Face à la criminalité sexuelle

La société française a ouvert les yeux sur les violences sexuelles, en particulier à l'encontre des enfants. L'horreur de crimes récents et l'écho de l'affaire Dutroux ont provoqué un sursaut, dont les conséquences sont une répression accrue et un effort d'adaptation du dispositif de soin pour les criminels. Une exigence : porter assistance aux victimes.

La médiatisation quasi systématique dont font désormais l'objet les crimes sexuels donne le sentiment d'une augmentation du nombre de ceux-ci dans notre pays. En fait, il y a surtout évolution des mentalités : de plus en plus, les victimes et leurs proches déposent plainte, dans un contexte de meilleure compréhension et de meilleur accompagnement des démarches entreprises pour obtenir réparation. Globalement, les chiffres fournis par l'administration pénitentiaire permettent de constater une augmentation de 25 % des affaires jugées pour atteinte aux mœurs entre 1984 et 1994 (contre + 8 % pour l'ensemble de la criminalité sur la même période). La durée moyenne des peines prononcées par les cours d'assises pour viols sur mineurs est passée de 8,5 à 11 ans. Les établissements pénitentiaires qui accueillaient 3 717 condamnés pour crimes et délits sexuels le 1er décembre 1993 en comptaient 4 545 le 1er janvier 1996. Parmi ceux-ci, on constate une prépondérance de viols et autres agressions sur mineurs (2 858 condamnés) ; il s'agit à plus de 80 % d'incestes.

Trois types d'auteurs de délits

Plusieurs études de criminologie clinique conduisent à distinguer, par ordre de fréquence : les auteurs d'incestes, les auteurs de viols et les pédophiles.

L'inceste, crime de l'intimité familiale par excellence, se produit dans la majorité des cas en milieu rural et/ou défavorisé (ce qui ne signifie nullement qu'il ne se rencontre pas dans les agglomérations et au sein des familles aisées, très réticentes de surcroît à la dénonciation). Il est en général le fait du père, parfois du beau-père ou du concubin ; l'inceste mère-fille se rencontre exceptionnellement. Les pères incestueux sont le plus souvent bien insérés et n'ont jamais été condamnés pour des infractions antérieures, sexuelles ou non. Ils tendent à minimiser ou à dénier leurs passages à l'acte, qui ont pu se répéter sur de longues périodes et sur plusieurs enfants successifs. Selon plusieurs études, leur risque de récidive sexuelle est relativement limité (il n'en est pas moins indispensable d'assurer, chez les condamnés libérés, la protection des enfants) ; ils présentent très fréquemment un alcoolisme chronique (facteur de risque qui doit faire l'objet d'une prise en charge spécifique). La victime, elle, est en situation de vulnérabilité ; il s'agit parfois d'enfants en difficulté sur le plan scolaire et présentant une insuffisance intellectuelle ou des troubles prépsychotiques. L'isolement social de la famille, qui se protège des intrusions d'un monde vécu comme menaçant, est une constante. L'autorité paternelle est souvent sans partage, face à une mère passive et soumise (cependant, l'augmentation actuelle de la précarité fait que les incestes surviennent aussi dans des familles disloquées et marginalisées, où père et mère sont déchus, la mère contribuant alors de façon active aux pratiques incestueuses). L'émoi sexuel de l'auteur d'inceste survient au moment de l'éveil de la féminité de sa victime conjugué au repli de la vie sexuelle du couple. Il n'est pas rare, enfin, que le sujet (ou ses sœurs) ait subi des violences sexuelles de la part de ses propres père, oncle ou grand-père, secrets de famille bien cachés. Soigner les victimes revient donc à prévenir les abus dans la génération suivante.

Les auteurs de viols présentent des caractéristiques différentes. Leur victime est en règle générale une femme. Ils dénient leur acte ou l'évoquent de façon déformée, persuadés que leur victime était consentante, ou qu'elle n'a pas lutté. Ils ont souvent des antécédents judiciaires, associés à une fréquence particulière d'infractions non sexuelles (vols, violences). On trouve chez eux plus de troubles de la personnalité, en particulier limites, parfois à expression psychopathique ; alcoolisme, toxicomanie et conduites à prise de risque sont très représentés. Les récidivistes peuvent présenter des perversions au sens clinique du terme.