Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Bilan diplomatique

1992 aura été, pour la diplomatie française, une année difficile, non dépourvue de revers et de déconvenues sur quelques grands dossiers, à commencer par celui de la construction communautaire.

L'Europe a connu en effet bien des vicissitudes. L'année précédente s'était achevée par l'accord conclu en décembre entre les chefs d'État et de gouvernement des Douze dans la ville néerlandaise de Maastricht pour transformer la Communauté européenne en une Union politique, dotée avant la fin du millénaire d'une monnaie unique, d'une politique étrangère et d'un début de politique de défense communes. Cet accord sur l'Union européenne était un succès pour la diplomatie française qui en avait été, avec l'Allemagne, la principale inspiratrice.

Pour entrer en application au 1er janvier 1993, comme ses auteurs l'avaient souhaité, le traité de Maastricht aurait dû être ratifié par les différents États membres au cours de l'année 1992. Or, le processus de ratification s'est révélé extrêmement difficile et n'a pu être achevé en temps voulu. La première déconvenue a été, le 4 juin 1992, le refus opposé au traité par les électeurs danois, consultés par référendum. Au lendemain de cette consultation, M. François Mitterrand annonçait que les électeurs français seraient également consultés par référendum au mois de septembre.

Mais la campagne pour le référendum a fait apparaître dans l'opinion française les mêmes craintes et les mêmes réticences que dans nombre de pays voisins. Le « oui » ne l'a emporté que d'extrême justesse (51,05 %), et le pouvoir d'entraînement de la France sur ses partenaires s'en est trouvé considérablement affaibli. En décembre, la ratification du traité de Maastricht n'était acquise que dans dix pays membres sur douze. Les dirigeants danois obtenaient de leurs partenaires des dérogations leur permettant de soumettre une seconde fois le texte à leurs électeurs, vers le printemps 1993. La ratification du traité restait, d'autre part, conditionnée en Grande-Bretagne par le succès du second référendum danois.

Les relations avec l'Allemagne ont pourtant bien résisté au vent d'« euroscepticisme » qui a soufflé sur la Communauté en 1992. Elles ont tenu bon en dépit des tensions suscitées, entre autres, par des divergences d'appréciation sur la dislocation de la fédération yougoslave et, quelques mois plus tard, par la politique des taux d'intérêt menée par la Bundesbank.

Après avoir obtenu d'un voisin germanique jaloux de la bonne santé de son Mark un engagement sur la monnaie unique européenne dans le cadre du traité de Maastricht, Paris a sollicité Bonn pour la mise en œuvre d'un autre projet, d'ampleur plus modeste, mais également audacieux : la création d'un corps d'armée commun destiné, à terme, à devenir européen. En juin 1992, lors de leur rencontre à La Rochelle, MM. Mitterrand et Kohl ont annoncé la mise en place de l'état-major provisoire de ce corps d'armée de 35 000 à 40 000 hommes, qui devrait être opérationnel en 1995. C'est une illustration du désir exprimé par la France de voir l'Europe affirmer son identité propre en matière de défense, c'est-à-dire de s'émanciper par rapport aux États-Unis et au leadership que ceux-ci exercent au sein de l'OTAN.

Les relations avec les États-Unis ont pâti de cette opiniâtreté de la France à mettre sur pied un embryon de défense européenne, et les « franches explications » qu'ont eues, au cours de l'année 1992, le ministre français des Affaires étrangères, Roland Dumas, et le secrétaire d'État américain, James Baker, n'ont pas suffi à dissiper le malentendu. Washington reprochait en substance à Paris de miser sur un désengagement des Américains en Europe et sur un dépérissement de l'OTAN, et de donner, ce faisant, des arguments à un Congrès soucieux d'économies et tenté par un repli isolationniste. Cette approche française n'était pas sans fondement, et l'on a vu en plusieurs occasions, en 1992, les Américains essayer de se donner le beau rôle sans y mettre le prix, qu'il s'agisse de l'aide aux pays de l'Est anciennement communistes (assumée aux trois quarts par l'Europe) ou des tentatives faites pour préserver l'hégémonie américaine sur l'OTAN en lui assignant de nouvelles fonctions en matière de maintien de la paix, notamment. Cela étant, la diplomatie française se sera beaucoup dépensée en 1992 pour contrer les États-Unis dans le domaine des relations économiques et commerciales.