Au total, le poids des prélèvements obligatoires atteint un niveau inégalé, passant de 44,2 % à 44,7 % du PIB. Et Alain Juppé prévient les Français : il n'y aura pas de baisse des impôts avant trois ans...

Emploi : CIE et baisse des charges

C'est sur les thèmes du chômage et de la « fracture sociale » que la campagne présidentielle a été gagnée par Jacques Chirac. Son premier gouvernement engage donc plusieurs des mesures promises, visant à réduire le coût du travail des chômeurs non qualifiés, des jeunes et des chômeurs de longue durée. Ce « plan d'urgence » est adopté dans une loi de finance rectificative votée en juin. Les charges patronales sont réduites pour les salaires allant de 1 fois à 1,2 fois le SMIC (et supprimées pour les SMIC). Le Contrat initiative-emploi, ou CIE, est créé. C'est une aide à l'embauche de chômeurs de longue durée un peu plus ambitieuse que celle qui existait à travers le Contrat de retour à l'emploi, ou CRE. La prime offerte à l'employeur est en effet de 2 000 francs par mois (contre 1 000 francs dans le cas du CRE). Très médiatique mais très coûteux, le CIE connaît un succès statistique : environ 100 000 contrats sont signés dans l'année. Mais ce sont dans la plupart des cas des emplois « de substitution », c'est-à-dire des emplois qui, de toute façon, auraient existé, même sans le CIE. D'autres aides, enfin, sont décidées pour soutenir l'embauche des jeunes.

Logement : le prêt à taux zéro

Dans le discours de politique générale d'Alain Juppé, le logement venait en bonne place – après l'emploi – dans les grandes priorités sociales annoncées. Outre la mise sur le marché de 20 000 logements « d'urgence » ou « d'insertion », et la réduction de 30 % des frais de notaire pendant 18 mois, c'est le « prêt à taux zéro » qui constitue la grande nouveauté. Promis par le candidat Chirac, créé en septembre par Pierre-André Périssol, le ministre du Logement, ce « prêt à taux zéro » s'adresse aux acquéreurs de logements neufs (ou anciens, à condition de les rénover à hauteur de la moitié du prix d'achat). Le montant du prêt varie en fonction de la situation familiale, géographique et des revenus des emprunteurs, 120 000 francs en moyenne. Les banques, qui peuvent distribuer ce prêt, sont ravies.

Politique industrielle : après la « balladurette », la « juppette »

Le gouvernement entendait poursuivre le programme de privatisation engagé en 1993 par Édouard Balladur. Mais la Bourse en a décidé autrement. Celle-ci dégringolant sans relâche, la privatisation de Pechiney a été reportée à la fin de l'année, celle de Renault à plus tard encore... En revanche, une grande continuité a été assurée sur la politique d'aide au secteur automobile. Le lobby des constructeurs, emmené par le bouillant Jacques Calvet, patron de PSA, a vite réussi à convaincre le gouvernement de maintenir la « subvention » accordée par le précédent gouvernement, à savoir la prime à la casse. En septembre, alors que le chiffre des ventes chutait, Yves Galland, ministre de l'Industrie, annonce une prime plus sophistiquée que la précédente : accordée pour toute voiture de plus de 8 ans mise à la casse, elle est de 5 000 francs pour l'achat d'une petite voiture, et de 7 000 francs pour une grosse ; en outre, l'acheteur qui revend ses sicav pour financer son auto est exonéré de la fiscalité sur les plus-values. En fin d'année, la « juppette » ne semble pas en mesure d'enrayer la chute des ventes d'automobiles.

Protection sociale : en attendant les réformes

On fête, le 4 octobre, le cinquantenaire de la Sécu, malade de ses déficits. Mais ce n'est que le 15 novembre, après la clarification de la stratégie économique de Jacques Chirac et le remaniement ministériel, que le Premier ministre annonce son projet tant attendu de réforme du système. C'est une énorme surprise : loin d'un énième replâtrage, M. Juppé présente un plan beaucoup plus ambitieux que prévu, une petite révolution. Il demande et obtient la confiance de l'Assemblée nationale pour agir par ordonnances. L'enjeu est de taille, le trou du régime général a atteint en 1995 environ 65 milliards de francs, dont plus de la moitié pour la seule branche maladie.