Aéronautique : un horizon qui se dégage

Après l'« annus horribilis » vécu en 1993, un optimisme prudent et raisonné s'est instauré après la remontée notable, au cours de l'année 1994, du coefficient d'occupation passagers et fret et en raison de l'augmentation du chiffre d'affaires de la plupart des compagnies aériennes (certaines toujours ou à nouveau bénéficiaires). En revanche, en Extrême-Orient en particulier, les bénéfices ont accusé ici et là des baisses non négligeables en raison de l'accroissement des charges (masse salariale, carburant, taxes en route et taxes aéroportuaires).

Cette meilleure conjoncture, jointe à la nécessité de moderniser les flottes desservant le monde occidental et de répondre à la croissance annoncée du trafic, a amené les compagnies à commander des appareils de nouvelle génération livrables de maintenant à la fin de la décennie, même si, ici ou là, des commandes fermes ou des options ont été, au coup par coup, annulées ou reportées.

Une nouvelle génération d'avions

Ces perspectives de croissance ont été stimulées par la mise en ligne effective ou annoncée de la nouvelle génération d'avions commerciaux. Le GIE Airbus Industrie a poursuivi la livraison du quadriréacteur très-long-courrier A 340 – dont il propose dès à présent des versions aux performances accrues –, du court – moyen-courrier A 321, version allongée du biréacteur A 320, et du moyen – long-courrier A 330, en service sur Air Inter et Aer Lingus, actuellement le plus gros biréacteur porteur en ligne. L'accident au cours du vol d'essai d'un prototype équipé de réacteurs Pratt Withney à Toulouse, le 30 juin, qui a coûté la vie aux sept membres d'équipage, n'a pas compromis l'avenir de l'appareil, exploité avec des réacteurs CFM-56 construits par General Electric et Snecma. Le GIE a par ailleurs lancé la production du dernier-né de la famille, l'A 319, version raccourcie de l'A 320, qui entrera en service en 1996 et, qui a déjà été commandé par ILFUC (États-Unis), Air Inter, Air Canada et Swissair. Avec 69 commandes enregistrées au premier semestre 1994, soit 55 % du total des commandes mondiales et deux fois plus que durant toute l'année précédente, Airbus Industrie peut ainsi se flatter d'avoir conquis sur Boeing le premier rang des constructeurs. En outre, le premier A 300-600 ST (Super Transporter), avion-cargo géant destiné à transporter des éléments d'Airbus ou de fusées Ariane, a commencé ses essais en vol.

Par ailleurs, le constructeur germano-hollandais Fokker devait livrer, en novembre 1994 et début 1995, les premiers exemplaires du biréacteur Fokker 70, version raccourcie du Fokker 100, prévue pour 70 passagers. D'autre part, Boeing a commencé les essais en vol du biréacteur géant B 777, devant entrer en service courant 1995, et lancé le B 737 X, version modernisée de son célèbre B 737. Mais l'avenir n'est pas négligé. Airbus a annoncé la poursuite de la définition de son projet A3 XX, transportant de 530 à 840 passagers selon les versions, sans renoncer à l'étude d'un projet du même ordre avec Boeing. Boeing et McDonnell-Douglas étudient le projet d'un supersonique commercial. Celui du franco-britannique Alliance attend pour avancer des lignes de crédit.

Sur le plan militaire, le Rafale, de Dassault-Aviation, poursuit ses essais en versions air et marine, tandis que le prototype du chasseur européen Eurofighter a commencé ses premiers vols avec un retard considérable sur le calendrier initial. Enfin, le consortium Airbus entre de plain-pied dans le monde des constructeurs aéronautiques militaires en annonçant, lors du Salon aéronautique de Farnborough, début septembre 1994, la mise en œuvre d'un projet de cargo militaire. L'ATF (avion de transport futur), quadrimoteur permettant de transporter jusqu'à 20 tonnes de matériel militaire sur 5 500 km, devrait pouvoir concurrencer les Hercules de Lockheed et l'Antonov 77 russe sur le marché européen et mondial. Mais l'initiative, qui marque un tournant important dans l'histoire du constructeur européen, pose le problème de l'attitude ambiguë du partenaire britannique, lequel, malgré sa participation au consortium européen, continue à se fournir auprès du concurrent américain.

Concorde 001 : la renaissance

Le 25e anniversaire du premier vol du prototype Concorde 001, sur l'aéroport de Toulouse-Blagnac le 2 mars 1969, a été marqué par l'annonce, très attendue, des travaux de restauration du supersonique, exposé devant les bâtiments du musée de l'Air et de l'Espace du Bourget depuis le 19 octobre 1973. L'avion sera présenté au public, sous un hangar gonflable, lors du Salon international de l'aéronautique et de l'espace qui se tiendra au Bourget en juin 1995. Grâce au concours technique et financier de l'État et de nombreuses sociétés aéronautiques, dont Air France, l'Aérospatiale et Snecma, la restauration se poursuivra selon un programme rigoureux qui rendra à l'appareil son aspect originel.

Des Salons exotiques et des aéroports intermodaux

L'année 1994 a été marquée par de nombreux Salons aéronautiques. Tenu sur l'aéroport de Johannesburg juste avant les élections sud-africaines, Aviation Africa 94 a enregistré en dernière minute la défection de sociétés occidentales – dont les françaises – redoutant, à tort, manifestations et attentats. Les autres n'ont pas eu à se plaindre de ne pas s'être montrées pusillanimes. Le Salon du Dubaï a été un succès. En revanche, le deuxième Salon de Berlin, ILA 94, a eu des difficultés à s'imposer et a principalement accueilli des firmes allemandes, de l'Europe de l'Est et de la CEI. Tenu en septembre aux environs de Londres, le biennal Farnborough 94 Airshow, en alternance avec le Salon du Bourget, qui se tient les années impaires, a réuni plus de 600 exposants et environ 130 appareils, dont certains présentés en vol et/ou faisant leur apparition publique en Europe, comme l'Airbus A 330 équipé de réacteurs Rolls-Royce et l'hélicoptère d'attaque Rooivalk CSH-2 construit par la société sud-africaine Armscor-Atlas.