Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Mexique, Amérique centrale et Caraïbes

Mexique

Entré en fonction le 1er décembre 1994, le nouveau président, Ernesto Zedillo (Parti révolutionnaire institutionnel), découvre (ou prétend découvrir) une situation économique catastrophique : son prédécesseur, Carlos Salinas de Gortari, aurait préservé les « fondamentaux » économiques de façon totalement artificielle, en vendant massivement des bons du Trésor et en refusant de dévaluer la monnaie. Depuis 1992, le peso était surévalué par rapport au dollar à cause d'une importante différence entre l'inflation du Mexique et celle des États-Unis.

Salinas n'avait jamais voulu dévaluer parce qu'il était soucieux de son image (« un président qui dévalue est un président dévalué », dit-on au Mexique) au moment où il allait présenter sa candidature à la présidence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), parce que les élections approchaient et qu'il ne voulait pas donner d'arguments à ceux qui, aux États-Unis, s'opposaient à l'Accord de libre-échange nord-américain (l'ALENA, qui lie le Mexique aux États-Unis et au Canada). Le déficit des comptes courants du Mexique était comblé par des flux de capitaux importants, attirés par la perspective de l'ALENA.

À l'automne 1994, il devient évident que l'ampleur du déficit (7,6 % du PIB) rend une dévaluation nécessaire. Cela provoque une attaque spéculative. Le 22 décembre, le flottement du peso est décidé. Celui-ci s'effondre ensuite : alors qu'un dollar s'échangeait contre 3,5 pesos en décembre, il en vaut 5,57 début janvier.

Après l'annonce par le président E. Zedillo d'un plan d'austérité d'urgence, plusieurs milliers de personnes manifestent à Mexico le 5 janvier. Le 10 janvier, toutes les Bourses latino-américaines chutent, à tel point que l'on parle d'un « minikrach boursier » : la bourse de Mexico recule de 6,26 %, celle de São Paulo de 9,8 %, celle de Buenos Aires de 6,49 %, celle de Santiago de 3,73 % et celle de Lima de 8,44 %. C'est l'« effet Tequila ».

Le 31 janvier, les États-Unis s'engagent à fournir une aide de 20 milliards de dollars, qui s'ajoutent aux 17,8 milliards mis à la disposition du Mexique par le Fonds monétaire international (FMI). Au total, ce sont 50 milliards de dollars qui sont mobilisés pour sauver le Mexique, un montant sans équivalent dans l'histoire.

L'évolution de l'économie du Mexique est chaotique pendant toute l'année 1995. À des phases d'optimisme, donnant à penser que la crise est résolue, succèdent des phases de panique et de réactivation de la crise. L'instabilité devient structurelle.

Pour 1995, l'OCDE prévoit une contraction du PIB de 3,5 % et une reprise en 1996. Le coût social à payer pour le rétablissement macro-économique est énorme. En quelques mois, 800 000 emplois disparaissent.

Le référendum zapatiste

D'autres problèmes viennent s'ajouter à la crise financière. Les négociations avec la guérilla piétinent, la violence se généralise et la démocratisation se fait attendre. Le 9 février, accusant l'Armée zapatiste de libération nationale (l'EZLN du sous-commandant Marcos) de préparer des actions violentes tout en se disant favorable à des négociations, le gouvernement lance une opération militaire pour récupérer les territoires occupés et arrêter les dirigeants zapatistes. Plusieurs phases de négociation se succèdent, sans succès. Durant l'été, les zapatistes prennent une initiative originale. Le 27 août, ils organisent un référendum dans tout le pays, pour consulter les Mexicains sur le rôle politique de l'EZLN et leur demander s'ils appuient leurs revendications sur la démocratisation du système politique. Près d'un million de Mexicains participent au vote (soit environ 10 % de la population totale) et se montrent favorables à une transformation de l'EZLN en parti politique.

Le 11 septembre, à l'issue de la sixième réunion de négociation, le gouvernement et les zapatistes parviennent à un accord qui définit les procédures des futures négociations. Celles-ci devraient ensuite porter sur les thèmes suivants : les droits et la culture indigènes, la démocratie, la justice, le bien-être et le développement.

Violence et démocratisation

Pendant l'année, une violence plus sociale fait son apparition. Le 28 juin, une manifestation paysanne tourne au massacre : 14 paysans sont tués, 23 sont blessés. En septembre, des responsables politiques de gauche et des policiers sont assassinés. Au sud, à côté du Chiapas, l'État d'Oaxaca devient une véritable poudrière, où pullulent les trafiquants de drogue et les bandes armées.