Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

Grandes manœuvres. Au lendemain de la défaite contre la Bulgarie, elles commencent. Le 25 novembre, Gérard Houllier démissionne de son poste de sélectionneur. Quatre jours plus tard, c'est au tour du président de la Fédération française, Jean Fournet-Fayard, de jeter l'éponge. Son départ met fin à une présidence controversée. Parvenu à la tête de la Fédération en décembre 1984, ce pharmacien lyonnais était devenu le symbole d'une des périodes les plus sombres du football français. Jean Fournet-Fayard ne fut pas responsable de tous les maux qui ont accablé le premier sport national. Mais, par impuissance, pusillanimité, manque de clairvoyance et d'autorité, il n'a jamais donné l'impression d'avoir prise sur l'événement. Du remplacement sans ménagements d'Henri Michel par Michel Platini à la tête de la sélection, en 1988, à la crise financière des clubs professionnels (1 milliard de déficit cumulé en 1990), du drame de Furiani aux atermoiements dans la conduite du dossier OM/Valenciennes, Jean Fournet-Fayard a toujours semblé s'être laissé imposer des décisions. Ajoutons à cela une maladresse que d'aucuns ont prise pour de l'irresponsabilité. Le 6 mai 1992, quelques heures après la catastrophe de Furiani (15 morts, plus d'un millier de blessés), il a cette phrase malheureuse que l'enquête ne tardera pas à contredire : « J'affirme que toutes les garanties de sécurité avaient été remplies. » Mis en examen, sa culpabilité ne sera pas reconnue, mais il traînera désormais ce drame comme un boulet.

La démission de Fournet-Fayard préfigure une redistribution des pouvoirs au sein du football français. Traditionnellement, l'équipe nationale est dans le giron de la Fédération, émanation du football amateur. Quant à la Ligue nationale, elle a en charge les destinées du football professionnel et organise à ce titre les championnats de 1re et 2e division. À la lumière de la crise sportive et morale de ces dernières années, et des dysfonctionnements qui se sont fait jour, Noël Le Graët, président de la Ligue, n'a pas caché que l'heure était venue de rééquilibrer les rapports entre professionnels et amateurs au bénéfice des premiers. Le football d'élite y gagnerait en cohésion. Les clubs professionnels qui fournissent l'effectif de l'équipe de France devraient être associés plus étroitement à la gestion de celle-ci. Restera à rebâtir une équipe en vue du Championnat d'Europe des nations 1996 et de la Coupe du monde 1998, dont la France sera l'hôte et, à ce titre, qualifiée d'office. L'examen de conscience du football français a commencé. Un examen salutaire que l'on doit à un certain Kostadinov...

Et pourtant, cette année 93 aurait pu être un très bon cru pour le football tricolore. Elle vit en effet l'Olympique de Marseille mettre fin à 36 ans d'impuissance et de frustration en remportant enfin une Coupe d'Europe. Qui plus est, la plus prestigieuse d'entre toutes, celle des Clubs champions, contre l'équipe phare du football européen depuis cinq ans, le Milan AC. Cette Coupe d'Europe, ce Graal à la poursuite duquel les meilleures équipes nationales (Reims, Saint-Étienne, Bastia, Monaco et Marseille en 91) s'étaient épuisées sans succès au fil des années, les Marseillais l'ont conquise le 26 mai à Munich. Dans leur poule qualificative, les Marseillais avaient disposé du Glasgow Rangers, du FC Bruges et du CSKA Moscou. Dans l'autre poule, le Milan AC, renforcé à l'intersaison par l'arrivée de Jean-Pierre Papin, faisait parler la poudre : six matchs, six victoires contre Porto, le PSV Eindhoven et Göteborg. Fort de son palmarès (quatre Coupes des Champions dont deux en 88 et 89), Milan avait les faveurs du pronostic. Comme souvent en pareille circonstance, la rencontre fut équilibrée, très âpre, peu spectaculaire mais intense. Après un début de match plutôt favorable aux Milanais, l'OM ouvrait le score juste avant la mi-temps sur un coup de tête de son défenseur, Basile Boli. Remarquablement organisés, appliquant à la lettre le système de jeu très rigoureux conçu par l'entraîneur belge Raymond Goethals, les Marseillais résistaient en seconde période aux timides assauts milanais. Ce succès, fêté dans la liesse sur la Canebière, venait récompenser le club qui fut la locomotive du football français pendant cinq ans. Avant que l'affaire...