat sur le partage du Cachemire. Le Premier ministre indien, qui a clairement dénoncé « l'intrusion pakistanaise », a rappelé que le tracé de la ligne de contrôle établi par les militaires des deux pays à l'issue de la signature des accords de Simla, en décembre 1972, n'avait pas été mis en cause depuis lors.

Le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, était-il au courant de l'implication directe de son armée dans l'opération ? Il est permis d'en douter. L'armée, qui entretient de mauvais rapports avec lui, aurait voulu réaliser une opération de politique intérieure en se posant en défenseur des intérêts nationaux et en rendant caduc l'espoir d'un règlement rapide du conflit du Cachemire. Nawaz Sharif s'est ainsi trouvé piégé entre son armée et la communauté internationale dont dépend l'aide économique qui fait vivre le pays. Car l'internationalisation du contentieux, toujours souhaitée par le Pakistan, a, en l'occurrence, joué contre Islamabad. Le 20 juin, les dirigeants du G 8 réunis à Cologne se sont déclarés « vivement préoccupés par la poursuite de la confrontation militaire au Cachemire consécutive à l'intrusion d'éléments armés qui ont violé la ligne de contrôle » et ont considéré « toute action militaire visant à changer le statu quo comme irresponsable ». L'intensité des combats ne s'en est pas moins accrue au fil du mois de juin, les 30 000 soldats indiens engagés dans la bataille ne délogeant qu'à grand-peine les séparatistes de leurs positions.