Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

France : croissance économique et déficit budgétaire

Bien que bénéficiant d'un environnement international exceptionnellement favorable (hausse du dollar, parité de la livre et de la lire plus conformes aux réalités, etc.), le nouveau gouvernement issu des élections législatives du 1er juin 1997 a agi avec beaucoup de prudence en n'essayant pas de tirer parti immédiatement des avantages qu'il pouvait en attendre. S'étant fixé comme priorité la croissance et surtout l'emploi, il a craint de gâcher les chances qui lui étaient ainsi offertes. Si toutes les conditions ou presque sont réunies pour que la croissance reparte effectivement et qu'avec elle les créations d'emploi se multiplient, le gouvernement Jospin estime cependant qu'il ne dispose pas d'une marge de manœuvre et de moyens suffisants pour résoudre le problème majeur qui se pose à très court terme, celui des déficits publics. Avec un tel problème, il se trouve placé devant une double exigence contradictoire : d'un côté, pour réduire les déficits et se conformer par là même au critère des 3 % du produit intérieur brut du traité de Maastricht, le gouvernement doit s'efforcer d'éviter que la croissance économique soit affectée à la baisse ; d'un autre côté, il doit pouvoir compter sur la reprise de l'activité pour obtenir la réduction des déficits.

Retour de la croissance

À partir de 1992-1993, l'évolution économique de la France a été marquée par des changements radicaux : d'une part, un excédent commercial substantiel se substitue à un déficit chronique des échanges ; d'un autre côté, la désinflation compétitive se transforme en déflation des prix. Entre ces deux changements, l'économie française se trouve prise au piège de la croissance lente ou molle où la montée du chômage et la médiocrité des perspectives de profit engendrent des comportements restrictifs, tant sur la consommation que sur l'investissement. Alors que dans les années 1980 le problème consistait à contenir la demande intérieure, maintenant c'est l'inverse, il faut la stimuler.

Face à une telle situation d'anémie de la demande intérieure et donc de la croissance, le nouveau gouvernement s'est demandé s'il pouvait dégager les marges de manœuvre de la politique économique pour stimuler l'activité et faire reculer le chômage. Or, en raison de la persistance voire de l'aggravation des déficits publics et aussi de la nécessité de se conformer à la norme des 3 % du PIB du traité de Maastricht, il lui est pratiquement interdit de se servir de la politique budgétaire pour redistribuer du pouvoir d'achat à travers une hausse de certaines dépenses publiques : pour retrouver des marges d'action en cette matière, il faut qu'il commence par comprimer le déficit tout en veillant à ne pas casser le démarrage éventuel de la croissance. En second lieu, le gouvernement ne peut pas compter sur la baisse des taux d'intérêt, vieille de 18 mois : même si les industriels sont incités à investir, les résultats de leurs décisions ne se font pas sentir immédiatement ; il faut attendre parfois plusieurs mois. En troisième lieu, l'arme de la hausse généralisée des rémunérations est quelque peu émoussée : dans une situation quasi déflationniste, le resserrement des coûts de revient imposé par la concurrence interdit toute augmentation des salaires du secteur privé.

Ces dernières conditions condamnent le gouvernement à agir avec prudence et pragmatisme pour résoudre le problème à la fois urgent et incontournable de la réduction du déficit public. En fait, pour cette dernière tâche, le gouvernement va être servi par des circonstances encore favorables. En effet, depuis plusieurs années, les échanges extérieurs dégagent des excédents record, grâce aux exportations. Or pour le mois d'août l'excédent de la balance commerciale subsiste, malgré une montée en puissance des importations. D'aucuns y voient le signe confirmant le retour de la croissance en raison de l'amélioration du climat général, du regain d'optimisme des chefs d'entreprise et surtout à cause du redressement spectaculaire de la confiance des consommateurs après le changement de gouvernement. Certains s'inquiètent, cependant, des conséquences que pourraient avoir sur les échanges économiques internationaux la crise en Asie du Sud-Est.