Rugby

IVe Coupe du monde
(du 2 octobre au 6 novembre, Grande-Bretagne et France)

Dire que la Coupe du monde de rugby a été « sauvée » par le fameux France-Nouvelle-Zélande du 31 octobre est un raccourci un peu rapide. Pourtant, sans cette demi-finale flamboyante, la quatrième édition de la Webb Ellis Cup n'aurait été qu'un empilage de matchs aux scores sans surprise.

Trop long. Trop prévisible. À mi-parcours des six semaines de compétition, le bilan de la Coupe du monde à vingt équipes s'annonce morose. À trop vouloir rendre leur sport universel, les responsables du rugby mondial semblent avoir oublié l'intérêt du spectacle. Qui, en effet, peut applaudir à une rencontre entre la Nouvelle-Zélande et l'Italie conclue sur un score de 101 à 3 ?

Excepté au pays de Galles, la fièvre de la Coupe du monde n'a saisi l'Europe qu'à l'orée de la dernière semaine. En raison de l'éclatement des sites au Royaume-Uni et en France, et de la programmation des rencontres tous les six jours, les spectateurs ne se sont pas pris tout de suite à un jeu que l'on annonce couru d'avance en raison de la différence de niveau entre les deux hémisphères. Avant même le début des rencontres, on serine en effet que le vainqueur de la Coupe du monde ne peut être que l'un des trois pays déjà lauréats de la Webb Ellis Cup : l'Australie, victorieuse en 1991, l'Afrique du Sud (en 1995) ou la Nouvelle-Zélande (en 1987).

Un chien dans un jeu de quilles

« Seule la France peut penser battre une équipe du Sud », estimait David Campese, l'ex-ailier australien, en 1998 après le deuxième grand chelem consécutif dans le Tournoi des cinq nations de tricolores alors au sommet de leur art. Lors des premiers tours de la Coupe du monde, le pari de Campese s'avère pourtant peu judicieux. Derniers du Tournoi six mois auparavant, les Français restent en effet sur une défaite « historique » et traumatisante (54 à 7) face aux All Blacks, lors d'une tournée estivale en Nouvelle-Zélande. Et leur entrée en matière dans la compétition mondiale ne laisse en rien présager l'exploit.

Balles perdues, fautes de débutants... les Bleus, emmenés par Raphaël Ibanez, retombent dans leurs légendaires travers, jouant bien en deçà du niveau qui était le leur en 1995, date de leur dernière victoire sur les All Blacks. C'est en tremblant et en commettant de trop nombreuses approximations face aux Fidji, au Canada et à la Namibie, qu'ils se qualifient pour les quarts de finale, avant de produire un honnête match face à l'Argentine (47 à 26), qui leur procure la qualification en demi-finale face aux redoutables Néo-Zélandais.

Le match de Twickenham entre l'outsider français et le grandissime favori des antipodes a, contre toute attente, justifié à lui seul les six semaines, parfois lénifiantes, de la Coupe du monde. Neuf mois après une humiliante dernière place dans le Tournoi des cinq nations, trois mois après l'écrasante défaite subie chez les Blacks à Wellington, les Français ont infligé aux Néo-Zélandais le plus cuisant revers de leur histoire en s'imposant 43 à 31, à l'issue d'un match épique et magique considéré par beaucoup comme l'un des plus beaux de l'histoire du rugby. Personne à ce jour n'avait inscrit 43 points contre les hommes en noir.

Menée à la mi-temps (10 à 17), l'équipe de France, célèbre pour son inconstance et ses coups de génie, est parvenue à renverser la vapeur dès le début de la seconde période. En inscrivant 33 points en trente minutes, les Tricolores ont infligé une gifle aux « invincibles ». Ils ont signé également leur réconciliation avec un public qui, jusque-là, avait boudé les matchs. Christophe Lamaison, le buteur auteur d'un sans-faute en demi-finale, mais aussi Christophe Dominici, Abdel Benazzi ou Raphaël Ibanez sont devenus, l'espace d'une semaine, les héros d'un pays qui se prenait à rêver à un nouveau titre de champion du monde, plus d'un an après la Coupe du monde de football.

Pas « deux » miracles

Mais la magie « bleue » n'a pas duré. En finale, la logique a repris le dessus et les Australiens de Matt Burke ont remporté le combat physique pour s'imposer 35 à 12 à des Français fatigués. L'Australie, déjà sacrée en 1991, est entrée dans l'histoire comme le premier pays à remporter deux titres mondiaux.