Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

La Nouvelle-Calédonie : un avenir bien cadré

En avril 1998, soit dix ans après les événements tragiques d'Ouvéa, qui avaient débouché sur les accords de Matignon, et 153 ans après que l'amiral Febvre-Despointes eut pris possession de la Nouvelle-Calédonie au nom de la France, une page décisive pour l'indépendance de ce lointain territoire français du Pacifique a été tournée avec l'accord conclu entre le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) et le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR). Les parlementaires, députés et sénateurs, devaient approuver, en juillet, le projet de loi de révision constitutionnelle nécessaire à l'application de l'accord de Nouméa, signé le 5 mai par le Premier ministre, Lionel Jospin, le président du FLNKS, Roch Wamytan, et le président du RPCR, Jacques Lafleur.

Un succès pour le gouvernement de Lionel Jospin, qui a su, à l'inverse de ses deux prédécesseurs, Édouard Balladur et Alain Juppé, déminer, « en donnant du temps au temps », un dossier qui, sur la question du nickel, notamment, la principale richesse de l'archipel, s'enlisait. En remettant à plus tard – quinze ou vingt ans – le référendum décisif sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et en mettant en place un régime juridique inédit prenant quelques libertés avec la loi fondamentale de la République, le Premier ministre a pu mettre d'accord chacune des deux parties, indépendantistes et anti-indépendantistes. Le ; mots tabous d'« indépendance », tant redouté par les caldoches, et d'« autonomie », rejeté par les Kanaks, s'effacent au profit du concept de « citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie ». C'est l'aboutissement d'une longue et difficile négociation, commencée en 1988 sous le gouvernement de Michel Rocard, qui permet de transférer progressivement une large partie de la souveraineté de l'État à la Nouvelle-Calédonie.

L'accord de Nouméa

Il est, on l'a dit l'aboutissement difficile de négociations démarrées au printemps. Signé entre le Premier ministre et les présidents du FLNKS et du RPCR, il clôt la période intermédiaire ouverte par les accords de Matignon et fixe les conditions de l'avenir institutionnel du « Caillou » pour les quinze ou vingt prochaines années, selon les décisions qui seront prises par le Congrès du territoire. Transférant progressivement une large partie de la souveraineté de l'État à la Nouvelle-Calédonie, il est un chef-d'œuvre d'équilibre. Dans son préambule, comme le souhaitait le FLNKS, le texte insiste sur les torts faits par la France aux anciens colonisés, sans mésestimer pour autant les aspects positifs. « La colonisation de la Nouvelle-Calédonie s'est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d'Europe ont imposé leur domination au reste du monde... Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière », est-il écrit. Reconnaissant le « traumatisme durable » et « l'atteinte à la dignité », mais aussi que « la participation des autres communautés à la vie du territoire lui est essentielle », l'accord propose au peuple kanak « une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d'une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun ». Il prévoit un état transitoire d'une vingtaine d'années (une consultation finale devrait être organisée entre 2013 et 2018), pendant lesquelles le « territoire », ou « pays », va bénéficier de compétences de plus en plus larges sur « la voie de la pleine souveraineté ».

Les principaux points de raccord

Pour mieux prendre en compte l'identité kanake, l'accord reconnaît le droit coutumier sur l'île. Celle-ci bénéficiera de « signes identitaires », tels qu'un nom, un hymne, une devise et un graphisme pour ses billets de banque. Par ailleurs, une mention du nom du pays pourra être apposée sur les documents d'identité comme signe de citoyenneté. Le Sénat coutumier, une assemblée ethnique, sera obligatoirement saisi des projets de loi du pays. L'exécutif local, jusqu'ici représenté par le haut-commissaire de la République, sera exercé par un gouvernement collégial élu par le congrès et responsable devant lui.