Politique sociale

Quatre dossiers

Comment éviter que le nombre de demandeurs d'emploi ne passe la barre symbolique des 3 millions ? C'est la question qui va, tout au long de l'année, tarauder le ministre du Travail, Martine Aubry. Dès janvier, elle annonce un renforcement des mesures antichômage. Elle choisit deux méthodes : le traitement individualisé et local des chômeurs de longue durée – ceux qui sont inscrits depuis plus de deux ans –, et la mise en place d'un dispositif particulier – le contrat de préemploi-qualification – pour les jeunes sans formation. Des enquêtes ont en effet montré qu'un tiers des moins de 25 ans à la recherche d'un emploi n'avaient pas de bases minimales en lecture ou en calcul. L'objectif de ce train de mesures est de remettre 200 000 chômeurs sur les rails de l'emploi.

Outre l'emploi, Martine Aubry hérite d'un autre dossier épineux, celui de l'ouverture des commerces le dimanche. Entre gros distributeurs et petits commerçants, entre ceux qui se prononcent pour la liberté de commercer au nom de la modernité et ceux qui estiment qu'une société peut se passer de faire ses courses un jour par semaine, c'est la guerre. Quant au PDG de Virgin Megastore, il demande une dérogation parce qu'il dit vendre des « biens culturels ». Le gouvernement décide d'étendre le bénéfice des dérogations au principe général d'interdiction de commercer le dimanche inscrit dans le Code du travail à certains lieux « touristiques », sous le contrôle des préfets.

Autre débat, le travail de nuit des femmes. Sommée par la Cour de justice européenne de respecter l'égalité professionnelle des hommes et des femmes, la France est obligée, en février, de dénoncer la disposition de l'Organisation internationale du travail (OIT) interdisant le travail de nuit des femmes. Une façon de reconnaître une réalité : 4 % environ de la population active travaille de nuit, et un quart de cette population est féminine.

La montée du chômage en France relance également un autre débat cher à Pierre Bérégovoy, le partage du travail. Le travail à temps partiel ne concerne que 2,8 millions de Français, soit 12,5 % des salariés contre 32 % aux Pays-Bas par exemple. Le généraliser offrirait, selon certaines thèses, un gisement d'emplois dans les services et l'agriculture notamment. En août, Pierre Bérégovoy fera adopter en Conseil des ministres le principe d'un « abattement forfaitaire et permanent » de 30 % des cotisations sociales des employeurs, qui créeront un poste à temps partiel ou transformeront un temps plein en deux partiels. Dans le même souci de faire partager le travail, le Premier ministre annonce que sera créée une incitation à la préretraite progressive à partir de 55 ans. L'objectif est d'en faire bénéficier 15 000 salariés par an, soit trois fois plus qu'actuellement. Faute de volontaires, ces deux mesures ne produisent pas dans les mois suivants d'effets spectaculaires.

Les salariés représentent 86 % de la population active, un pourcentage en hausse dont la diminution des exploitants agricoles est le facteur déterminant. Au total : 19 millions de salariés et 3,2 millions de non-salariés. À cela il faut ajouter 22,7 millions d'inactifs (militaires, élèves et étudiants, chômeurs n'ayant jamais travaillé) et 9,2 millions de retraités.

Temps partiel

La proportion d'actifs travaillant à temps partiel est passée de 7 % en 1982 à 12,5 % en 1991.

Le harcèlement sexuel hors la loi

Les députés ont adopté en octobre une loi qui proscrit le harcèlement sexuel au travail : il est désormais interdit de prendre des sanctions (licenciement ou discriminations) à rencontre d'un(e) salarié(e) qui aura subi ou refusé de subir un harcèlement sexuel.

Chômage

L'équation du chômage est cette année, plus encore que les précédentes, à la base de la politique sociale. Mais le nombre de chômeurs a doublé depuis 1980 et l'équation semble quasi insoluble en cette période économique morose, malgré les nombreux dispositifs annoncés et mis en place. Le 8 avril, lors de son discours d'investiture, Pierre Bérégovoy promet que son gouvernement fera un effort particulier en faveur des chômeurs de longue durée. Trois semaines plus tard, le ministre du Travail Martine Aubry annonce qu'il leur sera proposé à tous un emploi, une formation ou une activité d'intérêt général. Pour réaliser ce tour de force, ils bénéficieront dans les six mois à venir d'un entretien « approfondi » avec des agents de l'ANPE (dont les effectifs sont renforcés), de l'AFPA ou des missions locales. Une solution sera proposée à chacun d'entre eux, promet le ministre. Ce programme est extrêmement ambitieux : alors que le précédent plan s'adressait aux chômeurs inscrits depuis plus de deux ans, celui-ci concerne pratiquement tous ceux qui pointent à l'ANPE depuis plus d'un an : 920 000 personnes au total, contre 60 000 en 1974. Mais ce nombre mesure un « stock » : entre les entrées et les sorties du système, c'est en fait à près de 1,5 million de chômeurs qu'il faudrait proposer une solution. Et, en matière de formation (par exemple), les circuits sont saturés.