Pakistan : la spirale de la violence

Diverses lignes de tensions traversent le Pakistan, au premier rang desquelles se situent l'opposition entre sunnites et chiites et l'agitation des extrémistes islamistes. Les raisons de ces tensions ne sont pas uniquement religieuses, mais, plus profondément, politiques. Et le réchauffement apparent des relations avec l'Inde voisine n'est pas encore suffisamment éprouvé pour constituer un solide motif d'espoir.

1999 commence au Pakistan de la même façon que s'est achevé 1998 : dans la violence. Le 3 janvier, la cible était le Premier ministre lui-même. Une bombe a explosé sur un pont que le cortège de Nawaz Sharif emprunte chaque dimanche, à Lahore, dans la province du Pendjab, tuant 4 personnes. À la fin du mois, deux extrémistes sunnites appartenant au mouvement Kashkar-i-Jhangvi reconnaîtront être les auteurs de l'attentat. Le 4 janvier, quatre jeunes gens se déplaçant à moto ont ouvert le feu sur des fidèles chiites qui priaient dans la mosquée de Karamdad Koreshi, près de Multan, toujours dans le Pendjab. Le bilan de l'attentat s'est élevé à 16 morts.

Violents affrontements entre sunnites et chiites

Cette province située dans le centre du pays est le principal théâtre de la lutte que se livrent les groupuscules extrémistes sunnites et chiites depuis plusieurs années. En septembre 1996, l'attaque d'une mosquée sunnite y avait fait 22 morts. En février 1997, un attentat dirigé contre un centre culturel iranien – chiite – avait tué 8 personnes. En janvier 1998, 24 personnes avaient trouvé la mort lors d'une attaque dans un cimetière chiite.

Les sunnites représentent 74 % des musulmans qui vivent au Pakistan – dont 97 % des habitants sont des fidèles de l'islam. Le Pendjab est leur province. Les chiites forment 26 % des musulmans pakistanais. Ils sont particulièrement nombreux dans la province méridionale du Sind, où se situe Karachi, la capitale économique du pays. Le soutien apporté par l'Arabie saoudite aux sunnites et par l'Iran aux chiites, à partir des années 80, n'a fait qu'envenimer l'antagonisme latent entre les fidèles des deux grands courants de l'islam. Mais la religion n'est pas le seul enjeu des violences qui secouent le pays. Le contrôle du pouvoir politique et du crime organisé en sont d'autres, tout aussi déterminants.

Karachi constitue un deuxième foyer de tensions interne au Pakistan. Sur les douze millions d'habitants que compte cette ville, 60 % sont d'anciens réfugiés musulmans, les mohajirs, qui ont fui l'Inde lors de la partition de l'ex-Empire, en 1947, pour échapper aux massacres perpétrés par les hindous. Leur formation, le Mouvement Mohajir Qaumi (MQM), est majoritaire à Karachi. Un temps allié à la Ligue musulmane, qui est au pouvoir, le MQM d'Altaf Hussain a rompu avec celle-ci en 1998. La formation de Nawaz Sharif a alors soutenu l'une des formations dissidentes du MQM pour tenter de contrer l'influence de celui-ci. Une lutte violente s'est ensuivie pour le contrôle de la capitale économique indienne – la première ville du pays considérée sous l'angle du nombre d'habitants.

En décembre, devant l'ampleur des troubles, les autorités ont dissous les institutions du Sind et ont placé la province sous un régime de quasi-loi martiale. C'est la troisième fois que Karachi est soumise à un tel régime depuis le rétablissement de la démocratie, en 1988.

La charia, la loi fondamentale du pays

En 1998, les violences ont causé plus de 1 100 morts au Pendjab et près d'un millier dans le Sind. Les pouvoirs très étendus accordés à la police dans sa lutte contre les extrémistes et les condamnations à mort prononcées par les tribunaux antiterroristes mis en place par le gouvernement ne semblent pas avoir découragé les fanatiques. Ainsi, sur les quelque 20 000 jeunes Pakistanais qui ont combattu en Afghanistan, nombreux sont ceux qui ont conservé leur armement, prêts à le mettre au service du djihad sur leur propre sol. Dans sa lutte contre l'extrémisme islamiste, le gouvernement a subi plusieurs revers.